Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 30 octobre 2012 à 18h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

Madame Dalloz, vous attribuez le bas niveau des taux auxquels nous empruntons à la politique budgétaire du précédent gouvernement : c'est pourtant sous le gouvernement précédent que la France a perdu son triple A. Ce n'était pas la marque d'une grande confiance des agences de notation à l'égard des choix budgétaires opérés à l'époque. Nous avons été obligés, en loi de finances rectificative, de franchir une marge de 0,5 point de PIB pour respecter une trajectoire de réduction des déficits conforme à l'engagement pris par le précédent Président de la République à l'égard de l'Union européenne. Nous réalisons aujourd'hui, fait salué par l'ensemble des observateurs, une marge supplémentaire de 1,5 point de PIB en loi de finances initiale, ce qui représente un effort significatif.

Si certains conjoncturistes estiment que la croissance sera en deçà de l'hypothèse de 0,8 point sur laquelle le Gouvernement a fondé ses prévisions de recettes fiscales, d'autres prévoient une croissance supérieure. Je note avec satisfaction que M. Mariton a reconnu notre sincérité dans ce domaine : cela démontre qu'au sein même de l'UMP on reconnaît que les estimations du Gouvernement ne sont pas totalement absurdes, dès lors qu'elles sont assorties d'une stratégie de croissance. Celle-ci s'appuiera notamment sur une politique fiscale favorisant l'innovation, notamment en étendant le bénéfice du crédit impôt recherche aux PME, sur une politique fiscale plus favorable à l'investissement et moins à la distribution de dividendes. Ce sont ces choix politiques et fiscaux qui nous permettent de considérer une croissance de 0,8 point comme un objectif réaliste.

La dette française se répartit selon une clé des trois tiers entre résidents et non-résidents : un tiers est détenu par des résidents, les deux autres par des non-résidents, dont un tiers par des non-résidents n'appartenant pas à la zone euro.

Vous avez interrogé le Gouvernement sur la sensibilité de nos prévisions budgétaires à l'inflation. Nous estimons aujourd'hui que si l'inflation varie de 1 % par rapport à nos prévisions, la charge de la dette variera de 1,5 milliard d'euros, et nous avons intégré cette estimation à nos prévisions.

Les éléments de réponse que Pierre Moscovici vous a apportés à propos du CIF ont suscité des commentaires de la part de plusieurs d'entre vous : je vais essayer d'y répondre de manière globale.

L'extinction du CIF n'est pas un choix, c'est une obligation. La réalité c'est que le CIF n'est plus viable dès lors qu'un adossement n'est pas possible.

Vous avez évoqué la nécessité de trouver des organismes qui se substituent au CIF dans l'exercice de ses missions, notamment en direction des ménages les plus modestes. Il faut rappeler que le CIF n'était pas le seul organisme à faire crédit aux ménages modestes : c'est le cas aussi de la Banque postale ou du Crédit foncier. L'État souhaite que la Banque postale puisse développer son offre dans son domaine. De même, le Gouvernement souhaite pérenniser les missions locales que mènent les SACICAP au côté de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.

Vos propositions en matière d'orientation de l'épargne ne manquent pas d'intérêt, monsieur Chassaigne. Les conclusions du rapport Duquesne pour réformer l'épargne réglementée sont tout aussi intéressantes, notamment quant à l'utilisation des crédits décentralisés. Je suis particulièrement intéressé par la proposition d'orienter ces crédits vers le financement des stratégies de transition écologique et de l'économie sociale et solidaire, ce vaste gisement d'emplois non délocalisables. Il est clair que les orientations du Gouvernement s'inspireront largement des conclusions de ce rapport.

