Intervention de Eva Sas

Réunion du 30 octobre 2012 à 18h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas, rapporteure spéciale, pour la mission « Remboursements et dégrèvements » :

La mission « Remboursements et dégrèvements » est la plus importante, en volume, du budget de l'État, avec 96 milliards d'euros de crédits prévus pour 2013. Plutôt que d'en présenter de manière exhaustive les crédits, je souhaiterais mettre l'accent sur trois points particuliers.

Tout d'abord, la mission retrace des remboursements de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE). Partant de là, je me suis intéressée plus largement aux dépenses fiscales liées à la consommation d'énergies fossiles.

Selon le rapport du comité d'évaluation de l'Inspection générale des finances sur les niches fiscales, ces dispositifs présentent une double caractéristique.

D'une part, leur incidence sur l'emploi est – je cite le rapport – « vraisemblablement peu significative ». Les exonérations de TICPE au profit des vols intérieurs ne permettraient de sauvegarder que 950 emplois et celles au profit du transport routier seulement 800. Cette dernière exonération représente un coût par emploi de quelque 412 000 euros, ce qui est, vous en conviendrez, exorbitant. Le Gouvernement confirme-t-il les évaluations de l'Inspection générale des finances ? L'argent public ne pourrait-il pas être utilisé plus efficacement, à la fois en soutien de l'emploi et pour la protection de l'environnement ?

Le rapport de l'IGF montre, d'autre part, que la fiscalité applicable aux différents modes de transport ne prend pas en compte leur impact environnemental. En effet, les transports les plus polluants ne sont pas les plus taxés. Les modes de transport collectif, que nous devrions pourtant encourager pleinement pour réduire les émissions de CO2 et désengorger les axes routiers, sont à peine avantagés. La taxe applicable au gazole utilisé dans les transports publics est de 39,19 euros par hectolitre contre 42,84 euros pour celle applicable au gazole utilisé par les particuliers. Quant au transport aérien, qui émet pourtant le plus de CO2 par passager, il est le plus soutenu puisque totalement exonéré de taxe sur le kérosène.

Le Gouvernement partage-t-il ce constat ? Ne faudrait-il pas revoir la fiscalité énergétique en fonction du double critère de l'emploi et des émissions polluantes ?

Je me suis par ailleurs attachée à étudier les contentieux fiscaux dans lesquels l'État a été condamné et qui pourraient lui coûter plus de 8 milliards d'euros sur les années 2012 à 2014, dont 1,8 milliard d'intérêts moratoires.

L'État a été condamné pour les deux régimes fiscaux des OPCVM et du précompte mobilier, du fait desquels les contribuables non résidents étaient plus fortement taxés que les contribuables résidents. Dans ces conditions, la condamnation de l'État ne faisait guère de doute.

D'ailleurs, dans son rapport de juin dernier sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes indique que la direction générale des finances publiques avait alerté le précédent Gouvernement sur les risques de condamnation dans l'affaire des OPCVM. Aucune mesure de correction n'a pourtant été décidée avant cette législature et il a fallu attendre la loi de finances rectificative d'août dernier.

Monsieur le ministre, confirmez-vous que la direction générale des finances publiques avait alerté le Gouvernement précédent des risques de condamnation associés à ces contentieux ? Si oui, comment expliquez-vous que celui-ci n'ait pas réagi ? Une mise en conformité plus rapide du droit aurait pourtant permis que les intérêts moratoires à acquitter soient moindres.

Je souhaite enfin appeler l'attention de la Commission sur deux points particuliers concernant le bouclier fiscal. Celui-ci fait l'objet non pas d'un crédit d'impôt, mais d'une imputation sous forme de réduction de l'ISF sur l'année N et les années suivantes. Malgré sa suppression en juillet 2011, le Gouvernement de l'époque a dû reporter sur les années suivantes des charges très significatives, qui s'élèvent encore à 350 millions d'euros en 2013.

Par ailleurs, et c'est plus gênant encore, la charge prévisionnelle du bouclier fiscal en 2012 a été réévaluée de 150 à 450 millions d'euros. Cette révision n'est pas anodine. En effet, la réforme de l'ISF du printemps 2011 était censée être équilibrée sur le plan financier dès 2012. Cette estimation se fondait notamment sur un coût estimé du bouclier de 150 millions d'euros. On sait maintenant que, contrairement aux annonces du gouvernement précédent, la réforme n'aura pas été équilibrée. Tout laisse à penser que la prévision initiale de 150 millions d'euros avait été volontairement sous-évaluée.

Monsieur le ministre, à votre connaissance, comment se justifiait la charge prévisionnelle du bouclier fiscal pour 2012, estimée au moment de la réforme de l'ISF en 2011 ? Accepteriez-vous de qualifier cette prévision d'insincère ?

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