Intervention de Kader Arif

Réunion du 21 octobre 2013 à 15h10
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants :

Le budget que je vous présente s'élève à 2,85 milliards d'euros. Le recul de 2,7 % par rapport à l'an dernier doit être corrélé avec la baisse de 5 % du nombre de bénéficiaires, et 13 millions d'euros sont consacrés à des mesures nouvelles, contre 6 millions l'année dernière. De plus, afin de respecter les engagements pris avant mon arrivée au ministère concernant le passage de quarante-quatre à quarante-huit points de la carte du combattant, il a fallu dégager 54 millions en année pleine, qui n'avaient pas été budgétés précédemment.

Je veux bien être cordial, mais il faut aussi que nous nous écoutions. Je rappelle que le gouvernement précédent a fermé le ministère des anciens combattants durant huit mois, et qu'il ne l'a rouvert que dans un contexte préélectoral. Les membres de l'opposition qui m'interrogent légitimement aujourd'hui auraient peut-être dû se préoccuper du désintérêt du gouvernement de l'époque.

Ce ministère est pour moi tourné vers l'avenir. Il a toute sa place dans la politique gouvernementale. Depuis que j'occupe le poste qui est le mien, 16 000 cartes du combattant ont été délivrées aux anciens des OPEX, et, l'année prochaine, 8 400 « cartes à cheval » seront attribuées aux anciens d'Algérie.

Les engagements doivent être tenus. L'année dernière je vous avais annoncé que mes priorités étaient sociales. Nous avons tenu l'engagement relatif à la « carte à cheval » en retenant sa version la plus avantageuse pour les soldats concernés. Dans ce budget, 4 millions y sont d'ores et déjà consacrés – 5,5 millions en année pleine. Nous avons tenu l'engagement relatif à l'aide différentielle au conjoint survivant. J'ai bien noté que le seuil de pauvreté à l'échelle européenne était passé de 964 à 977 euros. Un premier pas a été fait avec la hausse du plafond à 932 euros ; j'affirme devant vous ma volonté de faire le suivant. L'engagement concernant l'aide sociale de l'Office national des anciens combattants (ONAC) est également tenu. Celle-ci augmentera bien de 500 000 euros pendant trois ans et, cette année, une rallonge de 800 000 euros est même prévue portant sa progression à 6 %.

Depuis que les parlementaires m'en ont fait le reproche, je n'ai plus qualifié la rente mutualiste de « niche fiscale ». Je leur ai donné raison, il s'agissait d'une maladresse d'expression. La somme globale qui y est consacrée n'a pas bougé. Le plafond de 1 763 euros n'a pas été modifié. La fiscalisation a été refusée à l'entrée comme à la sortie. J'ajoute que la concertation a bien eu lieu, contrairement à ce que j'ai entendu dire. Le « G12 » réunissant les représentants des principales associations d'anciens combattants ainsi que l'ensemble des structures qui gèrent la rente mutualiste a bien été consulté avant et depuis la présentation du budget. France mutualiste et la Caisse autonome de retraite des anciens combattants (CARAC) l'ont d'ailleurs confirmé dans un communiqué en annonçant qu'elles pourraient même envisager de proposer un abondement pour une période temporaire. Nous travaillons pour trouver une solution à court terme. Madame la rapporteure pour avis, je me rallie à votre idée de constituer un comité de suivi.

Je rappelle que la demi-part fiscale n'a pas été supprimée, contrairement à ce que beaucoup craignaient.

Un budget spécifique d'1 million d'euros est consacré pour la première fois à l'appareillage des mutilés avec du matériel de dernière génération.

Un guichet unique permettra aux harkis et aux rapatriés de disposer d'un interlocuteur sur le plan national tout en bénéficiant d'un service de proximité pérenne auprès des ONAC départementaux dans lesquels nous maintenons le personnel nécessaire – nous réfléchissons même à une augmentation de certains effectifs. Les prestations transférées vers mon ministère à ce titre s'élèvent à 17,8 millions d'euros. Le service central des rapatriés est rattaché à l'ONAC. La mission interministérielle et l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer verront leurs missions reprises par l'ONAC d'ici à la fin de l'année.

