Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 25 octobre 2013 à 9h35
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement :

Les juridictions administratives voient depuis plus de trente ans augmenter le nombre des contentieux selon une hausse moyenne de 6 % par an. Jusqu'à présent, elles ont pu faire face à cette situation grâce au renforcement des moyens, à la création de nouvelles juridictions, notamment en Île-de-France, à la réforme des procédures, avec notamment la mise en place du juge unique et de la procédure accélérée, et à l'augmentation de la productivité des magistrats, qui a progressé de 20 % sur dix ans dans les tribunaux administratifs et dans les cours administratives d'appel.

Comme vous l'avez observé, la raréfaction des moyens budgétaires et la limite de la productivité des magistrats imposent, si la hausse se poursuit, de rechercher des voies nouvelles destinées à prévenir les contentieux. La juridiction administrative est favorable à des procédures de conciliation et de médiation dont le cadre juridique pourrait être défini. Il est également souhaitable de renforcer l'obligation de présenter des recours devant les administrations avant de pouvoir saisir le juge administratif. Les procédures de ce type qui existent déjà donnent de bons résultats, en matière par exemple de contentieux fiscal ou de contentieux de la fonction publique. S'agissant des efforts qui concourent à cet objectif, je vous renvoie notamment au décret du 13 août 2013, qui a simplifié d'importants contentieux de masse, notamment les contentieux sociaux, ainsi que ceux concernant les permis de conduire et la fonction publique.

Le tribunal administratif de Melun, qui est en effet l'un des plus chargés de France, fait l'objet d'une attention particulière. Ses effectifs de magistrats ont été considérablement renforcés, passant de vingt-cinq en 2005 à quarante-huit aujourd'hui – soit un effectif théorique de quarante-cinq magistrats et trois en surnombre. Deux chambres supplémentaires ont été créées le 1er septembre 2013 et des travaux d'extension immobiliers sont en cours. Les délais de jugement ne cessent de se réduire : le délai prévisible moyen, qui était d'un an, quatre mois et seize jours en 2005, est aujourd'hui de dix mois et dix-neuf jours, ce qui correspond exactement à la moyenne nationale des tribunaux administratifs en métropole. Le Gouvernement veillera à apporter à cette juridiction, si le besoin s'en fait sentir, des moyens additionnels nécessaires.

Monsieur Vigier, vous conviendrez que votre question relative à la décision prise par le Conseil économique, social et environnemental à propos de la pétition présentée lors de l'élaboration de la loi sur le mariage pour tous est assez éloignée du débat budgétaire mais, puisque vous la posez, j'y répondrai. La position du Gouvernement dans cette affaire a consisté à enregistrer la décision du bureau du CESE, qui ne l'a du reste pas surpris et correspondait pleinement à l'avis juridique élaboré sur cette question par le Secrétariat général du Gouvernement. À quelques exceptions près, cette décision a en outre fait l'objet, sur le plan juridique, d'une unanimité de la part des commentateurs. De fait, abstraction faite de l'engagement parfois passionnel auquel cette question a pu donner lieu, on n'a sans doute pas bien mesuré ce qu'il en serait de la procédure législative si chaque texte de loi, de quelque domaine qu'il relève et quel que soit l'état de la procédure, donnait lieu parallèlement à celle-ci à une saisine du CESE. Ce serait ouvrir là d'étranges perspectives institutionnelles.

La réponse était évidemment simple : en vertu de l'article 69 de la Constitution et de l'article 2 de l'ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au CESE, la décision de saisine sur un projet de loi revient exclusivement au Premier ministre. Les pétitions citoyennes doivent quant à elles, comme le précisaient les rapports préparatoires, entrer dans le champ de la mission du CESE.

Vous m'avez aussi posé des questions légitimes sur les évolutions financières et les efforts réalisés par le CESE, notamment pour ce qui concerne la caisse des retraites de cette institution. Le rapport fait apparaître des efforts : diminution de 15 % du montant des retraites, cotisation de sauvegarde de 1 % applicable aussi aux retraités et suppression de la majeure partie des avantages familiaux. Vous avez justement relevé, madame Dalloz, que cet effort conséquent réalisé par le président Jean-Paul Delevoye ne pouvait que retenir l'attention en ces temps où s'expriment des exigences justifiées quant à l'emploi des deniers publics. En outre, l'augmentation progressive du taux des cotisations de 2011 à 2020 obéit à la réforme du régime général. Il en sera de même pour la réforme actuellement en cours.

Des marges de manoeuvre pourraient également être recherchées du côté des ressources consacrées aux soixante-douze membres associés que la précédente majorité a voulu adjoindre au CESE lors de la réforme de cette institution. De fait, alors qu'il était prévu que des personnalités pourraient être associées aux travaux du CESE en fonction des expertises nécessaires et pour une durée maximale de deux ans, la précédente majorité a pourvu l'ensemble de ces postes en mars 2012 pour toute la durée possible : le Gouvernement appréciera, le moment venu, les possibilités qui devraient prochainement s'ouvrir de réduire le nombre de ces postes.

