Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 30 octobre 2014 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Globalement préservé, le budget de la mission « Culture » s'élève à 2,58 milliards d'euros, soit une légère baisse de 0,16 %. Mais, entre 2012 et 2014, les mêmes crédits avaient déjà connu une baisse de plus de 5 % et, quoi qu'il en soit, les chiffres ne sont pas tout : un budget doit être au service d'un projet global. Or, ayant précédemment été chargée du numérique au sein du Gouvernement, vous ne pouvez qu'être sensible, madame la ministre, à l'importance d'adopter une stratégie numérique pour la culture. Nous avons d'ailleurs déjà noté des avancées en la matière, telles le soutien qu'a apporté votre ministère à la Public Domain Mark par le biais d'un guide de bonnes pratiques.

Au terme de la période de protection des droits de l'auteur, ce sont en effet les droits du citoyen qui prennent le relais lorsqu'une oeuvre tombe dans le domaine public. Pourtant, ces derniers restent non respectés, notamment par les photographes qui oeuvrent pour les musées. Le code de la propriété intellectuelle et la jurisprudence disposent en effet qu'une oeuvre doit faire preuve d'originalité. Or, la reproduction en deux dimensions d'une oeuvre, effectuée avec la plus grande fidélité possible, ne saurait constituer une nouvelle oeuvre originale, de sorte qu'aucun droit d'auteur n'entoure les photos d'oeuvres relevant du domaine public mises en ligne par les musées. Nombreux sont d'ailleurs ceux d'entre eux qui jouent sur cette ambiguïté, espérant trouver une nouvelle source de financement dans la commercialisation de ces reproductions. Ils ont à la fois tort et raison. Tort parce que, lorsqu'une oeuvre relève du domaine public, il est illégitime de freiner son accès. Les partenariats public-privé, tels que les contrats ProQuest de la Bibliothèque nationale de France (BNF), posent ainsi de graves problèmes de qualité, d'égal accès aux oeuvres pour tous les citoyens et, enfin, de coût. Ils ont en même temps raison car la mise en ligne gratuite constitue une source de revenus. Si nous avons tous déjà vu la Joconde bien avant de nous rendre au Louvre, nous n'avons jamais songé un seul instant à renoncer pour ce motif à nous rendre sur place. D'ailleurs, après que le Rijksmuseum d'Amsterdam a mis en ligne, en haute définition, une immense collection de peintures, de Rembrandt et de Vermeer notamment, sa fréquentation a augmenté.

Nous disposons du patrimoine, des oeuvres, des musées et des touristes : pourquoi ne sommes-nous pas en pointe en matière de numérisation ? Pourquoi nos musées se contentent-ils de fournir la matière première au portail privé Google Art Project, pour le plus grand profit de cette machine de guerre américaine ? Madame la ministre, de nombreux musées dépendant de vous, il vous appartient de leur rappeler que l'une des missions qui leur est assignée par la loi consiste en la diffusion des oeuvres au public le plus large. En accomplissant cette mission avec tous les outils numériques disponibles, ils n'y perdront ni leurs visiteurs, ni leurs ressources, ni leur âme, bien au contraire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion