Monsieur le président, il peut sembler étonnant, voire paradoxal, de situer cette démarche au-delà de la COP21 qui vient à peine de s'ouvrir. C'est pourtant cohérent : comme vous venez de le rappeler, la COP21 ne constitue pas un aboutissement, mais bien un point de départ, quasiment « l'année zéro » de la société bas carbone que vous appelez de vos voeux.
Le rapport que vous venez nous présenter est excellent pour plusieurs raisons.
Il est excellent parce qu'il porte l'empreinte de vos convictions, reconnues et appréciées, et met en valeur le travail que notre commission conduit depuis plusieurs mois. En outre, il est conforme à l'exposé des motifs de la résolution que nous avons adoptée la semaine dernière et qui a emporté la conviction de nombreux parlementaires.
Il est excellent parce qu'il constitue une véritable feuille de route pour la justice climatique. Il traite des nombreux enjeux de la COP21, conditions de la réussite d'un accord que nous souhaitons à la fois universel, ambitieux, vérifiable, contraignant, financé et différencié. Et il contient aussi des propositions fortes pour aller au-delà même de cet accord.
J'ai identifié quelques-uns de ces enjeux.
L'atténuation tout d'abord : le fait que 180 États, à l'origine de 95 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), aient décidé d'une contribution nationale, montre qu'un pas important a d'ores et déjà été franchi ; la quinzaine d'États signataires du protocole de Kyoto n'en produisaient que 15 %. Mais les engagements pris dans ces contributions ne nous placent pas encore sur la trajectoire d'une limitation du réchauffement à deux degrés Celsius. Nous en sommes encore à trois.
C'est pourquoi la question de l'adaptation est aussi importante. Nous vous avons souvent entendu affirmer avec force que la COP21 ne doit pas être « l'atténuation de l'atténuation ». L'adaptation également s'impose, autrement dit la nécessité d'accompagner et de prendre des mesures fortes en faveur des pays déjà impactés par des dérèglements climatiques : phénomènes météorologiques extrêmes, élévation du niveau de la mer, perte de la biodiversité, déplacements de populations. Il faut donc traiter aussi bien la question de l'adaptation que celle de l'atténuation.
On se souvient de l'intervention émouvante prononcée la semaine dernière par un de nos collègues sur la situation des territoires et des États insulaires que l'on sait menacés de disparition. Ceux-ci ont besoin à la fois de compensations financières et d'un accompagnement technologique, pour ne pas être dépassés par les événements qu'ils vont subir.
Cela étant, le financement est essentiel à la réussite des négociations. Le Fonds vert pour le climat devrait drainer 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 ; on n'est pas loin du but, mais il faudra encore progresser. La taxation des transactions financières offre des opportunités de financement qu'il ne faudrait pas négliger.
Le rapport traite également de responsabilité. Vous l'avez dit, le concept d'une responsabilité commune mais différenciée pourrait satisfaire tout le monde. Mais ce n'est pas le cas, dans la mesure où un certain nombre de pays, notamment les pays émergents, considèrent que la responsabilité incombe d'abord aux pays industrialisés. De fait, les experts du GIEC et de nombreux contributeurs situent bien la responsabilité du changement climatique dans le modèle même des pays industrialisés, qu'il ne faudrait pas reproduire dans les pays émergents. Il faut donc plutôt prendre en compte la capacité respective des États, qui elle-même dépend des contextes nationaux.
Autre enjeu essentiel : la question du contrôle et de la vérification de l'application des engagements. Ce qui implique bien évidemment de réfléchir à la nature même de l'organisme qui en sera chargé.
Quel est sera le rôle l'Agenda des solutions ? On voit bien que les contributions nationales ne suffiront pas. Comme aime à l'expliquer notre collègue Arnaud Leroy, les entreprises, les territoires, et la société civile dans son ensemble devraient apporter leur propre contribution. Cela me semble en effet indispensable.
Quelle forme prendra l'accord ? Votre proposition d'une clause de revoyure fait son chemin. Le fait de se retrouver au moins tous les cinq ans aurait un effet cliquet et permettrait, au fur et à mesure, d'élever le niveau d'engagement.
Reste surtout la question du prix du carbone. Monsieur le président, vous avez utilisé toutes les occasions possibles – et même le texte relatif à la transition énergétique pour la croissance verte – pour porter une telle idée. Cette idée est en effet essentielle si l'on a vraiment la volonté de se tourner vers une société bas-carbone.
Je terminerai par trois interrogations : qu'en est-il des transferts de technologie ? Pouvez-vous d'ores et déjà dessiner « l'avant-garde climatique » que vous appelez de vos voeux ? Enfin, ce beau plaidoyer pour le climat n'est-il pas tout, sauf le procès de l'énergie ?