Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 30 octobre 2012 à 18h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la mission « Engagements financiers de l'état » :

Je commencerai par quelques réflexions générales sur la situation de la dette publique.

La mission « Engagements financiers de l'État » comporte six programmes, dont le plus important en volume budgétaire est le programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État »,pour lequel 46,9 milliards d'euros de crédits sont ouverts pour 2013 – soit près de 95 % des crédits de la mission. Ce programme représente la première dépense budgétaire de l'Etat hors charges de pensions et la troisième, toutes dépenses confondues, derrière les programmes « Remboursements et dégrèvements » et « Enseignement scolaire ».

En l'espace de trente-cinq ans, la France est passée d'une économie à forte croissance fondée sur le dynamisme de la consommation des ménages et de l'investissement des entreprises à une économie dont le principal ressort est l'endettement public et où la croissance est à la fois plus faible et plus volatile.

Si la dette a augmenté continûment depuis trente-cinq ans, on peut néanmoins distinguer six phases dont deux se démarquent. En effet de 1993 à 1996, puis à compter de 2007, la dette publique a augmenté en moyenne de plus de 4,4 % par an. Il n'y a qu'entre 1997 et 2001 que le taux de dette publique par rapport au PIB s'est stabilisé en deçà du critère fixé par le traité de Maastricht et a même diminué. De 59,5 % du PIB en 1997, la dette n'en représentait plus que 57,1 % en 2001.

La crise est loin d'expliquer cette dérive de la dette publique – dette de l'État principalement, mais aussi dette sociale. La dette sociale cumulée depuis 1996 qui a été transférée à la CADES se monte à 210 milliards d'euros. Même si un mécanisme d'amortissement permet de la ramener aujourd'hui à 140 milliards d'euros, c'est beaucoup trop et surtout peu responsable vis-à-vis des générations futures.

L'évolution constatée est liée, notamment depuis 2002, à un solde structurel négatif. De 2007 à 2011, la dette a augmenté de 22 points de PIB, avec un solde structurel négatif passé de 2,3 % à 4,8 % du PIB de 2006 à 2010. C'est dire que l'accroissement de la dette publique, loin de s'expliquer par la crise et des phénomènes conjoncturels, tient à des décisions publiques qui, pour avoir été ou n'avoir pas été prises, ont aggravé le déficit structurel.

La dette publique représente aujourd'hui une charge de plus de 26 000 euros par habitant et de 62 000 euros par ménage. Sa charge représente 2,2 points de PIB. C'est les deux tiers des ressources nettes de l'impôt sur le revenu ou bien encore 95% des dépenses de fonctionnement nettes de l'État. La nouvelle majorité n'est pas responsable de cette situation : elle n'en doit pas moins l'assumer. L'encours de la dette publique totale devrait atteindre 1 830 milliards d'euros fin 2012 et le besoin de financement de l'Etat s'établir à 171,1 milliards d'euros en 2013.

Maîtriser la dette publique est donc devenu un impératif de souveraineté nationale – avons-nous toujours la capacité de la garantir avec une telle dépendance aux marchés financiers ? – et de responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Le poids de la dette et de la charge de ses intérêts dans le budget de l'État expose aujourd'hui à trois risques majeurs.

Un risque financier, tout d'abord, vu la volatilité des taux d'intérêt et l'influence des agences de notation sur le marché des dettes souveraines.

Un risque économique, ensuite, avec un risque d'emballement de la dette. Il n'y a pas de seuil absolu, mais toutes les études rétrospectives montrent qu'au-delà de 90 % du PIB, un effet boule de neige peut se produire et grever durablement la croissance.

Un risque politique, enfin, car tout accroissement de la charge des intérêts de la dette signifie autant de marges de manoeuvre en moins pour financer les priorités politiques.

Le choix du nouveau Gouvernement d'inverser la courbe de la dette dès 2014 et d'atteindre l'équilibre structurel en 2016 est donc à la fois courageux et surtout responsable.

Ces remarques générales étant faites, je vous poserai, monsieur le ministre, quatre questions.

Tout d'abord, sur le programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État ». Pourrions-nous avoir des informations sur le volume des amortissements de dette arrivant à échéance en 2014 et 2015 ? Le besoin de financement de l'Etat pour 2013, même s'il diminue de près de 12 milliards d'euros par rapport à 2012, demeure colossal, se montant à 171,1 milliards d'euros. Si la part liée au déficit budgétaire régresse, celle des amortissements de dette progresse en revanche. Nous avons besoin d'informations sur la trajectoire. Si l'on connaît les prévisions du Gouvernement en matière de solde budgétaire jusqu'en 2017, il est important de savoir aussi comment les choses évoluent, notamment pour comprendre la dépendance aux marchés.

Je tiens à souligner l'excellent travail réalisé par l'agence France Trésor en matière de gestion de la dette et de trésorerie de l'État. Ce travail a permis de détendre l'exposition de la France. Des efforts importants ont été réalisés pour mieux centraliser les trésoreries sur le compte unique du Trésor, ce qui a permis un moindre recours aux BTF à 3 et 6 mois. Existe-t-il encore des marges de manoeuvre en la matière ?

En 2012, la charge nette de la dette sera inférieure d'environ 2 milliards d'euros à la prévision initiale, essentiellement du fait de la faiblesse historique des taux d'intérêt. Le projet de loi de finances pour 2013 table sur une remontée progressive de ces derniers, mais prévoit néanmoins une stabilisation de la charge de la dette, alors même que l'encours continuera de progresser. Cette situation paradoxale perdurera-t-elle au-delà de 2013 ou faut-il s'attendre à une augmentation de la charge des intérêts de la dette en 2014 et 2015 ? Si oui, pour quel montant ?

Le programme « Appels en garantie de l'État » ne présente pas de problèmes particuliers dès lors que l'État maîtrise bien les risques qu'il encourt à proportion des garanties qu'il octroie – j'ai abordé cette question lors de l'audition du directeur général du Trésor. Ce programme se trouve au coeur du soutien financier aux banques, dont Dexia, et du plan de sauvetage en cours des États membres de la zone euro en difficulté. À ce jour, aucun appel en garantie n'a eu lieu à ces titres et il n'en est pas prévu non plus en 2013. Comment évaluez-vous le risque budgétaire à moyen et long terme lié à l'octroi de ces garanties ?

La situation du Crédit immobilier de France (CIF) est préoccupante. Nous avons déjà abordé le sujet en commission et aurons à y revenir en séance publique pour discuter des conditions d'octroi de la garantie de l'État à cet établissement. La colère est grande quand on voit tout ce qui aurait pu être fait depuis de nombreuses années pour éviter la situation actuelle. Où en sont les discussions entre l'État et la direction du CIF depuis l'audition du directeur général du Trésor par la Commission des finances le 22 octobre dernier ?

Je termine par le programme « Épargne ». On constate de nouveau en 2012 un découvert de près de 50 millions d'euros auprès du Crédit foncier de France. Cette dette sera-t-elle apurée ? Si oui, par quel biais ?

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