Monsieur le président, je vous félicite pour ce rapport. J'apprécie vos conclusions empreintes d'objectivité, tout en restant très mesurées.
La COP21 s'est ouverte lundi au Bourget en présence de 150 chefs d'État et de gouvernement. Chacun a souhaité que ce sommet débouche positivement – ce qui est mieux que s'ils avaient dit le contraire. Nous sentons bien néanmoins les obstacles à franchir ; ceux dont le développement dépend le plus des énergies carbonées l'ont déjà fait savoir.
Le cinquième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental (GIEC), rendu public en novembre 2014, a élaboré quatre scénarios. Le plus probable, en l'état actuel de l'évolution du réchauffement climatique, est le scénario le plus pessimiste. Il table sur une poursuite des émissions de gaz à effet de serre et une hausse des températures de cinq degrés.
Par conséquent, seul un scénario de réduction des GES est en mesure de maintenir la température sous le seuil de deux degrés. C'est un défi de taille car cela implique de réduire nos GES de 10 % par décennie.
Les engagements annoncés par les États parties prenantes de la COP 21 nous situent davantage à trois degrés qu'à deux degrés. Voilà donc un premier obstacle.
Le second obstacle touche au contenu des négociations et ce à quoi nous voulons aboutir.
L'efficacité commanderait que des objectifs contraignants soient fixés ; mais beaucoup n'en veulent pas. Ainsi John Kerry, le secrétaire d'État américain, a déclaré au Financial Time qu'il n'y aurait pas d'objectifs de réduction juridiquement contraignants, comme cela avait été le cas dans le protocole de Kyoto. Il faut reconnaître aux États-Unis une belle constance : ils avaient signé le protocole de Kyoto, mais ne l'avaient jamais ratifié… Ce qu'ils appellent aujourd'hui de leurs voeux, pour le sommet de Paris, c'est une simple déclaration, ce qui ne servirait à rien et ruinerait toute possibilité de limiter le réchauffement climatique sous la barre de deux degrés centigrades.
En réalité, ce sur quoi nous butons réside dans la contradiction existant entre les impérieuses exigences climatiques, qui nous commandent de réduire nos GES, et un mode de production et de développement fondé sur le productivisme, une consommation énergivore et le dumping social, autrement dit la main-d'oeuvre à moindre coût. Dans ces conditions, l'envahissement des lois du marché dans toutes les activités humaines rend périlleuse la signature des accords internationaux qui seraient nécessaires.
Pour prendre des engagements communs, il nous faudrait un monde de coopération. Or nous sommes dans un monde de compétition et de concurrence : pour gagner des parts de marché, il faut les arracher à d'autres ; pour vivre un peu mieux, il faut que d'autres vivent moins bien…
Tant que nous ne reconsidérerons pas nos modes de développement et de production, qui n'ont pas seulement consacré le dumping social mais aussi le dumping environnemental, tant que nous ne placerons pas le climat au centre des négociations sur le commerce mondial, nous peinerons à avancer et à trouver des solutions pérennes.
Le troisième obstacle concerne les pays en développement.
Les négociations butent sur l'engagement pris en 2009 à Copenhague par les pays du Nord, de fournir aux pays du Sud 100 milliards de dollars à partir de 2020 afin de les aider à lutter contre le réchauffement climatique et à se développer de manière plus propre. Si cette promesse n'est pas tenue, il y a fort à craindre que les pays du Sud ne signent pas.
Aujourd'hui, les contributions annoncées s'élèvent à environ 10 milliards d'euros. Les pays du Sud sont confrontés non seulement à la question de leur développement sur un mode propre, mais aussi aux problèmes rencontrés en raison des chocs climatiques, chiffrés, selon la Banque mondiale, à 200 milliards de dollars.
L'enjeu est énorme, car si nous sommes aujourd'hui confrontés à l'exode de milliers de personnes fuyant la guerre et la barbarie, nous pourrions être confrontés demain à un flux de réfugiés climatiques. Si on évalue à 22 millions le nombre de personnes ayant dû abandonner leur domicile en 2013 à cause de désastres météorologiques ou hydrologiques, soit trois fois plus que le nombre de personnes déplacées à cause d'un conflit, il pourrait y avoir 250 millions de réfugiés climatiques dans le monde en 2050, selon l'ONU. C'est dire l'urgence.
Voilà les trois obstacles à franchir, ou au moins à réduire, si nous voulons que la COP21 contribue à la préservation de la planète.