Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 5 novembre 2013 à 11h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Engagements financiers de l'état » :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en deux mots présenter le contexte dans lequel s'inscrira la mission « Engagements financiers de l'État » en 2014. Cette mission comprend six programmes, dont le plus important en volume, qui représente près de 92 % de ses crédits, est le programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État » pour lequel 46 654 milliards d'euros de crédits sont ouverts pour 2014. C'est la première dépense budgétaire de l'État, hors charges de pensions. Toutes dépenses confondues, ce programme constitue la troisième dépense budgétaire, derrière les remboursements et dégrèvements et le programme « Enseignement scolaire ».

En trente-cinq ans, la France est passée d'une économie à forte croissance, fondée sur le dynamisme de la consommation des ménages et de l'investissement des entreprises, à une économie dont le ressort est, pour l'essentiel, l'endettement public, où la croissance est à la fois plus faible et plus volatile.

Le besoin de financement de l'économie française est principalement imputable aux administrations publiques : de fait, la dette publique française est passée de 20 % du PIB en 1972 à 66 % du PIB en 2002 et devrait dépasser 95 % du PIB fin 2014. Elle représente aujourd'hui une charge d'environ 31 000 euros par habitant.

Maîtriser la dette publique est devenu un impératif de souveraineté nationale et un engagement de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Refuser de le faire nous exposerait à trois risques majeurs : un risque financier, compte tenu de la volatilité des taux d'intérêt sur les marchés et de l'influence des agences de notation sur le marché des dettes souveraines, un risque économique, entre faible croissance et récession, et enfin un risque politique car un endettement non maîtrisé prive les responsables politiques de toute marge de manoeuvre budgétaire pour engager les politiques publiques correspondant à leurs priorités.

Il est donc impératif de respecter nos engagements de retour à l'équilibre structurel pour réduire au maximum le déficit public nominal, qui alimente la dette publique. Si les hypothèses de croissance, d'inflation et de réduction du déficit en 2014 et 2015 se réalisent, nous pourrons enfin assister à un renversement de la courbe de l'endettement public dès 2015. Pour ce faire, tous les sous-secteurs d'administration publique doivent être sollicités.

Cet impératif est d'autant plus urgent que la remontée des taux d'intérêts apparaît inexorable, sous l'effet de la reprise économique mondiale et du probable resserrement à venir de la politique monétaire américaine, qui devraient conduire à un renchérissement de la charge de la dette, toutes choses égales par ailleurs.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, je voudrais vous poser les questions suivantes.

Concernant le programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », le besoin de financement de l'État pour 2014 est colossal, puisqu'il s'élève à 177 milliards d'euros, même si cela représente une baisse de près de 9 milliards par rapport au besoin de financement constaté en 2013. La structure du besoin de financement évolue, dans la mesure où la part liée au déficit budgétaire se resserre de plus en plus grâce aux efforts du Gouvernement, tandis que la part des amortissements de dette à moyen et long terme arrivant à échéance progresse. Or, si l'on connaît les prévisions du Gouvernement en matière de solde budgétaire jusqu'en 2017, l'on est moins bien informé du volume des amortissements arrivant à échéance à partir de 2015. Selon les informations qui m'ont été transmises lors des auditions que j'ai effectuées, l'État devrait avoir à refinancer un important volume de retombées de dettes émises pendant la crise financière de 2008-2009. Cela pourrait conduire à ce que le besoin de financement de l'État reste à un niveau élevé jusqu'en 2017, alors même que le programme de financement de l'Allemagne se réduit, ce qui devrait théoriquement conduire, par un effet de rareté, à ce que ses taux baissent, entraînant un écart de taux avec la France qui nous serait par définition défavorable.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser vos estimations de l'évolution du besoin de financement de l'État pour la période 2015-2017 et sa décomposition entre déficit budgétaire, amortissements de la dette et besoin de trésorerie ?

Par ailleurs, l'exécution du budget se traduira par une baisse de la charge de la dette d'un peu moins de 2 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale, grâce à la faiblesse historique des taux d'intérêts dont a bénéficié la France et au recul de l'inflation par rapport à la prévision. Au cours des dix dernières années, le volume de la dette a doublé alors que la charge d'intérêts de la dette augmentait de moins de 25 %. Ce phénomène a peu de chances de se reproduire. C'est peut-être même une drogue dont il faut savoir se déprendre. Le projet de loi de finances pour 2014 table sur une remontée progressive des taux d'intérêt mais prévoit néanmoins une quasi-stabilisation de la charge de la dette en 2014 par rapport à l'exécution 2012, alors que l'encours continue de progresser. Ce paradoxe est-il durable ? Quelles sont vos prévisions d'augmentation annuelle de la charge de la dette pour les années 2015 à 2017 et sur quelles hypothèses se fondent-elles ? En ce qui me concerne, les hypothèses sur lesquelles repose l'évaluation des crédits me sont apparues plausibles.

Enfin, le PLF pour 2014 introduit un deuxième programme d'investissements d'avenir, d'un montant total de 12 milliards d'euros. Pouvez-vous nous confirmer que l'impact de ce programme sur le déficit et la dette notifiés est très inférieur à ce montant ?

S'agissant du programme « Appels en garantie de l'État », je veux saluer l'effort accompli par vos administrations, monsieur le ministre, notamment concernant la mise en place, conformément au souhait émis par la Cour des comptes à l'occasion de travaux de certification auxquels j'ai participé, de l'outil de recensement des garanties accordées par l'État, baptisé « TIGRE » – tableau des garanties recensées par l'État. Ce sera un outil utile pour assurer, à l'avenir, la gestion des garanties de l'État, qui représente un risque potentiel.

S'agissant du programme « Épargne », on constate une baisse de plus de 20 % des dépenses engagées au titre du versement des primes d'épargne logement, alors que les dépenses fiscales du programme ne cessent de progresser, sous l'effet des mesures prises par le Gouvernement en faveur, notamment, de l'assurance-vie et à travers le déplafonnement des livrets de développement durable et des livrets A.

Je m'interroge néanmoins sur la méthodologie d'évaluation de ces dépenses fiscales. Dans un rapport sur les niches fiscales en 2012, l'Inspection générale des finances avait elle-même constaté que la méthode de chiffrage retenue dans les projets annuels de performance conduisait à surévaluer les dépenses fiscales du programme, qui s'avéraient systématiquement deux à trois fois inférieures en exécution.

Que pensez-vous de ces critiques ? Envisagez-vous d'instaurer une méthodologie d'évaluation plus précise et plus complète dès l'année prochaine ?

Enfin, je précise dès à présent que je proposerai à notre commission de voter les crédits de cette mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion