Mesdames Doucet et Schmid, l'éducation artistique et culturelle est visée par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République et a fait l'objet d'une circulaire du 3 mai 2013 commune aux ministères chargés de la culture et de la communication et de l'éducation nationale. Ce texte institue la notion de parcours d'éducation artistique et culturelle sur tous les temps de vie – scolaire, extrascolaire et périscolaire – des enfants et des jeunes. Ce parcours s'inscrit dans une politique éducative et culturelle d'ensemble, partagée par les différents ministères. Il doit se concevoir comme une construction d'apprentissage sur un territoire à destination des jeunes en temps et hors temps scolaire. Par définition, il est destiné à être défini au plus près des territoires, en partenariat avec les collectivités territoriales. Le ministère de la culture a porté une attention particulière aux zones déficitaires que sont les territoires ruraux, ceux relevant de la politique de la ville et les zones ultramarines, ainsi qu'aux publics les plus éloignés de l'offre culturelle, c'est-à-dire les personnes sous main de justice, les personnes hospitalisées et les personnes en situation de handicap.
Ce parcours comprend les enseignements dispensés dans le cadre scolaire et peut être complété par des actions éducatives dans le temps périscolaire, à l'école comme dans le cadre des rythmes scolaires, mais aussi en dehors de l'école pendant le temps extrascolaire. Il peut ainsi conjuguer l'ensemble des connaissances acquises, des pratiques expérimentées et des rencontres avec les oeuvres, les lieux et les professionnels des arts et de la culture.
Il me paraît un peu tôt aujourd'hui pour évaluer la performance du dispositif. Laissons-nous le temps de l'installer dans le paysage dans la mesure où il constitue une rénovation de la manière d'aborder les questions artistiques à l'école. Comme plusieurs orateurs l'ont d'ailleurs signalé à juste titre, à l'heure du numérique et de la profusion des écrans, il est plus difficile de définir une offre d'éducation artistique et culturelle qu'à l'époque où il n'y avait que peu d'émetteurs. Je souhaite en tout cas poursuivre le déploiement du dispositif et l'inscrire dans les pratiques culturelles des jeunes. Il m'importe, plutôt que de définir en chambre une politique qui serait ensuite diffusée de manière verticale dans les établissements d'enseignement, d'accorder davantage d'importance aux pratiques culturelles et créatives des jeunes, à leur désir de suivre des pratiques amateur revisitées à l'heure de la télévision linéaire et délinéarisée, à la compréhension des codes d'accès à la culture et à l'information de la jeunesse d'aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, le ministère et le Gouvernement ont manifesté tout leur intérêt pour l'éducation artistique et culturelle à travers l'effort budgétaire réalisé – les crédits consacrés à cette politique connaissant une augmentation entre 2013 et 2015. Mais, encore une fois, il nous faudra un peu de recul pour évaluer la performance de ce dispositif.
Madame Bouillé, toutes les collectivités territoriales et l'État peuvent aujourd'hui intervenir dans tout le champ culturel, compte tenu de la clause de compétence générale, l'État jouant pour sa part le rôle de garant de l'application des différents textes législatifs et réglementaires. La culture est davantage qu'une compétence partagée : elle est un véritable domaine d'actions partagé, impliquant par conséquent une responsabilité politique partagée.
C'est pourquoi mes prédécesseurs ont tenu à créer une instance de dialogue réunissant les associations d'élus et de collectivités territoriales – le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Cette instance de coordination permet de faire converger l'ensemble des actions menées par les différentes collectivités publiques. Le développement et l'animation culturels sont en effet des secteurs dans lesquels les collectivités territoriales interviennent beaucoup et investissent des ressources importantes. À l'heure où s'élabore la réforme de l'organisation territoriale de la République, il importe que nous puissions aborder la répartition des compétences entre les différents acteurs afin de tirer le meilleur des ressources que nous consacrons aux activités culturelles.
