Madame la rapporteure générale, nous sommes tout à fait d'accord. Dans son rapport, la Cour fait les mêmes observations que vous.
Monsieur Lefebvre, je trouve curieux votre raisonnement sur la norme. Une dépense est une dépense ou n'en est pas une. Si c'est une dépense, elle doit être dans la norme, qui est quand même une norme d'évolution de la dépense. Le terme « hypocrite » employé par Mme la rapporteure générale à propos des montants annoncés, ou l'expression de « mélange des choux et des carottes », seraient également appropriés pour qualifier un raisonnement selon lequel une dépense ne serait pas une dépense. Que la norme soit ajustée, que vous assumiez que la norme peut augmenter pour un certain nombre de raisons, notamment l'importance des dépenses d'investissement, que soit différencié ce qui relève des dépenses de fonctionnement et des investissements d'avenir, soit, mais j'ai quelque difficulté à admettre qu'une dépense n'est pas une dépense et n'a donc pas à être introduite dans la norme. Bien sûr, les services compétents peuvent faire preuve d'inventivité ; mais alors le contrôle du Parlement n'est plus aussi efficace qu'il devrait l'être.
Pour répondre à la question de M. Claeys transmise par M. Lefebvre, 75 % des crédits du PIA 1 étaient contractualisés et non engagés à la fin de l'année 2014. Nous développons cette distinction entre engagement et contractualisation pour souligner les difficultés de la contractualisation : pour certaines actions, la négociation des taux de retour notamment a été particulièrement longue et difficile. En revanche, pour les principales actions concernant la recherche, l'engagement comme la contractualisation des crédits du PIA atteint souvent 100 % ; il n'y a pas de difficultés particulières de contractualisation dans ce domaine.
Il est préférable, selon nous, mais aussi selon le commissaire général à l'investissement, de communiquer sur le taux de contractualisation plutôt que sur le taux d'engagement. En ce qui concerne l'engagement des crédits, la différence entre les opérations menées dans le domaine de la recherche et celles menées dans la plupart des autres domaines est là aussi effectivement sensible. La situation est différente quand il s'agit d'appels à projets qui visent à sélectionner des projets innovants – portés par des entreprises et des laboratoires – avec des perspectives réalistes de mise sur le marché à terme.
Quant à la substitution de crédits du PIA à des crédits budgétaires, la Cour ne fait pas que relever les deux cas cités. Nous considérons que le non-respect du principe d'additionnalité concerne environ 20 % des crédits du PIA 1 et du PIA 2. Avec l'A350, des crédits du PIA ont clairement été substitués aux crédits budgétaires classiques, puisque le financement des nouveaux projets d'avions par des avances remboursables existait bien avant le PIA et que la France s'était engagée à soutenir ce projet dès 2009. Relevant cela, nous n'entendons nullement critiquer le programme de l'A350. De même, nos observations critiques sur le PIA ne sont pas une critique des investissements d'avenir. Il s'agit simplement de dire que le mode de financement du PIA peut susciter un certain nombre de réserves.
Selon le raisonnement du directeur général de l'aviation civile, qui rejoint d'ailleurs celui du ministère chargé du budget, les bons projets ont vocation à être financés par le PIA ; mais cela revient à dire que le PIA n'a pas pour objet de mettre en oeuvre le rapport de 2009, ce qui est pourtant son objectif initial ! Voilà, en tout cas, qui nous conforte dans l'idée que le programme de l'A350 n'a rien d'exceptionnel et ne doit donc pas bénéficier de conditions exorbitantes du droit commun. Le cas anecdotique du Marion Dufresne relève strictement du même raisonnement. Sa maintenance est probablement normale et même essentielle, mais qu'elle soit financée par des crédits budgétaires normaux, non des crédits exceptionnels du PIA !
En revanche, la Cour rejoint tout à fait le rapport de la MEC sur la nécessité d'une action plus interministérielle du CGI. Que celui-ci soit placé sous la responsabilité du Premier ministre est utile, mais cela ne doit pas empêcher l'implication des différents ministères pour assurer au mieux la cohérence de l'ensemble des politiques publiques.
Quant aux dotations non consommables, nous nous sommes efforcés d'évoquer toutes les solutions possibles. Actuellement, nous ne savons pas ce qu'il adviendra des dotations non consommables des IDEX. Nous n'avons pas voulu proposer une solution, c'est à vous qu'il appartiendra d'en décider, mais la dévolution définitive des dotations non consommables aux IDEX est la solution la plus conforme à l'objectif initial. Cela augmentera cependant d'environ 7 milliards d'euros le coût du PIA pour l'État.
J'appelle votre attention, cela dit, sur le fait que les dotations non consommables ne sont pas placées – Olivier Carré l'a suggéré tout à l'heure. Elles restent sur un compte au Trésor. On a affaire à un jeu d'écritures : les intérêts sont calculés in abstracto, et ensuite versés aux opérateurs. La Cour n'a pas obligatoirement compétence pour juger de la « vraie nature de Bernadette », mais ce que je peux dire, c'est que cela équivaut tout simplement à des crédits de fonctionnement. Nous estimons que ces dispositifs peuvent effectivement être améliorés, de même que l'exercice par le Parlement de son rôle de contrôle.
Je partage le regret que vous exprimez, madame Berger, à propos de l'absence de vision consolidée de l'investissement public en tant que tel, même si les rapports de la Cour comportent un chapitre qui peut répondre à la question que vous soulevez. Sans doute le président Lévy ou Mme Pappalardo pourront-ils répondre plus précisément à vos questions, en particulier sur le go-no go – il y a beaucoup de go, sans doute beaucoup moins de no go… Enfin, nous savons qu'il existe de fortes divergences entre le point de vue des universités et celui du ministère du budget sur l'accord financier que vous avez cité.
Pour faire des choses intelligentes, faut-il obligatoirement contourner les règles ? Si celles-ci ne sont pas satisfaisantes, monsieur de Courson, il suffit en effet de les changer, et le Parlement a toute légitimité pour en édicter de nouvelles. Ce n'est pas ce que nous avons particulièrement étudié, mais c'est tout de même une question qui se pose. Le fait qu'un PIA 2 ait suivi un PIA 1 et qu'un PIA 3 soit envisagé nous préoccupe. Les investissements d'avenir peuvent être envisagés dans le cadre d'autres procédures, plus respectueuses des droits du Parlement et de son rôle de contrôle, sans compromettre la capacité d'action et d'initiative du Gouvernement. C'est ce que nous avons voulu dire.
Monsieur Bachelay, nous ne proposons pas tout à fait l'approche duale que vous avez évoquée. Je pense que Mme Pappalardo pourra vous en dire plus dans un instant.
Monsieur Gagnaire, nous souscrivons à un certain nombre de vos observations critiques sur le manque de coordination entre le CGI et les différents ministères. Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur quelques sujets qui pourront vous intéresser, notamment la question de la valorisation de la recherche, les pôles de compétitivité, le véhicule électrique, le champ même des investissements d'avenir, ou encore le rôle de Bpifrance. Les questions que vous soulevez s'inscrivent tout à fait dans le cadre de nos travaux et de l'enquête que nous avons lancée.