Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 30 octobre 2012 à 18h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

J'ai bien pris note de toutes vos questions et vais m'efforcer d'y répondre. Je devrai malheureusement, pour des contraintes d'agenda, vous quitter avant la fin de cette réunion. Benoît Hamon prendra alors le relais.

Après une réunion consacrée la semaine passée aux moyens de fonctionnement du ministère de l'économie et des finances, votre commission examine aujourd'hui des dépenses d'une autre nature, liées aux grandes orientations de la politique économique et, s'agissant des remboursements et dégrèvements, à la politique fiscale.

Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leurs rapports et le caractère incisif de leurs questions.

Les charges de la dette constituent l'essentiel des dépenses de la mission « Engagements financiers de l'État » avec 47 milliards d'euros prévus en 2013, contre 46 milliards pour la mission « Enseignement scolaire » et 26 milliards pour la mission « Recherche et enseignement supérieur ». C'est un montant considérable qui traduit le poids très élevé de l'endettement que notre pays supporte après des années de dérive. Sur ce point, je partage le sentiment de Dominique Lefebvre. Il est vrai qu'il n'y a pas de seuil fatal dans l'absolu, mais 90% du PIB est en général considéré comme celui au-delà duquel se produit un effet boule de neige et où la croissance est durablement atteinte.

Il est donc impératif que l'État se désendette. D'où le choix fait par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2013 et le projet de loi de programmation triennal des finances publiques de redresser les comptes pour dégager ensuite des marges de manoeuvre. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises : au-delà d'un certain niveau, le poids de la dette handicape notre croissance et consomme des ressources qui pourraient être utilisées pour financer nos priorités. Il faut casser ce cercle vicieux.

Les charges de la dette dépendent non seulement du poids de celle-ci, mais aussi du niveau des taux d'intérêt, lesquels ne sont naturellement pas indépendants de notre crédibilité budgétaire – le contexte européen actuel le montre amplement. Nous empruntons aujourd'hui à des taux historiquement bas parce que notre politique est crédible. Si nous venions à baisser la garde et à céder aux sirènes du laxisme, il ne fait aucun doute que nous tomberions dans cet autre cercle vicieux que d'autres pays ont connu, où la sanction des marchés est immédiate et où l'augmentation des taux accroît la charge de la dette. Et les deux processus étant cumulatifs, l'augmentation ne se limite pas à quelques dixièmes de point. Il est de l'intérêt de l'État, et de manière plus générale de notre économie, que les taux demeurent bas. Je ne vois pas aujourd'hui de menace, monsieur le président, mais nous devons rester vigilants. Cette discussion budgétaire, ici et au Sénat prochainement, est d'ailleurs scrutée par des spécialistes en France, en Europe et dans le monde.

Les services du ministère s'attachent à cette vigilance avec une compétence reconnue sur le plan international. Maîtrisons-nous l'ensemble des risques ? Je crois que oui. Je ne suis pas de ceux qui accusent la direction du Trésor d'incompétence ou de déloyauté. Elle a sans doute des défauts – c'est le propre de l'humanité. Mais avec l'agence France Trésor, elle gère notre endettement de manière efficace.

Dans les dépenses examinées aujourd'hui, les engagements communautaires de la France comptent également pour beaucoup, avec la contribution prévue en 2013 au Mécanisme européen de stabilité (MES) et l'augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement, à la suite des décisions du Conseil européen de juin dernier. Au total, plus de 8 milliards d'euros ont été ouverts à ces deux titres en 2013.

On touche également de près dans ce champ aux interventions économiques, aussi bien à travers des mécanismes permanents – je pense, par exemple, au financement des entreprises exportatrices, que l'État soutient en leur apportant sa garantie – qu'à travers des décisions plus ponctuelles, comme pour Dexia ou le Crédit immobilier de France. Dans ces deux cas, très différents, l'État a pris ses responsabilités.