Votre question s'inscrivait plus particulièrement dans le cadre de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et du projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République, qui mettent en question l'action du ministère et des collectivités. En ce qui concerne la possibilité de délégation de compétences prévue par la loi MAPTAM, j'examinerai les éventuelles demandes après qu'elles auront donné lieu à un avis de la conférence territoriale de l'action publique – notamment les demandes émises par la région Bretagne dans les domaines du livre et du cinéma. Et dans le projet de loi précité, la culture est expressément mentionnée, à l'instar du sport et du tourisme, comme constituant une compétence partagée. Je proposerai donc à nos partenaires des collectivités, à l'occasion de la prochaine séance plénière du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel qui aura lieu le 18 novembre prochain, que nous examinions ensemble ce qu'implique cette disposition.
Parallèlement, dans le cadre des travaux relatifs à la réforme des services déconcentrés de l'État, qui découleront naturellement de ces deux lois, et compte tenu de l'émergence d'une nouvelle carte des collectivités, je m'attacherai à quelques grands principes : l'affirmation d'une présence territoriale, la modularité du service public au bénéfice de la solidarité, une approche partenariale fondée sur la qualité et la nécessité de l'action de mon ministère dans les territoires. Je considère en effet qu'il est de la responsabilité de l'État de garantir l'égal accès de l'ensemble de nos concitoyens aux politiques culturelles et aux oeuvres et d'ajuster ses modes d'intervention à ceux des collectivités territoriales. Cela paraît difficile à concevoir dans la mesure où nous suivions jusqu'ici une logique d'égalité d'intervention sur l'ensemble du territoire. Mais la réalité nouvelle nous oblige à repenser nos modes d'action avec davantage d'agilité, afin d'assurer l'égal accès de nos concitoyens à l'offre et aux oeuvres culturelles.
Autres principes qui seront mis au service des ambitions de mon ministère – et cela vaudra également dans le cadre de la réflexion relative à la réforme territoriale : la préservation et la valorisation de notre patrimoine, compétences majeures au niveau territorial ; l'organisation de conditions favorables à la création artistique ; la transmission de références artistiques et culturelles communes, en direction de la jeunesse mais aussi tout au long de la vie ; la reconnaissance du droit de chacun aux pratiques culturelles, en amateur notamment ; enfin, le développement d'une formation supérieure de qualité.
Si mes services sont actuellement en train d'évaluer la décentralisation culturelle mise en oeuvre depuis 1983, je puis d'ores et déjà vous indiquer que les actions menées dans les domaines des archives et de la lecture publique sont considérées comme très positives. Aujourd'hui, j'aborde les enjeux liés à l'approfondissement de la décentralisation dans le respect du rôle de chaque catégorie de collectivité territoriale en prenant en compte la diversité des territoires, de leurs histoires, de leurs demandes et de leurs pratiques.
Madame Attard, en ce qui concerne le numérique et la numérisation, le ministère de la culture est en pointe dans plusieurs domaines. Ainsi, Gallica, la bibliothèque numérique de référence de la BNF, est-elle très utilisée par les chercheurs comme par le grand public. Autre exemple, le Centre des monuments nationaux (CMN) utilise avec profit des outils de réalité augmentée afin d'enrichir le parcours des visiteurs, qui peuvent ainsi obtenir des informations à l'aide de leur tablette sur tel ou tel élément de monument. Le Centre Pompidou propose quant à lui une visite virtuelle – prolongement de l'offre culturelle ayant bénéficié des investissements d'avenir. Universcience propose des actions innovantes dans un fablab en son sein. Enfin, le projet VITAM, que j'ai évoqué tout à l'heure, vise à archiver les documents nativement numériques.
Il y a certes encore beaucoup à faire, mais nous n'avons pas à avoir honte en la matière. Il est vrai que la numérisation du patrimoine culturel présente un grand intérêt, tant sur le plan de la gestion, de la valorisation et de l'accès au patrimoine que sur le plan économique. Cela fait d'ailleurs partie des sujets que j'aborderai dans le cadre d'une chaire d'études à laquelle je suis en train de travailler. Se pose en effet la question du modèle économique à retenir pour mettre en valeur le patrimoine grâce au numérique : il peut paraître logique d'attendre que le patrimoine numérisé soit mis gratuitement à la disposition de nos concitoyens. Mais, cette numérisation ayant un prix, il convient de construire un modèle de coût permettant de trouver les financements nécessaires.
