Intervention de Isabelle Le Callennec

Séance en hémicycle du 9 décembre 2015 à 15h00
Expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

…alors que cela devrait être votre priorité et la nôtre dans chacune de nos circonscriptions.

J’en reviens à votre proposition. Elle s’inspire largement d’une idée défendue depuis de longues années par une association dont chacun connaît ici l’engagement au service de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion : je veux parler d’ATD Quart Monde.

S’agissant des bénéficiaires, ils doivent être inscrits à Pôle emploi. Or, pour mémoire, seulement un tiers des chômeurs de longue durée perçoivent une allocation chômage. On peut donc imaginer que nombre d’entre eux ne sont plus inscrits à Pôle emploi. Dans l’esprit des responsables d’ATD, les intéressés pouvaient être bénéficiaires, ou pas, d’allocations, être ou ne pas être inscrits à Pôle emploi, être indemnisés ou non. L’article 2 restreint la cible et des amendements de nos collègues encore plus. Nous aurons un débat sur ce point.

Quelle que soit leur situation avant l’inscription à Pôle emploi, puisque c’est une condition sine qua non, il faudra confier leur accompagnement à des professionnels formés à l’insertion sociale et professionnelle, comme le prévoit l’article 4. L’exclusion du marché du travail va souvent de pair avec des difficultés connexes qui fragilisent un retour à l’emploi pérenne. Les formations, quand formation il y aura, devront, de mon point de vue, être suivies d’un taux de reclassement élevé, sous peine de provoquer de la déception voire de la frustration chez les personnes qui ont fait l’effort de se former. Il faudra assurément être vigilant sur ce point.

S’agissant des emplois, ils sont censés être « non couverts », sans se substituer à des emplois existants. Il doit donc s’agir d’emplois supplémentaires, qui ne sont pas proposés aujourd’hui mais qui répondent à un besoin non satisfait d’utilité sociale, étant entendu que, dans le dispositif, les personnes embauchées s’engagent à poursuivre leur recherche d’emploi et à accepter les offres raisonnables.

La question se pose tout de même d’une concurrence du dispositif avec les emplois aidés, notamment les contrats uniques d’insertion et contrats d’accompagnement dans l’emploi – CUI-CAE – du secteur non marchand. Dans mon territoire, de nombreuses entreprises ou associations qui participent de l’économie sociale et solidaire estiment soit que les besoins sont couverts par les contrats aidés déjà en cours, soit qu’elles ne sont pas assez structurées, en ressources d’encadrement ou en logistique, pour recruter davantage.

S’agissant du financement global, dans le projet initial d’ATD, le fonds « zéro chômeur de longue durée » devait permettre de mobiliser la dépense sociale économisée du fait de l’entrée en emploi des personnes embauchées, autrement dit les allocations chômage et les minima sociaux. C’était la grande originalité du dispositif. Or le transfert de cette non-dépense sociale vers le Fonds d’expérimentation territoriale que vous créez pour l’occasion n’est pas possible. Le financement sera somme toute classique – des emplois conventionnés par les collectivités locales volontaires et une ligne dans le budget de l’État –, sauf que rien n’a été voté en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2016.

J’ai bien entendu votre argument, monsieur le rapporteur, selon lequel la montée en puissance sera progressive et ne devrait pas peser sur les finances publiques en 2016, mais tout de même. Le redéploiement de moyens dévolus aujourd’hui aux contrats aidés paraît inéluctable. Si ce n’est pas l’option retenue, comment comptez-vous assurer un financement sécurisé et pérenne de ce dispositif ? Vous avez évoqué, madame la ministre, un engagement financier fort, sans en préciser le montant.

Nous nous interrogeons également sur la gouvernance du dispositif. La gestion du fonds d’expérimentation est confiée à une association administrée par un conseil d’administration dont la composition est précisée à l’article 3, ce qui va à peu près à condition que les membres siègent à titre bénévole. Ce sera l’objet d’un de mes amendements. En revanche, ce qui nous inquiète, c’est que ce conseil nommera un directeur général chargé du fonctionnement de ce fonds.

Mon inquiétude, monsieur le rapporteur, me pousse à vous poser une question : quelle part du fonds alimentera les frais de la structure ? Ne pensez-vous pas que chaque euro dépensé doit l’être au profit des bénéficiaires ? Nous si.

Sur les terres d’expérimentation, sur ces dix micro-territoires, des comités locaux piloteront le dispositif, identifieront les besoins et les emplois utiles et recevront les candidats pour identifier leurs motivations et leurs compétences. Des conventions seront passées avec les collectivités locales, Pôle emploi et l’État. Avez-vous prévu de lever l’obstacle juridique qui interdit à Pôle emploi de communiquer la liste nominative répertoriant les demandeurs d’emploi de longue durée ?

Enfin, puisque tout se jouera sur le terrain, ce qui est souhaitable, je réitère mes interrogations qui n’ont pas obtenu de réponses en commission. Quel sera le rôle des entreprises d’insertion par l’activité économique, celui des associations ou encore celui des agences d’intérim spécialisées dans l’insertion ? C’est un point majeur qui, s’il n’est pas traité par anticipation, engendrera inévitablement des résistances de la part des structures locales existantes.

En commission des affaires sociales, j’avais porté un vote d’abstention positif au nom du groupe Les Républicains. Si nous partageons l’objectif de lutte contre le chômage de longue durée et si nous sommes favorables aux expérimentations, nous nous interrogeons encore sur le ciblage des bénéficiaires, sur l’appétence à venir des entreprises et sur le mécanisme de financement et redoutons toujours les risques de complexité du dispositif. C’est, logiquement, en fonction des réponses que vous apporterez à nos questions et du sort que vous réserverez à nos amendements que nous nous positionnerons entre un vote d’abstention lucide et un vote positif mais vigilant.

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