Que des non-résidents détiennent de la dette française n'est pas mauvais en soi, monsieur Chassaigne : c'est au contraire un signe de confiance à l'égard de la France. Cette diversification est par ailleurs un gage d'équilibre. La « redomestication » de la dette espagnole, c'est-à-dire son rachat par les banques espagnoles, est a contrario un signe de faiblesse aux yeux de beaucoup. Les investisseurs français restent intéressés par la dette, mais ils doivent aussi financer des acteurs privés français : nous ne pouvons pas avoir pour objectif de siphonner l'épargne des Français pour financer la dette publique. Il est vrai que l'Italie a levé 18 milliards d'euros auprès des particuliers, mais au taux très élevé de 2,5 % hors inflation, alors que la France empruntait la même semaine au taux de moins 0,04 % hors inflation. C'est parce qu'elle avait un programme d'émission en forte hausse par rapport à ses prévisions que l'Italie a accepté de payer un prix élevé : nous n'avons pas ce problème. En tout état de cause, les épargnants français détiennent de la dette, via leur livret A ou leur assurance-vie, même si la question de l'utilisation de cette épargne se pose aujourd'hui.

Le MES, inauguré le 8 octobre, permettra de porter assistance aux États sous tension financière. La France a apporté 6,5 milliards de capital cette année ; elle apportera en tout 16,3 des 80 milliards d'euros en provenance de l'ensemble des États européens. Ce capital permettra au MES de soutenir les États en difficulté à hauteur de 500 milliards d'euros, afin de les mettre à l'abri de la pression des marchés financiers. Il s'agit de faire en sorte que les citoyens ne soient pas les seuls à supporter, par le sacrifice de leur modèle social, les conséquences d'une crise dans laquelle ils n'ont aucune responsabilité. En soustrayant les États à la dépendance à l'égard des marchés financiers et des agences de notation, le MES garantit que l'Europe ne se retrouvera pas dépourvue de toute protection sociale au terme de cette crise.

Les conditions de politique économique dont l'aide est assortie sont adaptées au type d'assistance déployée. Ainsi, l'aide octroyée à l'Espagne pour lui permettre de renforcer son secteur bancaire n'est conditionnée qu'à la réforme de celui-ci. La Banque centrale européenne a son propre mandat, fixé par les traités, et participe activement à la lutte contre les tensions en zone euro. L'annonce par M. Draghi de son nouveau programme d'achat de dettes marque d'ailleurs un changement de doctrine de la BCE dont ne peuvent que se réjouir ceux qui, comme vous, appellent depuis longtemps celle-ci à jouer véritablement son rôle de banque centrale. Désormais, elle ne devrait plus être « la seule banque clandestine au monde », pour reprendre les mots de Mme Kirchner.

S'agissant du financement des collectivités territoriales, vous avez décrit, monsieur Dumont, une situation que beaucoup de parlementaires, d'élus locaux et d'acteurs économiques de terrain connaissent. Le sort de Dexia a pesé lourd dans cette situation. L'État a pris des mesures fortes, en dégageant des enveloppes exceptionnelles à partir du fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 5 milliards d'euros.

De plus, comme l'a indiqué Pierre Moscovici, le Gouvernement travaille activement pour que la Commission européenne donne son feu vert au lancement de la banque des collectivités locales créée à partir de Dexia Municipal Agency (DMA). Celle-ci doit être opérationnelle – c'est notre objectif – dès 2013. Il est cependant nécessaire de respecter des délais dont nous n'avons pas, à nous seuls, la maîtrise.

S'agissant du CIF, de nombreuses alertes ont été émises quant à sa situation. Comme l'a indiqué le directeur général du Trésor, les 500 millions d'euros prélevés en 2006 n'ont pas eu d'impact sur sa liquidité. C'est non pas la solvabilité du CIF ou le niveau de ses fonds propres qui est en cause, mais la rentabilité et la viabilité de son activité de crédit immobilier : le CIF était systématiquement obligé de se refinancer sur les marchés. Le Gouvernement – Pierre Moscovici le rappelle régulièrement – est mobilisé pour trouver une réponse à la question de l'accession sociale à la propriété. La Banque postale, notamment, va développer une offre de prêt à l'accession sociale se substituant à celle du CIF.

Ce que vous avez dit à propos des baux emphytéotiques est exact, monsieur Dumont. Cependant, les collectivités territoriales ont toujours la possibilité de recourir aux baux emphytéotiques administratifs (BEA) pour favoriser la construction de logements. Le Gouvernement le souhaite et c'est le sens du projet de loi qu'il a présenté…

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