Intervention de Christian Paul

Réunion du 14 janvier 2013 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Le présent projet nous invite à inscrire dans la loi le droit pour tous les Français, pour tous ceux qui s'aiment, de se marier et d'adopter. Il fait suite à plusieurs mois de débat public, à des travaux préparatoires, à d'innombrables auditions menées par les rapporteurs – je tiens à saluer tout particulièrement le travail de Marie-Françoise Clergeau, qui éclairera utilement nos débats.

J'indiquerai brièvement les principes qui guideront le groupe SRC dans l'examen de ce texte et les raisons qui nous conduiront à l'approuver.

L'ouverture du mariage à tous les couples est une question de justice : ce choix touchant à l'autonomie et à l'égalité des individus, il y va d'abord d'une exigence démocratique d'égalité.

En effet, le mariage n'est pas la consécration culturelle d'une entité naturelle, pas plus qu'il n'est limité à la sphère religieuse ou privée. À nos yeux, il s'agit d'une institution par laquelle l'État reconnaît le lien qui unit deux individus, lesquels demandent à la société de reconnaître l'existence et la valeur de leur engagement mutuel et de leur assurer la protection de la loi. Cette union est fondée sur le libre choix et le plus souvent, fort heureusement, sur l'amour. Nous nous plaçons ici dans le long sillage de générations de législateurs français qui ont voulu, depuis 1791, déterminer le cadre et les conditions de cette institution. Il nous appartient de le faire au terme d'un travail parlementaire approfondi dont nous sommes un maillon.

Nous le faisons avec d'autant plus de sérénité que la conception du mariage a fréquemment et profondément évolué au cours de l'histoire humaine. Nous le faisons avec tolérance puisque nous respectons les points de vue différents du nôtre dès lors qu'ils s'expriment sans outrance et sans violence. Nous le faisons en laissant parler la raison, puisque nous ne sommes pas les gardiens autoproclamés de la vérité mais les garants d'un processus d'émancipation de citoyens libres et égaux. C'est ce processus qui a conduit à l'adoption du divorce, à l'égalité des filiations, mais aussi aux lois sur la contraception et sur l'interruption volontaire de grossesse et, naturellement, à la dépénalisation de l'homosexualité, en 1982, puis au PACS, en 1999.

Ce soir, pour la première fois en France, avec retard par rapport à nombre de nos voisins, nous allons déterminer si deux individus de même sexe peuvent constituer un couple digne d'être protégé, reconnu et uni civilement.

Si nous votons cette loi, nous n'ôterons aucun droit, nous ne modifierons aucun engagement contracté, nous ne briserons aucun voeu prononcé. Il y a treize ans, le PACS a été conçu pour répondre à une aspiration véritable des couples de même sexe, qu'aucune entité juridique ne pouvait alors reconnaître ni protéger des risques de la vie. Je ne reviendrai pas sur la violence qui a animé nombre d'opposants à ce texte. Je sais simplement que depuis lors, de tous les horizons politiques, on lui rend hommage. Mais le PACS n'a pas vocation à remplacer le mariage. Les droits uniques que celui-ci octroie doivent pouvoir être étendus à chacun.

Le premier de ces droits est celui d'adopter. L'adoption est à la filiation ce que le mariage est au couple : la reconnaissance légale d'un lien familial choisi. Un enfant adopté est reconnu né de ses parents adoptifs par la loi. Cette fiction juridique n'altère en rien la réalité biologique de sa naissance ; elle reconnaît simplement à un couple le droit d'être ses parents en tous points. Cela relève du droit et leur impose les mêmes devoirs, en particulier celui de garantir sa santé, son éducation et son épanouissement.

Un couple homosexuel peut-il remplir ces devoirs ? C'est d'abord aux dizaines de milliers d'enfants élevés par des couples de même sexe que l'on a envie de le demander. Certains d'entre eux sont maintenant adultes. Ils liront le compte rendu de nos débats. Nombre d'entre eux ont vécu et grandi, comme l'a rappelé Marie-Françoise Clergeau, dans le silence et l'insécurité juridique. L'analyse de l'évolution de ces familles homoparentales, étendue aux dizaines de milliers d'autres enfants qui, sur d'autres continents, ont eu des parents légaux, montre qu'elles ne sont ni plus ni moins pathogènes que les autres. La façon de faire famille a profondément évolué en s'adaptant aux valeurs des sociétés humaines. Or nos valeurs, celles de notre Nation, n'autorisent aucune discrimination sexuelle ou de genre.

À nos yeux, sans être unanime, la France, la société française, est prête. Le Président de la République et les parlementaires de notre majorité se sont engagés sans ambiguïté, lors des élections présidentielle et législatives, à ouvrir le mariage civil et l'adoption aux couples de même sexe. Nous avions donc déjà choisi de voter ce texte. Il n'y a là ni improvisation, ni surprise, ni précipitation.

Le vote de ce texte fera partie des moments importants de cette législature. Si nous avons simultanément bien d'autres batailles à livrer, nous ne devons pas laisser reléguer cette loi au second rang. Notre pays est divisé par les inégalités ; à celle-ci, comme à beaucoup d'autres, il nous revient de mettre fin. Ce soir, nous pourrons dire, je l'espère, aux Français : « Vous êtes égaux en droits. » Nous voterons cette belle loi avec la fierté et la gravité que l'on éprouve lorsque l'essentiel est en jeu.

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