Merci à tous.
Je poursuis avec vous un objectif : faire en sorte que notre commission ait une véritable existence, que ce soit au travers les textes qu'elle examine ou des sujets qu'elle aborde ou dont elle se saisit, de ses réflexions et de ses propositions. Il est vrai que nous pouvons avoir quelquefois le sentiment de ne pas trouver toute notre place, mais certains sujets nous permettent de dialoguer ensemble et de faire avancer la réflexion.
Je me suis posé la question de savoir comment notre commission pouvait être associée à la préparation de la COP21 et je me suis très vite rendu compte que la gouvernance climatique est par essence onusienne – autrement dit, ce sont les diplomaties qui sont chargées de la préparer. Reste que s'il y a un accord, celui-ci devra être ratifié par tous les parlements du monde – et pour ce qui nous concerne, d'abord par l'Union européenne, puis par les parlements des États membres.
La position de la France est tout à fait particulière, puisqu'elle accueille la COP. Elle aura un statut de facilitateur jusqu'aux 11 ou au 12 décembre, puis d'acteur en pleine responsabilité, qui devra prendre des initiatives, sachant qu'elle va présider la COP pendant un an – Laurent Fabius en assume la présidence depuis le 30 novembre, et jusqu'à la fin 2016. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cette proposition de résolution et formulé nos demandes sous forme d'actions à prendre après la COP21.
La gouvernance climatique onusienne, au bout de vingt-trois ans, s'essouffle selon moi, même si nous ne devons pas négliger les progrès accomplis. J'en cite toujours trois : elle aura permis aux pays en développement de s'exprimer – d'ailleurs, depuis le début, ils se sont regroupés au travers du G77 ou d'un groupement des pays les plus vulnérables – ; elle aura permis à la société civile de faire de même ; elle aura permis d'acter, comme l'a fait la conférence de Copenhague, la nécessité de mettre en place des politiques évitant de dépasser le seuil d'augmentation de deux degrés par rapport à l'ère préindustrielle. Autrement dit, son bilan est loin d'être négatif.
Reste que les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter. Nous sommes face à une urgence climatique car ces gaz ne disparaissent pas au bout d'un an : nous avons créé un stock très important, qui continuera à exister pendant des dizaines ou des milliers d'années. Même si demain nous ne produisions plus de GES, nous serions confrontés à une augmentation de la température. L'emballement qui pourrait se produire présente donc un risque particulièrement important.
Si nous voulons rester en dessous des deux degrés, il faudra rehausser les engagements pris par les différents pays. Dans la mesure où l'accord de Paris serait mis en oeuvre à partir de 2020, la première révision se ferait en 2025, mais ce sera peut-être déjà trop tard. Il faudrait que la première révision intervienne avant 2020. Ce qui se passera dans les cinq ans qui viennent est particulièrement important.
La COP21 marquera une étape déterminante : nous sommes passés du système « top-down » au système « bottom-up ». Le protocole de Kyoto, ratifié en 2005, a marqué la gouvernance climatique et les engagements pris pour la première période ont normalement été mis en oeuvre entre 2008 et 2012. Il avait fixé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre aux pays industrialisés et aux anciens pays du bloc de l'Est. Il était contraignant politiquement et moralement, mais aussi juridiquement – un peu –, dans la mesure où on avait prévu des mécanismes de sanctions, selon lesquels les pays qui ne respectent pas leurs engagements seront pénalisés dans le cadre de la deuxième période – par une augmentation de 30 % de leurs objectifs de réduction. Mais que s'est-il passé ? Le Canada et le Japon, constatant rapidement qu'ils ne tiendraient pas leurs engagements, se sont aussitôt retirés du protocole. Je ne crois donc pas que l'accord de Paris puisse être un texte juridiquement coercitif, qui se traduirait par d'éventuelles sanctions à l'égard des États-Unis ou de la Chine. Reste qu'il sera contraignant politiquement, sans doute aussi moralement – même si je regrette bien sûr qu'il ne le soit pas aussi juridiquement.
N'oublions pas que les engagements sont pris, non par la communauté internationale, mais par les pays eux-mêmes, certains étant d'ailleurs forts et d'autres en retrait.
Le dispositif « bottom-up » consiste à demander aujourd'hui aux pays les engagements qu'ils veulent prendre à l'horizon 2030. Autrement dit, nous sommes dans une logique radicalement différente. Or 183 pays – représentant 95 % des émissions de gaz à effet de serre – sur 196 ont fait des propositions, ce qui est un véritable succès.
Mais certains de ces pays, qui se sont engagés sur des INDC – Intended Nationally Determined Contribution, autrement dit des contributions décidées au niveau national – ont conditionné leur engagement au soutien financier de la communauté internationale – c'est le cas de nombreux pays en développement. Par ailleurs, certains États n'ont pas pris d'engagement, ou s'ils en ont pris, ils sont particulièrement limités. Il serait naïf de penser que tous les pays ont le même intérêt à lutter contre le réchauffement climatique. Les intérêts des pays producteurs de pétrole par exemple n'ont rien à voir avec ceux des pays dits vulnérables : il est vrai à cet égard que les engagements de l'Arabie saoudite ou du Qatar sont pour le moins a minima. Reste que 183 pays ont déposé leurs INDC.