S'agissant de Dexia, j'ai dû, en arrivant au ministère, traiter ce lourd héritage laissé par l'ancien gouvernement. L'objectif est de stabiliser définitivement la banque résiduelle, afin d'éviter toute incidence systémique. Il est aussi de faire aboutir au plus vite le projet de rachat de DMA par l'État, la Caisse des dépôts et la Banque postale, afin de disposer d'un nouvel outil pour financer les collectivités locales. C'est une priorité pour le Gouvernement qui partage votre préoccupation. J'y insistais la semaine dernière encore à Bruxelles auprès du commissaire Almunia qui doit autoriser l'opération. J'espère qu'elle aboutira très vite.

S'agissant du Crédit immobilier de France, l'État est intervenu pour éviter la faillite de la banque. La garantie n'était pas la solution que souhaitait l'État. Du fait de l'application du droit communautaire et en l'absence de modèle économique viable, celle-ci implique en effet l'arrêt de la production de nouveaux crédits et la mise la mise en extinction de la banque. Le Gouvernement aurait préféré une autre solution qui permette, en adossant le CIF à un grand acteur bancaire, une poursuite de l'activité. Mais beaucoup de temps a été perdu dans ce dossier et la situation économique et financière de l'établissement était trop dégradée pour que cela soit possible.

Le Gouvernement souhaite désormais pouvoir mettre en oeuvre la garantie dans les meilleurs délais et notifier au plus vite le dossier aux autorités européennes. Il tente, par ailleurs, de résoudre les questions soulevées par l'arrêt de la production du CIF. Il travaille notamment à faire développer par la Banque Postale une offre de prêts à l'accession sociale à la propriété et à pérenniser les missions sociales des SACICAP, actionnaires du CIF. Nous sommes bien entendu très attentifs aussi au sort des personnels.

Nous aurons l'occasion d'échanger sur la gestion par l'État de ses participations financières, mais sachez d'ores et déjà, monsieur Bachelay, que l'État actionnaire cherche – et c'est bien naturel – à valoriser son patrimoine financier. Sa mission est toutefois bien plus large : il se doit d'accompagner les entreprises publiques vers plus de compétitivité en définissant une stratégie industrielle de long terme, en soutenant leur gouvernance, en les épaulant dans les défis qu'elles doivent relever. Et cet État actionnaire, qui compte dans son portefeuille près de soixante entreprises publiques ou à participation publique, agit de façon complémentaire et coordonnée avec le Fonds stratégique d'investissement qui, demain, sera intégré au sein de la Banque publique d'investissement – dont je sais qu'elle vous est chère, car vous êtes en partie à son origine.

J'en viens aux questions que vous m'avez posées.

S'agissant du programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », le besoin de financement de l'État pour 2013 est toujours colossal : 171,1 milliards d'euros, même s'il diminue de 11,7 milliards d'euros par rapport aux besoins constatés en 2012. Toutefois, la structure de financement évolue, puisque la partie liée au déficit budgétaire se resserre de plus en plus grâce aux efforts du Gouvernement, tandis que la part des amortissements de dette de moyen et long terme arrivés à échéance progresse pour atteindre 109,5 milliards d'euros en 2013.

À la date du 30 septembre 2012, les encours des obligations de moyen à long terme – obligations assimilables au trésor, bons du trésor – sont les suivants : 107,9 milliards d'euros en 2013, 118,1 milliards en 2014, 125,6 milliards en 2015 et 117,1 milliards en 2016. Ces encours ne sont toutefois pas définitifs, parce que d'autres émissions auront lieu dans le futur sur une maturité de deux ans et plus, parce que des achats par anticipation seront réalisés avant la date de maturité de ces titres, ce qui diminuera leur encours, et parce que l'encours est augmenté chaque année de la provision pour charges d'inflation des titres indexés sur l'inflation.

