Le CGEDD est un organisme placé auprès de la ministre chargée de l'écologie. Il est consulté sur toutes les politiques entrant dans le champ d'action du ministère et, en l'occurrence, le transport et la transition énergétique.
Les travaux de notre mission n'ont concerné que les aspects relatifs à l'entreprise et à la filière du transport, alors qu'au départ il s'agissait d'une question contingente regardant le domaine maritime.
Le gaz naturel liquéfié est un produit industriel transformé dans les pays de production depuis le gaz naturel, et liquéfié à moins 160 degrés Celsius ; son volume est 600 fois moindre que celui du gaz naturel. Il est transporté dans des navires appelés méthaniers vers l'un des trois – bientôt quatre – terminaux méthaniers de France, où il est regazéifié afin d'être utilisé comme un gaz classique. Depuis quelques années, l'utilisation du GNL comme produit industriel, notamment comme carburant, constitue un fait nouveau : certaines entreprises ont d'ailleurs abandonné le fioul ou le gaz naturel.
Le GNL n'est pas un gazole froid. Il est stocké à basse température dans des réservoirs cryogéniques. Son volume est deux fois moindre que celui du gaz naturel compressé (GNC). Il offre une autonomie double de celle du GNC, et permet une puissance des moteurs supérieure. En revanche, une de ses caractéristiques est qu'il faut beaucoup rouler – plusieurs centaines de kilomètres par jour – afin de vider le réservoir, car la stagnation du produit entraine une vaporisation du gaz susceptible de nuire à sa qualité.
En 2012, une mission nous a été confiée pour répondre à un problème posé par le transport maritime utilisant principalement comme carburant le fioul, un produit dont les caractéristiques écologiques sont très mauvaises mais dont le prix est très bas. Or, une réglementation internationale et européenne prohibant l'émission de soufre par les navires circulant – en ce qui nous concerne – en Manche et en mer du Nord, est intervenue. Force est de reconnaître que, à la différence des pays scandinaves, l'armement maritime français n'y a guère été sensible : la ministre de l'écologie a donc été saisie de la question.
Au départ, notre mission ne devait durer que quelques mois, mais il s'est avéré que la question à traiter excédait largement celle de la propulsion des navires. Cela nous a conduits à travailler durant à peu près deux ans, en mettant en relation professionnels et administrations afin de créer un environnement favorable à l'utilisation du GNL comme carburant maritime. Nous avons ainsi été amenés à étudier les conditions objectives, réglementaires et financières, dans lesquelles fonctionne le secteur.
Le GNL n'est pas, en France, une success-story, pour la simple raison que, le prix du pétrole s'étant effondré, le gazole marin est devenu aussi peu coûteux que l'était antérieurement le fioul. Cela a sans doute été profitable aux entreprises – une étude du ministère a montré que les risques de faillite étaient sérieux, particulièrement pour les ferries –, mais cela a retardé la promotion du GNL, car les investissements nécessaires dans les navires et les installations de stockage à terre sont très lourds.
En 2013, le ministère a étendu le mandat de la mission aux secteurs routier et fluvial.
Le transport routier de marchandises représente 40 000 emplois : la flotte est composée de 250 000 camions – de plus de 3,5 tonnes – et de 200 000 tracteurs, appartenant pour une partie à des entreprises effectuant du transport en compte propre ; c'est un chiffre assez faible au regard du nombre de véhicules circulant en France. Toutes les normes techniques et réglementaires applicables au secteur sont d'origine européenne, alors que la concurrence internationale est extrêmement forte puisqu'une part importante du kilométrage réalisé dans la zone est le fait de non-résidents. De fait, les trajets au départ de la France ne représentent que 15 % du trafic international, et 0 % du transit : le camion étranger circulant sur notre territoire constitue donc un réel sujet d'intérêt.