Bien sûr, nous irons, hélas, au-delà d'une augmentation de deux degrés. Nous sommes à un point de rupture concernant la gouvernance climatique, d'autant qu'il y a un fait nouveau fondamental : la décision, à Lima, de mettre en place l'agenda des solutions, qui recense de manière non exhaustive toutes les initiatives prises dans le monde par les collectivités territoriales, par les territoires, par les entreprises, par les filières industrielles, par les citoyens. Pour moi, il constitue un élément devant permettre l'instauration d'une nouvelle gouvernance climatique, plus équilibrée, dans la mesure où ce sont, à l'évidence, les acteurs non étatiques qui permettront de mettre en oeuvre une véritable politique de lutte contre le réchauffement climatique. La COP21 a, de fait, montré la mobilisation des citoyens, des entreprises, des territoires et des collectivités. Celles-ci, et notamment les communes, sont organisées et il existe plusieurs associations internationales les regroupant.
Le point 16 de notre proposition de résolution préconise d'ailleurs que soit institutionnalisé l'agenda des solutions par la création d'un conseil à cet effet, composé de représentants des différentes initiatives pour le climat et de la société civile, d'experts, de représentants de gouvernements nationaux et d'organisations internationales, dont les travaux seraient coordonnés par un haut représentant pour l'action climat. C'est là une proposition à mes yeux particulièrement forte, sachant que l'après-COP21 doit conduire à des initiatives nouvelles, notamment de la France.
Le chiffre de 100 milliards de dollars évoqué à Copenhague ne correspond pas au financement du Fonds vert, aujourd'hui doté d'environ 10 milliards. Ce fonds vient d'ailleurs de décider de financer un certain nombre de projets, qui concernent souvent les énergies renouvelables.
La France a demandé à l'OCDE de faire un bilan des financements climatiques mobilisés aujourd'hui, privés ou publics. Le chiffre avancé, qui est de l'ordre de 60 milliards d'euros, fait l'objet d'un débat. Pour passer de 60 à 100 milliards, la marche est relativement haute ; reste que les banques – la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou la Banque asiatique de développement – se sont engagées à augmenter leur financement.
Même si demain nous arrivions aux 100 milliards d'euros, rappelons que les moyens consacrés à l'adaptation doivent être beaucoup plus importants. Ils mobilisent pour l'heure seulement 17 % des 60 milliards que j'évoquais ; il faut bien davantage, et surtout sous forme de dons, alors qu'ils sont généralement mobilisés sous formes de prêts. Cela peut se comprendre pour l'atténuation ; mais pour l'adaptation, nous avons besoin de dons. La Fondation Nicolas Hulot considère d'ailleurs que sur les 100 milliards, 30 devraient être consacrés à l'adaptation ; nous en sommes loin.
Nous avons la possibilité de mettre en place des financements innovants, qui ont été identifiés par Pascal Canfin et Alain Grandjean ; mais, au-delà de la taxe sur les transactions financières, il y a un autre outil utile : la vente aux enchères des quotas de carbone sur le marché européen. Le problème est que ce marché ETS ne fonctionne pas – le prix de la tonne de carbone fluctuant entre 5 et 8 euros, alors qu'il devrait être plutôt de 15 à 20 euros. Si demain on mettait en place une nouvelle gouvernance permettant d'avoir un prix du carbone sur ce marché, qui concerne 11 500 entreprises, cela permettrait, dans le cadre de la vente aux enchères, de mobiliser des moyens financiers non négligeables – sur quinze ans, la somme estimée est de 230 à 350 milliards d'euros, dont une partie pourrait être affectée au climat, en particulier au financement de l'aide internationale.
La France va modifier le régime de l'Agence française de développement (AFD), qui va être adossée à la Caisse des dépôts et consignations, ce qui devrait lui permettre de disposer d'une structure financière plus importante et d'emprunter davantage sur les marchés financiers. Derrière cette capacité d'emprunt accrue se profile une augmentation de notre aide au développement et de l'aide internationale au climat sous forme de prêts – ce qui n'est pas suffisant et suppose de trouver d'autres moyens financiers.
Pour ce qui est du développement de l'agriculture biologique, nous n'atteignons effectivement pas les objectifs fixés. Dans la loi sur le Grenelle de l'environnement, l'objectif était que 20 % de la surface agricole utile soit en agriculture biologique en 2020, contre seulement 4 % aujourd'hui… Nous en sommes loin. Nous proposons, dans notre proposition de résolution, de demander à l'Union européenne qu'elle prenne mieux en compte, au moment de la révision de la politique agricole commune (PAC), les enjeux climatiques et environnementaux, ce qui permettrait de réorienter cette politique.
J'ai, en outre, bien noté les remarques de notre collègue François-Michel Lambert sur l'économie circulaire et nous sommes prêts bien entendu à entendre ses propositions.