Sur l'exécution 2011 et 2012, les dépôts d'entités sur des comptes ouverts au Trésor – ces entités déposantes devenant ainsi des correspondants du Trésor – constituent une ressource de trésorerie passive qui contribue au financement de l'État. Dans ce contexte, la politique de centralisation des trésoreries publiques consiste, comme son nom l'indique, à centraliser les dépôts d'entités ayant des liens avec le secteur public, par exemple des établissements publics ou des organismes en charge d'une mission de service public ou bénéficiant de financements publics. L'objectif de cette politique est la réduction du recours aux financements de marché, notamment sur la partie courte de la courbe, et la réduction du ratio de dette publique. Cette politique volontariste, menée en lien entre plusieurs services de Bercy et activement soutenue par la Cour des comptes, a nécessité la modernisation des outils de placement offerts par le Trésor. Elle aura permis, depuis 2010, de centraliser plus de 17 milliards d'euros sur le compte unique du Trésor. Les montants rapatriés sur le compte du Trésor issu de la mutualisation correspondent à plus de 1,2 % de l'encours de la dette négociable de l'État attendu à la fin de 2012.

Pour 2013, aucune opération n'est définitivement arrêtée à ce stade et n'a donc été inscrite dans le projet de loi de finances initial. Toutefois, plusieurs opérations sont en cours d'analyse et pourraient aboutir dans les prochains mois. Je ne manquerai pas d'en tenir informée la Commission des finances.

La charge de la dette devrait s'établir en deçà de 46,7 milliards d'euros, soit un niveau inférieur de plus de 2,1 milliards à celui inscrit dans la loi de finances initiale, en raison du faible niveau des taux d'intérêt. D'où la nécessité de maintenir ce niveau, car à l'inverse, si le déficit était plus important et notre crédibilité plus faible, nous pourrions connaître des évolutions extrêmement coûteuses.

Les taux d'émission de la dette souveraine française enregistrés au cours des derniers mois ont été très favorables. À la mi-octobre, le taux moyen pondéré à l'émission de titres à court terme s'établit à 0,1 %, et celui des titres à moyen et long terme à 1,94 %. Dans ce contexte, les hypothèses de taux retenus pour les années 2013 à 2015 dans le budget triennal de l'État sont prudentes. Il faut tenir compte des évolutions de la politique monétaire, de la BCE, de la crédibilité budgétaire de la France. Dans un contexte de sortie de crise des dettes souveraines, nos hypothèses reposent sur un scénario de normalisation des marchés monétaires et financiers qui se traduirait par une remontée limitée, modeste et progressive des taux courts et longs dès l'année 2013 : le taux à dix ans s'établirait en moyenne à 2,9 % sur l'année 2013 et continuerait sa progression de 25 points de base chaque année pour s'établir à 3,65 % en moyenne sur l'année 2015.

Je le dis parce que notre loi de finances doit être réaliste et prudente. On nous reproche parfois d'être trop optimistes, mais je note que ces hypothèses de taux sont supérieures pour 2013 aux anticipations de marché et aux prévisions des économistes retracées dans le consensus forecast. Le budget que nous bâtissons nous donne donc des marges de manoeuvre, mais c'est mieux ainsi. C'est bien dans ce sens qu'il faut procéder.

S'agissant du programme « Appels en garantie de l'État », M. Lefebvre le sait déjà, mais nous suivons la situation de manière précise. Quant à Dexia, elle est entrée dans le périmètre des participations de l'État à l'occasion de l'augmentation de capital de 6 milliards d'euros annoncée le 30 septembre 2008, en période de crise financière aiguë, et souscrite par une partie des actionnaires existants ainsi que par les États belge et français, via la Société de prise de participation de l'État. Un premier plan de soutien a permis à la banque de faire face aux difficultés rencontrées dans le contexte de crise financière internationale et d'éviter une matérialisation du risque systémique qui pesait sur le système financier européen. Ce plan reposait notamment sur la mise en place, fin 2008, par les gouvernements belge, français et luxembourgeois, d'une garantie des émissions obligataires assortie d'une clé de répartition – 60,5 % pour la Belgique, 30,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg – et d'une garantie des obligations de liquidités de Dexia à l'égard de sa filiale FSA Asset Management.