Vous avez bien fait de rappeler que certains acteurs privés avaient proposé de prendre en charge la numérisation du patrimoine, mais en imposant des conditions économiques qui n'étaient pas profitables au public. Aujourd'hui, la numérisation du patrimoine et la mise à disposition du public du patrimoine numérisé constituent de véritables enjeux microéconomiques dont j'aurai plaisir à m'entretenir avec vous lorsque j'aurai pu créer cette chaire d'études.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué le fait que le numérique modifiait les équilibres économiques de certains secteurs : si cela est surtout avéré en ce qui concerne la partie « médias » de mon portefeuille, nous aurons l'occasion de revenir prochainement sur la redéfinition du budget de la culture à l'aune du numérique. En effet, une partie des ressources qui pouvaient être directement ou indirectement affectés au soutien à la création est aujourd'hui dérivée et disparaît du territoire français. Il nous faut donc reconquérir ces ressources et réaffirmer l'exception culturelle. Ce combat est cependant très difficile à mener, tant sur le plan politique que technique.
Deux projets patrimoniaux sont actuellement en cours en Guyane : la réhabilitation de l'ancien hôpital Jean-Martial et le nouveau bâtiment d'archives sur le site de Montjoly – qui représentera un investissement de 8 millions d'euros entre 2015 et 2017.
Monsieur Launay, le label « villes et pays d'art et d'histoire » étant un succès, l'État continuera à accompagner sa diffusion, mais il n'est pas illégitime que nous aidions en priorité les nouveaux entrants et diminuions progressivement notre appui financier aux territoires labellisés depuis plus longtemps. La célébration du trentenaire de ce label en 2015 permettra au ministère d'en tirer un premier bilan. S'agissant de l'expérimentation menée dans le département du Lot, nous effectuerons un bilan du guichet unique qui y a été institué, en vue d'une extension éventuelle à d'autres territoires.
Monsieur Pouzol, les réserves du CNC ne subissent cette année aucune ponction : au contraire, le Centre pourra aller y puiser lui-même pour atténuer ses baisses de recettes, compte tenu notamment de la fragilité du marché publicitaire audiovisuel. Par ailleurs, les Assises du cinéma ont été l'occasion de rappeler la nécessité de porter attention aux films « médians », de mieux cibler les aides sélectives ainsi que de maintenir et de moderniser un réseau de salles unique au monde, incluant un parc d'art et essai lui-même unique au monde.
Je conclurai mon propos en évoquant la Philharmonie. Je remercie à mon tour les parlementaires qui se sont particulièrement investis dans cette mission. Je me suis effectivement beaucoup inspirée de l'excellent rapport auquel celle-ci a donné lieu pour élaborer le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, qui reprend nombre de ses recommandations.
Monsieur le président Bloche, vous avez raison d'insister sur les questions de synergie et de gouvernance que soulève le nouvel établissement de la Philharmonie. Il était en tout état de cause prévu d'opérer en 2016 un rapprochement entre la Cité de la musique et la Philharmonie, et nous y travaillons actuellement, dans la mesure où certaines des difficultés auxquelles le chantier a été confronté pourraient être liées à des faiblesses inhérentes au mode de gouvernance retenu. J'ai à coeur que cette gouvernance soit renforcée afin que, compte tenu de l'ampleur financière du projet, nous ayons la garantie que les décisions seront prises et appliquées dans de bonnes conditions. Cet équipement me paraît riche de formidables chances tant pour le nord-est de Paris que pour la Seine-Saint-Denis et les autres départements voisins. J'y suis donc personnellement attachée. La direction de la Cité de la musique a accompli un effort important en préparant pour la Philharmonie non seulement un ambitieux programme classique – les orchestres invités jouissent d'une grande renommée – mais aussi un programme de musiques du monde et de variété de très haut niveau ainsi que des programmes pédagogiques très novateurs. Il est cependant légitime que l'État et la ville de Paris puissent se constituer un avis propre sur le calibrage des moyens de fonctionnement de la Philharmonie au regard de ce projet ambitieux, et c'est le but de la mission que nous avons lancée avec Anne Hidalgo. Pour l'heure, l'État a sanctuarisé 9,8 millions d'euros afin de financer le fonctionnement de cet équipement en 2015, mais nous attendons les conclusions de cette mission pour réviser cette contribution si nécessaire. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement soutient fortement le projet.