Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 24 octobre 2014 à 9h35
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteur spécial pour la mission « Conseil et contrôle de l'état » :

La mission « Conseil et contrôle de l'État » concerne les crédits du Conseil d'État et de la Cour des comptes, ainsi que des juridictions qui leur sont associées, mais également du Conseil économique, social et environnemental (CESE). S'y ajoute le Haut Conseil des finances publiques, totalement pris en charge par la Cour des comptes, dont je suis rituellement amené à m'étonner qu'il fasse l'objet d'un programme.

Les crédits de paiements demandés pour 2015 s'élèvent à 637 millions d'euros, soit une hausse de moins de 1 % par rapport à 2014, preuve de la participation de ces institutions à la maîtrise des dépenses publiques. En effet, quoique non soumis à la régulation budgétaire, le Conseil d'État et la Cour des comptes tiennent à prendre leur part de l'effort de rigueur dans la gestion des finances publiques et rendent chaque année au budget général une fraction de leur dotation. La Cour des comptes a même restitué en 2014 les crédits qu'elle avait reçus au titre de la réserve parlementaire et n'en demandera pas à ce titre pour 2015. Je tiens à souligner la qualité de sa gestion, mais également de son travail d'évaluation des politiques publiques, de contrôle de la gestion publique, en insistant tout particulièrement sur le succès de la réorganisation des chambres régionales – sept d'entre elles ont été supprimées – qui renforce l'homogénéité du contrôle sur l'ensemble du territoire.

Je voudrais également saluer le travail accompli par le président du CESE, M. Jean-Paul Delevoye, ses questeurs, M. Philippe Le Clézio et Mme Rose Boutaric, et, sous leur autorité, sa secrétaire générale, Mme Annie Podeur, pour rationaliser, rendre plus transparente et assainir la gestion du Conseil. Ce travail, détaillé dans le rapport, était indispensable pour assurer à cette assemblée sa nécessaire crédibilité. J'ajoute que j'ai saisi le président Claude Bartolone d'une demande de consultation du Conseil, comme le permet la Constitution, sur la déréglementation des professions libérales, question sur laquelle, compte tenu de sa composition, le Conseil devait pouvoir informer utilement le Parlement.

L'activité du Conseil d'État et des juridictions administratives est marquée par la hausse continue du contentieux : 14 % environ tous les ans. Pour y faire face, le Conseil d'État dématérialise les procédures, grâce à l'application Télérecours, à laquelle il convient d'apporter encore quelques améliorations.

L'explosion du contentieux de masse est un phénomène préoccupant. Pour citer quelques exemples, le contentieux lié au droit au logement opposable, le DALO, est passé de 4 816 requêtes en 2009, à 10 815 en 2013 ; le contentieux des étrangers représente 44 % de l'activité des cours administratives d'appel ; la Cour nationale du droit d'asile a enregistré 34 752 dossiers en 2013 et, du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, le contentieux de masse a représenté 62 % des affaires du tribunal administratif de Melun. On peut se demander si, pour maîtriser ce contentieux, une action législative ne serait pas bienvenue.

Connue de tous, l'affaire Leonarda – qui concernait en réalité le droit au séjour de l'ensemble de la famille de celle-ci – a, à elle seule, donné lieu, du 20 août 2009 au 9 octobre 2013, date de la reconduite de la famille à la frontière, à dix-huit décisions successives de refus d'admission au séjour, dont deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), six de plusieurs préfets et huit décisions juridictionnelles. Cela doit nous conduire à interroger la pertinence d'une législation qui permet une telle inflation procédurale, et dont l'objet est si facilement manqué.

J'évoque en détail le contentieux DALO dans mon rapport. Des personnes mal logées remplissant certaines conditions peuvent formuler une demande de logement social devant une commission de médiation, qui la rejette ou l'accepte. L'acceptation pourrait valoir instruction pour les services de l'État de trouver un logement adapté aux demandeurs, éventuellement sous une astreinte dont le barème pourrait être fixé de façon forfaitaire. Tel n'est pas le cas. Si l'État n'arrive pas à satisfaire la demande, le demandeur peut se tourner vers le tribunal administratif, qui condamne alors l'État à une astreinte provisoire – dont le montant aurait été plus utilement affecté à la construction de logements. Une fois le logement trouvé, en général après plusieurs années, le tribunal devra aussi liquider l'astreinte définitive.

Ce contentieux – francilien pour l'essentiel, puisque 83 % des procédures concernent l'Île-de-France – n'apporte aucune autorité supplémentaire à la décision de la commission de médiation. Il n'améliore en rien la construction de logements, mais coûte des juges, des greffiers et divers frais de justice. Il représente 25 % des procédures devant le tribunal administratif de Melun. Le Gouvernement ne pourrait-il pas envisager une modification de la loi afin de désengorger les tribunaux administratifs en mettant un terme à ces procédures aussi nombreuses qu'inopérantes ? La maîtrise des effectifs de l'État passe aussi par la suppression des tâches inutiles de ses agents !

De la même manière, un projet de réforme du droit d'asile a été déposé devant le Parlement : saura-t-il éviter d'encombrer la justice administrative avec de nouvelles procédures inutiles et inefficaces ?

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