Après un retour aux bénéfices en 2009, le groupe a été impacté par l'aggravation des tensions sur les dettes souveraines de certains pays de la zone euro. Il a été contraint de modifier profondément son périmètre et sa stratégie et de demander à nouveau le soutien de la puissance publique. Un accord a été trouvé entre les trois États en octobre 2011, qui prévoit un plan de résolution ordonnée des activités du groupe Dexia. Il s'appuie sur la vente des entités viables de Dexia – Dexia Banque Belgique, Dexia Banque internationale Luxembourg, Dexia municipal agency, DenizBank –, et sur la gestion extinctive des actifs résiduels, grâce à une garantie de 90 milliards d'euros apportée par les trois États, qui permettra à Dexia de couvrir ses besoins de liquidité jusqu'à l'arrivée à maturité de l'ensemble de son portefeuille. Le risque se répartit selon la clé déjà évoquée. Le plan vise à éviter les pertes liées à la vente rapide d'actifs illiquides et donc décotés.

La Commission européenne, qui doit encore valider ce plan – et nous travaillons activement en ce sens –, avait autorisé dès décembre 2011, compte tenu de l'urgence, une garantie temporaire des États sur le financement de Dexia.

J'espère aboutir rapidement, tant les enjeux sont importants. En effet, l'État est exposé : Dexia n'émet plus sous le régime de garantie de 2008, et les encours déjà émis et non encore échus à ce jour représentent un peu moins de 20 milliards d'euros. Ils arrivent à échéance d'ici à 2014. La garantie de 2008 n'a jamais été appelée ; la garantie temporaire mise en place en décembre 2011 sur les financements de Dexia a été prolongée jusqu'au 31 janvier 2013 et augmentée pour atteindre à peu près 54 milliards d'euros. À ce jour, l'exposition totale de l'État français sur le groupe Dexia est de 36,5 % des 74 milliards d'euros de financement garantis par les trois États, soit 27 milliards d'euros.

Le dossier va évoluer très prochainement, compte tenu de deux échéances majeures : le dépôt devant la Commission européenne du plan de résolution ordonnée du groupe et l'arrêté des comptes du groupe pour le troisième trimestre. Dans ces conditions, une recapitalisation du groupe fait partie des scénarios mis sur la table, comme l'a mentionné le gouverneur de la Banque de Belgique, pour sécuriser le refinancement auprès des banques centrales et écarter sur le long terme tout risque d'appel en garantie pour les États. La discussion sur le montant exact de la garantie, sur sa répartition et son articulation avec les garanties existantes pourrait aboutir très prochainement.

Quant aux garanties européennes, elles transitent essentiellement par les mécanismes du Fonds européen de stabilité financière et du mécanisme européen de stabilité.

En ce qui concerne le Crédit immobilier de France, le Gouvernement a pris l'attache de la Commission dès les premiers jours de septembre et a engagé un dialogue avec la Direction générale de la compétitivité, en charge du dossier. Nous en sommes aujourd'hui au stade de la pré-notification, la notification ne pouvant intervenir formellement que lorsque nous disposerons d'une version finalisée et signée des documents demandés par la Commission, en particulier la convention de garantie et le protocole de garantie. L'affaire suit donc son cours.

S'agissant du programme « Épargne », le Gouvernement est très attentif à la position financière de l'État vis-à-vis du Crédit foncier de France pour le paiement des primes d'épargne logement. Il veille ainsi à maintenir un solde équilibré en moyenne auprès du CFF au titre du règlement des primes d'épargne logement dans la limite des disponibilités budgétaires. L'ouverture éventuelle de crédits sur ce programme sera traitée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et des arbitrages de fin de gestion, qui n'ont pas encore été rendus.

Mme Sas m'a interrogé sur les remboursements de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE. Il est clair que différentes dépenses fiscales affectent cet impôt, soit sous la forme de remboursements – pour un montant de plus de 900 millions d'euros en 2011, à comparer au produit total de cet impôt : 24 milliards d'euros à partager entre l'État, les régions et les départements –, soit par l'application de taux réduits, par exemple pour le gazole utilisé dans le secteur agricole. Ces dispositifs visent à favoriser les biocarburants ou à préserver certains secteurs comme le transport routier ou les artisans taxis.