Mais, si le nombre des véhicules concernés est relativement faible, le volume des émissions polluantes est, en revanche, considérable : selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le trafic des véhicules de plus de 3,5 tonnes – ce qui inclut les autocars – a produit 23 % des émissions françaises de NOx en 2011. De son côté, le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) estime que ce trafic a été à l'origine de 7,2 % des émissions nationales de CO2 en 2012. On constate ainsi que les politiques de réduction des émissions de polluants concernent un secteur stratégique ; à cet égard, il faut reconnaître que la profession est parfaitement au fait de la question et a proposé des solutions intelligentes, sans pour autant renoncer au carburant diesel qui reste dominant.
Bien que les avis demeurent partagés, notre rapport a procédé à un certain nombre d'évaluations de l'impact éventuel du recours au GNL en termes d'émissions polluantes. Si les chiffres relatifs au NOx ne sont guère probants, ils le sont bien plus pour le CO2, quand bien même, là aussi, des estimations très divergentes sont en circulation. Le volume de 25 % est souvent avancé, mais il ne concerne que la mesure effectuée entre le réservoir et la roue – l'hélice pour le maritime – ; or, s'agissant du CO2, ce qui importe, ce sont les émissions mesurées à partir du puits jusqu'à la roue ou l'hélice.
Afin d'arriver à définir une position française officielle, nous sommes parvenus à un accord entre les gaziers et l'ADEME et à définir une méthode commune de mesure des émissions de CO2 dues au transport, sachant qu'au sein de l'Union européenne chaque pays rencontre les mêmes difficultés. C'est là un point essentiel, qui fait d'ailleurs l'objet de l'une des recommandations de notre rapport.
Le recours au bio-GNL comme au bio-GNC constitue indéniablement une solution d'avenir, qui concerne un volume de production très important et permettrait de résoudre à la fois le problème des émissions de polluants et celui des émissions de CO2. Au demeurant, la mise en oeuvre de cette perspective théorique pose des questions d'arbitrages et d'équilibres ne relevant pas des travaux de notre mission.
Le rapport explore les pistes d'utilisation du GNL et du GNC, les vertus de ces deux gaz étant les mêmes dans leur usage en tant que carburant destiné aux véhicules. Pour sa part, l'investissement se décompose en deux sujets : celui du réseau de distribution, beaucoup moins coûteux pour le domaine terrestre que pour le secteur maritime, et celui des véhicules. Aujourd'hui, les véhicules adaptés à ces nouveaux carburants sont coûteux puisque fabriqués en très petites séries, à la différence des poids lourds ; par ailleurs, les aides ne concernent que les véhicules particuliers. À cet égard, notre questionnement est le suivant : si peu de véhicules sont concernés, leur construction n'en relève pas moins d'investissements d'entreprise ; il existe tout de même divers moyens de faciliter ce type d'investissements sans nécessairement recourir à la prime.
En ce qui concerne l'approche industrielle, 13 800 camions, soit 5,7 % du parc, et 20 000 tracteurs, soit 10 % du parc, ont été construits en 2014. À la différence des véhicules légers, il n'existe pas de constructeurs français ; en revanche, trois entreprises construisent des camions sur notre sol : Iveco, Renault Trucks – suédois depuis une quinzaine d'années – et Scania. Toutefois, la France est exportatrice nette de moteurs à gaz, puisque Iveco construit une part non négligeable de ces moteurs en France, dans son usine de Bourbon-Lancy : la France dispose donc d'un savoir-faire dans la construction de moteurs à gaz. Les données relatives aux emplois issus de ces activités nous proviennent des industriels eux-mêmes : environ 1 000 équivalents temps plein (ETP), dont 150 créations nettes.
Enfin, la filière GNL concerne tout ce qui relève de la cryogénie, ce qui excède le seul transport routier ou maritime, pour laquelle la France détient un indéniable savoir-faire industriel en développement, et, depuis deux ans, nos industriels s'y intéressent beaucoup plus, à l'instar du groupe Air Liquide. Je tiens à signaler qu'il existe dans notre pays un fort potentiel au sein du secteur du gaz, même si cela outrepasse le cadre du rapport. La technologie du moteur à gaz, qu'il soit comprimé ou liquéfié, est maîtrisée, ce qui signifie que nous n'avons pas de recherche et développement à faire, à l'exception du biogaz et, surtout, de l'hydrogène.