Si j'ai bien compris, la Cour ne remet pas en cause le dispositif ; en revanche, elle nous appelle à la vigilance. D'ailleurs, si les PIA n'avaient pas été mis en place, qu'en serait-il exactement de notre politique d'investissement ?
Pour ma part, je ne pense pas qu'il faudrait revenir à des procédures de droit commun, qui n'ont pas toujours fait la preuve de leur pertinence ni de leur efficacité. Entre les dispositifs traditionnels, dont on connaît les résultats, et un système dérogatoire où plus personne ne piloterait rien et où les dérives seraient nombreuses, une juste voie doit être trouvée.
Par ailleurs, nous voyons bien pour quelle raison la Cour considère que les décaissements du PIA doivent faire partie de la norme d'évolution de la dépense – nous en avons déjà débattu au printemps. Cependant, dès lors que les décaissements annuels sont bien comptabilisés dans le déficit public, la question n'est pas, ici, celle de la trajectoire de redressement des finances publiques. Il n'y a pas de raison de considérer que, pour que la norme soit respectée, les décaissements du PIA devraient être financés par des économies supplémentaires de fonctionnement.
Je me fais maintenant le porte-parole de notre collègue Alain Claeys.
Il souhaitait exprimer sa satisfaction sur le fait que la Cour des comptes rejoigne, dans son rapport, plusieurs des conclusions que notre collègue Patrick Hetzel et lui-même ont formulées dans leur rapport, présenté au nom de la MEC, sur les investissements d'avenir pour la recherche et l'enseignement supérieur, en particulier sur la nécessaire simplification des procédures de gestion du PIA, sur l'amélioration du pilotage interministériel de celui-ci et sur la clarification du devenir des dotations non consommables affectées aux IDEX.
Ensuite, il souhaitait vous poser trois questions, monsieur le Premier président. Le rapport de la Cour indique que 75 % seulement des crédits du PIA 1 étaient engagés à la fin de l'année 2014. Or, la mission d'évaluation et de contrôle a pu constater que, dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur, ce sont 95 % des crédits du PIA qui ont été engagés, pour l'essentiel par l'Agence nationale de la recherche (ANR), et ce non pas à la fin de l'année 2014 mais dès le mois de juillet 2014. La Cour a-t-elle pu identifier, dans d'autres domaines que celui de la recherche, des complexités qui ont empêché l'engagement dans les temps des crédits ouverts ? Le cas échéant, quelles sont-elles et que préconise la Cour pour y mettre fin ?
Le rapport de la Cour évoque aussi une certaine substituabilité entre crédits budgétaires et crédits du PIA. Les deux exemples cités sont cependant, d'une part, les avances remboursables de l'Airbus A350 et, d'autre part, la jouvence du navire océanographique Marion Dufresne. Lors de leurs auditions respectives par la MEC, le directeur général de l'aviation civile, M. Patrick Gandil, a souligné le caractère structurant du programme A350, et le directeur général de la recherche et de l'innovation du ministère de l'éducation nationale et de la recherche, M. Roger Genet, a fait valoir le caractère stratégique de la flotte océanographique française. La question soulevée par la Cour n'est-elle pas, en réalité, moins une affaire de technique budgétaire que d'interministérialité ? Autrement dit, un meilleur positionnement interministériel du commissariat général à l'investissement n'aurait-il pas pu permettre la prise en charge, dès l'origine, de ces investissements dans le PIA sans qu'il soit besoin de les y insérer après coup, au risque de jeter un doute sur le caractère stratégique du PIA ? Le rapport de la MEC a insisté sur la nécessité de développer la fonction de coordination interministérielle du CGI.
Enfin, la Cour a évoqué les dotations non consommables du PIA. Pour l'essentiel, ces dotations sont affectées aux IDEX, c'est-à-dire, pour faire court, aux regroupements d'universités, de grandes écoles et de grands établissements de recherche présents sur un site dont la gouvernance a été jugée suffisamment structurante par le jury international du PIA pour mériter un financement spécifique. Le rapport de la MEC préconise, au bout de dix ans, en cas d'évaluation positive desdites IDEX, le transfert pur et simple à celles-ci de ces dotations, sous réserve de clauses d'utilisation qui sont généralement celles attachées, à l'étranger, aux financements institués par des fondations. Pour la MEC, cette solution paraît de nature, à la fois, à reconnaître la qualité du processus de gouvernance engagé dans le cadre des regroupements instaurés par les IDEX et à apaiser les inquiétudes de la Cour sur une sorte de dette perpétuelle qui serait instaurée au profit des IDEX au cas où les dotations ne leur seraient pas transférées. Monsieur le Premier président, que pense la Cour de cette solution ?