La récente conférence environnementale s'est engagée à examiner, dans le cadre d'un groupe de travail pluraliste, les niches fiscales antiécologiques, et les taux réduits de TICPE en font clairement partie. Je confirme par ailleurs les évaluations de l'Inspection générale des finances sur l'impact qu'elles ont sur l'emploi. Cependant, le sujet est délicat, puisque nous avons affaire à des secteurs économiques vulnérables ou sensibles – les agriculteurs – ou exposés à une vive concurrence internationale – les transporteurs. Si nous décidons de faire évoluer la TICPE, il faudra envisager parallèlement des mesures d'accompagnement. La Commission permanente de suivi de la fiscalité environnementale sera en place d'ici à la fin de l'année, et les premiers groupes de travail se tiendront dans la foulée.

Vous m'avez par ailleurs interrogé sur trois séries de contentieux fiscaux qui résultent tous d'un débat de principe sur la compatibilité du droit français avec le droit communautaire. Le contentieux « précomptes mobiliers » porte sur les modalités de taxation des dividendes en cas de distribution par une filiale étrangère.

Le contentieux « OPCVM » – organismes de placement des valeurs mobilières – est différent : le dispositif de retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM étrangers a été maintenu jusqu'en 2012, le précédent régime ayant été supprimé en 2004. C'est surtout dans ce deuxième cas que la gestion du dossier est contestable. La mise en conformité a pris pas moins de sept ans, ce qui s'est révélé coûteux, de nouvelles réclamations et de nouveaux contentieux étant apparus durant cette période. Le coût total du dossier est estimé à 5 milliards d'euros.

Quant au troisième contentieux, il concerne la taxe sur les opérateurs de communications électroniques créée pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures dans l'audiovisuel public. Il se poursuit à l'heure actuelle. Le Gouvernement s'est montré prudent en prévoyant 1,3 milliard d'euros de crédits budgétaires en 2013 au cas où le juge communautaire lui donnerait tort. Cette précaution relève de la bonne gestion et ne préjuge bien évidemment pas du résultat de la procédure.

J'en viens aux questions de M. Bachelay sur le compte d'affectation spécial relatif aux participations de l'État. En tant qu'actionnaire, l'État se doit de veiller à la compétitivité de chacune des entreprises publiques ou à participation publique. Ce n'est pas parce qu'une entreprise est publique qu'elle doit être mal gérée. Ce rôle s'apprécie non seulement au regard des coûts de production, mais aussi à travers la qualité, le positionnement des produits et services, ce qui suppose d'encourager l'innovation par l'investissement, la recherche et le développement, en s'appuyant plus largement sur le tissu des petites et moyennes entreprises et des établissements de taille intermédiaire. C'est un gage de pérennité.

La compétitivité n'est pas seulement un mot à la mode ; c'est un impératif pour réindustrialiser la France. La responsabilité de l'État, à cet égard, est d'assurer dans la durée le succès d'une filière, dans la mesure où elle participe à un écosystème.

L'État peut aussi s'appuyer sur le Fonds stratégique d'investissement – FSI – pour agir au-delà de ses participations directes. Il dispose d'un certain nombre d'outils, dont une implication forte au sein des différents conseils d'administration et de surveillance et la promotion de codes de bonne conduite, comme la charte de la sous-traitance établie par le médiateur de la sous-traitance et dont l'Agence des participations de l'État – APE – encourage la signature pour les entreprises qui relèvent de son périmètre.

J'attire d'ailleurs votre attention sur l'évolution profonde du rôle de l'APE, dotée depuis quelques mois d'un nouveau directeur et qui se voit désormais attribuer un rôle explicite en matière de stratégie industrielle nationale des entreprises qu'elle suit. Dans la continuité des états généraux de l'industrie réunis au printemps 2010, l'État a renforcé pour chacune des participations son implication dans la définition d'une stratégie de développement industriel et économique.

Ainsi, dans le secteur de la défense, il convient de réfléchir aux implications des contraintes budgétaires sur les dépenses d'armement et d'anticiper la reconfiguration d'une industrie européenne encore très fragmentée. De même, s'agissant de l'énergie, nous devons définir la configuration optimale du secteur ainsi que ses limites en termes de synergie avec des activités connexes ; identifier les ressources minières pour garantir l'approvisionnement ; et orienter le positionnement de certaines de nos entreprises dans leurs filières respectives.