En matière de politique mémorielle, je rappelle qu'à mon arrivée rien n'était prévu pour le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Globalement, de 12 millions d'euros nous sommes passés à 17 millions pour parvenir, cette année, à 23,2 millions. Avec beaucoup de modestie, je me permets d'estimer qu'il s'agit d'une avancée : 11 millions d'euros pour le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et 8 millions pour le soixante-dixième anniversaire de la fin du second conflit mondial – plus un million d'euros d'enveloppe spéciale pour certains projets. Je suis à la disposition des commissions de la défense de l'Assemblée et du Sénat pour leur présenter les détails de la politique mémorielle des quatre années à venir. J'ajoute que, jeudi et vendredi, j'ai réuni à Paris les représentants de plus de trente pays, dont vingt ministres, afin de traiter ce cycle mémoriel de manière mondialisée.

En ce qui concerne le CIVEN, des avancées ont déjà eu lieu. Une proposition de loi sénatoriale vise à transformer ce comité en structure indépendante. Cette année, 10 millions d'euros sont toujours prévus dans le budget, et nous sommes passés de quatre à douze dossiers traités – avec une indemnisation moyenne de 65 000 euros d'indemnisation par dossier. Nous menons une politique de communication et d'information afin de permettre à toutes les personnes concernées de déposer un dossier. Pour améliorer encore la transparence, il est également question que des experts désignés par des ONG siègent au sein du CIVEN. Le ministre de la défense travaille actuellement sur l'ensemble des questions posées.

Pour ma part, je regrette que le service militaire ait été « suspendu ». Ma propre histoire m'a toujours poussé à défendre ce magnifique creuset républicain qui nous manque aujourd'hui, et je suis favorable au passage à deux jours de la JDC – le jour où notre pays en aura les moyens, je suis même partisan de l'instauration d'un service civique obligatoire et mixte. Cela posera de nombreuses questions techniques – assurances, personnels, lieux…–, mais je serais heureux de recevoir des propositions afin que nous puissions avancer.

L'idée du pourcentage pour l'établissement des pensions des veuves des grands invalides de guerre serait source d'inégalité. Sans vouloir dénaturer le rôle de ces épouses, j'avais avancé l'idée d'établir une pension de réversion sur la base de la retraite d'une infirmière diplômée d'État. La réversion de 25 % de la pension de l'invalide aurait un coût annuel pour le budget des anciens combattants d'environ 44 millions d'euros. Cela dit, je suis prêt à avancer sur le sujet. Toutes les solutions proposées méritent d'être expertisées. En tout état de cause, un changement ne pourrait intervenir que dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

La question de l'indemnisation des orphelins est compliquée. Si l'on pense d'abord aux enfants de résistants et de soldats engagés dans les combats en 1940, il ne faut bien évidemment pas oublier les orphelins de la guerre d'Algérie. Or il faudra bien poser une limite, ce qui me semble difficile à concevoir. J'avais avancé un coût global de 2 milliards d'euros, qui pouvait, m'a-t-on dit, être revu à la baisse. Pour les seuls orphelins de résistants et de soldats engagés en 1940, il faudrait trouver entre 800 et 900 millions d'euros. Si l'on adoptait le principe du versement d'une allocation mensuelle d'un peu plus de 500 euros plutôt que celui d'une enveloppe globale, cela représenterait, pour l'ensemble des orphelins, 18 millions d'euros qu'il faudrait trouver chaque année. Je ne suis pas fermé à une telle solution, pourvu que l'on définisse un périmètre et un étalement dans la durée. Je vous propose de l'étudier dans le cadre du budget triennal que nous examinerons à partir de l'année prochaine.

Pour terminer, il est faux de dire que le titre de reconnaissance de la nation est gratuit. Ce TRN était donné à des gens qui s'étaient retrouvés en situation de combat. L'étendre aux réquisitionnés du STO reviendrait à considérer que ces travailleurs étaient en situation de combat. D'un point de vue philosophique, cela mérite réflexion. Pourquoi ne pas poser le débat sur la place publique ? Quoi qu'il en soit, dès lors que l'on a le TRN, on bénéficie automatiquement de la rente mutualiste, ce qui représente un coût.

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