Monsieur Vigier, le Gouvernement juge opportun l'amendement que vous proposez à propos de la Cour de discipline budgétaire et financière. Cet amendement pourrait donc trouver sa place dans une loi de finances, car la rédaction actuelle du code des juridictions financières peut fragiliser ou ralentir les travaux de la Cour de discipline budgétaire et financière. Je vous remercie donc de cette initiative, à la concrétisation de laquelle le Gouvernement sera attentif.

Le Haut Conseil des finances publiques, qui fait l'objet du programme 340, a été créé suite à un amendement parlementaire du président de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini. Toute modification relève donc par définition d'une loi organique. Les charges relatives à la gestion du Haut Conseil des finances publiques pourraient sans difficulté être absorbées par la Cour des comptes et le rattachement du programme 340 au programme 164 ne poserait aucun problème pour le Gouvernement si la représentation nationale en décidait ainsi.

Monsieur Dosière, vous avez rappelé que le Conseil d'État dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer sur les lois de pays de la Polynésie, dont le nombre a considérablement augmenté. Cette institution s'efforce de respecter ces délais dans toute la mesure du possible, mais il est exact qu'ils ont parfois été dépassés – de quelques mois tout au plus –, du fait de la charge très importante que représentent pour le Conseil d'État les questions prioritaires de constitutionnalité et des arbitrages qui s'ensuivent entre les questions à traiter.

Plusieurs orateurs ont évoqué la réforme du droit d'asile et la situation de la Cour nationale du droit d'asile. Madame Bechtel a formulé sur ce point des observations justes et pertinentes. En 2012, la Cour a connu pour la quatrième année consécutive une hausse de 13,7 % des recours, qui ont atteint le chiffre de près de 36 400. Cette augmentation, supérieure à la demande d'asile elle-même, s'explique notamment par une nouvelle progression du taux de recours contre les décisions de rejet prises par l'OFPRA, qui a atteint 87 % en 2012. En dépit de cette tendance, le nombre d'affaires jugées par la Cour continue de croître, avec une augmentation de 8 % en 2012, soit 44,5 % d'affaires supplémentaires sur quatre ans, ce qui est considérable.

Grâce à un effort réalisé sous l'ancienne majorité, la Cour avait, en une seule année – entre 2010 et 2011 –, réduit de six mois les délais. Ces efforts ont été poursuivis et le délai prévisionnel de jugement s'établit aujourd'hui à huit mois et sept jours – contre, je le rappelle, quatorze mois et vingt-huit jours en 2009. La Cour se verra donner les moyens de ramener ce délai à six mois et demi en 2014, avec un objectif final de six mois en 2015. Ces observations n'enlèvent rien à la pertinence de celles de Mme Bechtel, qui correspondent aux préoccupations du Gouvernement. Comme vous le savez, nous avons confié à deux parlementaires, Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine, une mission de réflexion sur les procédures et le rôle de la Cour nationale du droit d'asile. La situation actuelle n'est pas normale, car le droit d'asile doit être renforcé, rapide et efficace. Le taux de refus par l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile montre bien que la procédure de demande d'asile est souvent engagée par des gens qui ne relèvent pas de l'exercice de ce droit constitutionnel. À partir de ce rapport, le ministre de l'intérieur fera des propositions en vue des objectifs rappelés par Mme Bechtel.

Monsieur Dosière, le Premier président de la Cour des comptes a prévu de renforcer d'une unité de magistrat et d'un assistant de vérification la chambre territoriale de Nouvelle-Calédonie.

Aujourd'hui, 35 % des magistrats de la Cour des comptes sont en poste à l'extérieur de la juridiction. Ce pourcentage est constant depuis plusieurs années. Les aller-retour entre le contrôle et l'administration sont sains pour le bon fonctionnement de la Cour, en vertu du principe selon lequel on contrôle mieux ce que l'on connaît bien. En échange, la Cour accueille aussi des fonctionnaires venant de l'extérieur.

Quant à la réserve parlementaire, permettez au ministre des relations avec le Parlement de ne pas répondre à une question qui échappe à sa compétence et à ses possibilités d'observation en raison du principe de séparation des pouvoirs.

L'indicateur 2.1 mesure les suites effectives données aux recommandations de la Cour des comptes. Le taux élevé qu'il affiche – 71 % en 2011 – s'explique par le fait que les juridictions sont soucieuses de formuler des recommandations opérationnelles et que les ordonnateurs sont conscients de ce que la Cour procédera à des vérifications. Le chiffre peut aussi tenir au fait que l'indicateur mesure les suites tant partielles que totales.

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