Intervention de Bertrand Pancher

Réunion du 2 décembre 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Monsieur le président, j'ai lu et relu le rapport d'information que vous nous présentez, et que je trouve également de très bonne qualité.

Je crains toutefois que la COP21 ne se termine par une énorme « gueule de bois » de la communauté internationale… Les engagements sont forts, la mobilisation intense. Les déclarations sont belles et les engagements généreux – au moins pour le moment. Mais comme on le dit : « chat échaudé craint l'eau froide ». Depuis bien des années nous avons très souvent constaté, à l'issue de ces conférences internationales, qu'il y a loin de la coupe aux lèvres !

Comment jugerons-nous de la réussite ou de l'échec de la COP21 ? On le fera sur la base de trois ou quatre éléments.

Premier élément : l'accord sera-t-il juridiquement contraignant ou pas ? Si l'on s'en tient à une déclaration de bonnes intentions, avec des clauses de revoyure régulières, c'est mieux que rien. C'est le moyen de savoir d'où l'on part, et de se rendre compte si l'on se dirige vers une augmentation des températures de trois, de quatre, voire cinq degrés. Mais demain ou dans les années qui viennent, cet accord sera-t-il juridiquement contraignant ? Pour le moment, on n'en prend pas le chemin.

Je pense que l'on aurait eu intérêt à revisiter l'accord de Kyoto. Certes, il n'a pas été appliqué. Reste qu'il prévoyait des dispositifs juridiquement contraignants. Certes, des pays s'en sont aussitôt dégagés. Certes, on n'a pas appliqué les sanctions prévues sur le plan international. Malgré tout, nous devrions, selon moi, nous engager vers des formes d'accords juridiquement contraignants. Il en est bien question dans votre rapport d'information ; mais peut-être aurait-il fallu travailler davantage sur ce point ; rien ne dit qu'on aurait pu faire mieux tous ensemble.

Quoi qu'il en soit, il ne faudrait pas que l'on se sépare en se contentant des engagements qui auront été pris. En effet, que risque-t-il de se passer après ? Alors même que protocole de Kyoto prévoyait un dispositif contraignant, les États-Unis n'ont pas hésité à s'en retirer et le Canada à faire exploser ses gaz à effet de serre.

Deuxième élément, que vous examinez en détail dans votre rapport d'information : la mobilisation financière en faveur des pays en développement, qui devrait atteindre 100 milliards d'euros par an d'ici à 2020. Autrement dit rien… si ce n'est du recyclage de moyens existants. Tout le monde dit qu'il ne faut pas s'en inquiéter, on finira bien par payer. Mais personne n'est dupe…

Dans votre rapport, et je trouve que c'est très intéressant, vous insistez sur les moyens de lever ces fonds, et vous en appelez à la communauté internationale comme à la communauté nationale. Je pense notamment à la taxe sur les transactions financières. Regardons d'abord comment, dans nos formations respectives, nous avons défendu cette taxe ! On a fait de grandes déclarations, mais une fois revenus dans nos partis politiques, ce n'était plus la priorité des priorités…

Cela dit, nous verrons, en fin de semaine, ce que cela donnera : quels engagements, et sur la base de quels moyens nouveaux ? Reste que jamais on n'a vu autant d'argent circuler, et je pense que nous devons tous nous mobiliser sur la question des transactions financières.

Troisième élément : le système de régulation. Nous devons reconnaître modestement que c'est d'abord la société civile et les entreprises réunies à l'UNESCO il y a quelques mois qui se sont mobilisées en faveur de la taxation du carbone.

Vous insistez beaucoup sur les mécanismes de taxation du carbone. Encore faudra-t-il qu'à un moment ou un autre, la communauté internationale s'interroge sur leur mise en place. Ce n'est pas le tout de donner un prix au carbone : comment le faire prendre en compte dans les échanges ? Comment faire en sorte qu'un bien carboné revienne beaucoup plus cher à l'achat qu'un bien décarboné ? Comment faire en sorte que l'importation d'un bien carboné soit davantage taxée que celle d'un bien décarboné ? Et en fin de compte, comment mobiliser l'OMC et l'amener à comprendre que le culte du libre-échange, exempté de toute taxe, a maintenant vécu ?

Monsieur le président, votre rapport s'apparente plutôt à un « agenda des solutions », incontestablement utile (Sourires) : oui, il faut davantage taxer les transactions financières si l'on veut contribuer à l'aide au développement ; oui, il faut supprimer partout, à commencer dans notre pays, tous les mécanismes financiers soutenant la production de carbone. Il y a là un ensemble de réflexions tout à fait intéressantes, qui pourraient constituer une feuille de route pour notre pays et toutes nos formations politiques.

J'y vois enfin un appel à changer notre mode de développement, basé sur une consommation exacerbée… La France, vous l'avez rappelé, présidera la COP pendant un an. Ce sera l'occasion de commencer à travailler sur notre modèle de consommation. Si le Président de la République veut y associer l'ensemble des formations politiques, et la nôtre en particulier, nous serons au rendez-vous.

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