De manière générale, l'APE doit poursuivre sa réflexion sur les effets de l'ouverture à la concurrence de secteurs traditionnellement réglementés comme les transports ou la poste. Ces évolutions ont été consacrées par le décret du 31 janvier 2011 qui indique que le commissaire aux participations de l'État anime la politique actionnariale de l'État sous ses aspects économiques, industriels et sociaux. À cet effet, une revue de la politique industrielle des entreprises concernées est menée annuellement.

L'État a toujours agi avec le souci de l'intérêt social de ses entreprises ainsi que de son intérêt patrimonial. C'est par exemple cet intérêt qui a dicté une partie de notre stratégie de négociation dans le cadre de la fusion – qui finalement n'a pas abouti – entre EADS et BAE. Nous étions parvenus à sauvegarder nos intérêts patrimoniaux, mais comme vous le savez, ce n'est pas l'État français qui a pris l'initiative d'interrompre les discussions.

Au total, l'État actionnaire porte maintenant une attention particulière à la contribution des entreprises publiques au développement industriel français.

Le FSI continuera de contribuer au renforcement de nos filières industrielles stratégiques au sein de la Banque publique d'investissement. Le fait de mettre en place une telle banque, regroupant différents métiers, les mettant en synergie, leur donnant une cohérence, augmentant les moyens d'action, ne signifie pas la suppression d'un quelconque de ces métiers. L'APE et le FSI sont d'ailleurs deux instruments complémentaires s'inscrivant dans des horizons différents. L'APE poursuit un objectif de renforcement de la compétitivité de notre économie à long terme. Le suivi des participations passe notamment par une implication active dans les travaux des organes sociaux. Créé par la Caisse des dépôts en décembre 2008, le FSI est un actionnaire de moyen terme en mesure d'adapter le temps de l'investisseur au temps industriel. À la différence de l'État actionnaire, le FSI n'a pas vocation à détenir des participations majoritaires, mais il s'inscrit dans une démarche d'accompagnement des entreprises.

Par ailleurs, l'État est actionnaire du FSI à hauteur de 49 %, et à ce titre il participe activement à sa gouvernance. Cela permet une bonne coordination des investissements. De ce point de vue, la création de la BPI n'a vocation à affaiblir ni l'APE ni le FSI.

M. Baert m'a interrogé sur les investissements d'EDF en Chine. Ce pays représente, pour les trente ans à venir, la moitié du marché nucléaire mondial. Or la France dispose d'un savoir-faire inégalé dans cette filière, qui peut, j'en ai la conviction, contribuer à résorber notre déficit commercial. Les différents ministres qui interviennent dans le champ économique à Bercy, qu'il s'agisse de Mme Bricq ou de moi-même, sont très attentifs à cette question. Les engagements pris par le Président de la République en matière de mix énergétique ne préjugent pas, en effet, de notre capacité exportatrice, qui reste intacte. De même, nous avons décidé de ne pas déployer le second EPR, parce que nous n'en avons pas besoin compte tenu de l'ampleur de notre parc, mais cela ne signifie pas que le premier n'entrera pas en fonctionnement ou qu'il n'est pas exportable. Au contraire, il s'agit d'une technologie extrêmement performante. Des marchés sont d'ailleurs en cours de finalisation, et d'autres restent à conquérir.

Le Conseil de politique nucléaire a confirmé la volonté de la France d'être présente à l'export sur le secteur du nucléaire. À cet égard, la Chine représente, je le répète, un marché stratégique, et je me réjouis que les industriels de notre pays y soient implantés. Deux des quatre EPR actuellement en construction dans le monde sont en Chine. La coopération franco-chinoise est ancienne, puisqu'elle aura trente ans dans quelques jours. Pour autant, et vous avez raison, les entreprises françaises doivent jouer collectif en Chine. Elles ne doivent pas être présentes à n'importe quel prix, en particulier du point de vue des transferts de technologie. Nous devons être attentifs à bien articuler les exportations que nous réalisons à court terme avec les conséquences qu'elles peuvent avoir à long terme sur notre balance commerciale et notre indépendance. Les décisions du Conseil de politique nucléaire du 28 septembre vont clairement dans ce sens.

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