Monsieur le président, permettez-moi d'abord de vous féliciter pour avoir pris l'initiative de ce rapport, qui honore notre commission et notre Assemblée. C'est une contribution forte de la représentation nationale à la COP21. Autrement, nous aurions été muets.
Ce rapport, en raison de sa qualité, restera à n'en pas douter une référence pour l'avenir. Je suis persuadé qu'on en reparlera dans les années qui viennent, parce que c'est le sens de l'Histoire.
J'ai entendu ce que l'on dit. J'ai lu la presse. Je pense qu'il faut garder la mesure de ce qui est en jeu. Mais ce qui est en jeu bouleverse les mentalités, interpelle les souverainetés nationales, remet en cause les modes de vie. C'est bien pourquoi il ne faut pas trop demander au plan politique, comme l'a fait remarquer mon collègue Jacques Kossowski. Mais il ne faut pas relâcher le volontarisme.
J'observe que par rapport à Kyoto et Copenhague, les pays ont été plus nombreux à se mobiliser et à fournir des contributions. Et surtout, en dix ou quinze ans, le débat fondamental sur le réchauffement climatique et sa composante humaine est maintenant derrière nous. Il y a un consensus pour réagir de façon concrète, parce que les faits s'imposent : Ainsi, par exemple, dans ma région, on ne peut que constater que le vin a gagné un degré en vingt ans et que cette année, les vendanges ont débuté fin août. Et ce ne sont pas là des estimations d'experts, mais des réalités bien concrètes.
Aujourd'hui, de nombreux pays contribuent parce qu'ils sont assaillis de sécheresses, d'inondations, d'orages, de submersions. Comme l'a dit le Président de la République, si l'on ne s'engage pas, ce sera la guerre, avec des migrations fulgurantes. Nous avons déjà bien du mal à faire face aux migrations liées à une guerre classique, une guerre par les armes. La situation est donc grave.
Dans un tel contexte, je voudrais aborder deux questions
D'abord, je m'interroge sur le Fonds vert pour le climat. Personnellement, je doute toujours des politiques de subventionnement. Elles sont morales, elles sont compassionnelles, elles nous exonèrent de bien d'autres devoirs. Mais je ne voudrais pas qu'elles aient le même destin que les politiques d'aide au développement des quarante ou cinquante dernières années. Je suis persuadé que c'est sur le prix du carbone qu'il faut jouer.
D'une part, la taxation du carbone est une subvention versée par le Nord au Sud. Mais il faut faire vite : lorsque le Sud sera un grand producteur de carbone, ce ne sera plus tout à fait le cas. D'autre part, par une modification d'effets relatifs, nous serons amenés à changer notre mode de vie, dans la mesure où un mode de vie carboné serait plus cher qu'un mode de vie qui ne le serait pas.
Je considère que c'est un enjeu absolument considérable. Nous devrons donc mettre en place une gouvernance, sinon une gouvernance générale de la lutte contre le réchauffement climatique, au moins une gouvernance du carbone dans le monde.
J'entends bien qu'il y a une taxe sur les transactions financières (TTF). Mais cette approche morale de la question va inévitablement se heurter à l'égoïsme des nations et à la protection de leurs propres places financières. Nous savons bien que dans un monde concurrentiel, la mise en place d'une taxe financière est une solution certes élégante, mais pas forcément efficace. Cela dit, monsieur le président, vous avez pris la précaution de dire qu'il fallait que cette taxe ait une large base et une faible contribution.
Voilà pourquoi, selon moi, c'est sur le carbone qu'il faut absolument faire porter nos efforts, en conditionnant tout au prix carbone, y compris nos droits de douane et nos échanges internationaux. C'est très important. Si l'on y parvient, on aura fait un bond considérable.
Enfin, si nous voulons substantiellement modifier notre modèle économique, nous allons devoir ouvrir de façon beaucoup plus vigoureuse le chantier de la modification et de la réforme de notre comptabilité économique. Il faut calculer la valeur en intégrant les externalités, et modifier notre mode de calcul de la valeur, en ne se fondant plus sur le PIB matériel d'aujourd'hui. On sera alors sur des bases infiniment plus favorables pour mener ce combat contre le réchauffement climatique.