Il y a quelques semaines, notre pays a été confronté à la plus abjecte et la plus lâche des violences. Les attentats commis dans la nuit du 13 novembre ont frappé la capitale au coeur.
La riposte s'est organisée sous l'autorité du Président de la République, du Premier ministre, du ministre de l'Intérieur et de l'ensemble du Gouvernement. Mais la guerre contre le terrorisme sera longue, et nous savons qu'elle se gagnera sur le terrain. L'heure est à une action résolue du pouvoir exécutif, s'appuyant sur l'ensemble des forces de sécurité. L'état d'urgence permet d'ordonner les mesures exceptionnelles nécessaires.
Dans ce contexte particulier, quel doit être le rôle du législateur ? C'est une évidence : la loi ne suffira pas, à elle seule, à combattre le terrorisme. Mais je crois qu'elle peut permettre aux acteurs de terrain de protéger plus efficacement nos concitoyens, en adaptant le cadre de leurs interventions à la réalité de la menace.
Cette proposition de loi, présentée à l'initiative de nos collègues Bruno Le Roux et Gilles Savary, n'a pas d'autre ambition. Déposée il y a deux mois et préparée depuis le printemps, elle tire les leçons du risque terroriste accru pour l'organisation des déplacements quotidiens dans les transports en commun.
Si la sûreté des passagers des trains, bus ou métros constitue une priorité nationale depuis plusieurs années, l'histoire de notre pays, comme l'actualité la plus immédiate, font craindre que ces transports du quotidien ne soient le théâtre de nouveaux attentats. Il importe donc de doter les services de sécurité internes de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) des prérogatives qui leur manquent pour seconder utilement les forces de police.
Tel est l'objet de l'article 1er de cette proposition de loi : il autorise les agents des transporteurs, de la surveillance générale (SUGE) pour la SNCF et du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) pour la RATP, à procéder à l'inspection visuelle des bagages, à leur fouille et, éventuellement, à des palpations de sécurité. Il étend ainsi à ces deux services les facultés déjà reconnues aux professionnels des activités privées de surveillance, tout en simplifiant le régime d'habilitation applicable.
En contrepartie, l'article 2 organise le contrôle des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP.
L'article 3 élargit les conditions permettant aux agents de ces deux services d'exercer leurs missions « en civil ».
L'article 4 clarifie les conditions dans lesquelles les agents de police judiciaire peuvent constater certaines infractions et contraventions.
L'article 5 simplifie les règles de compétence territoriale des procureurs en matière de contrôles d'identité et de vérification des bagages à bord des trains.
En outre, en cohérence avec les dispositions de l'article 1er, l'article 6 autorise les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints à inspecter et à fouiller les bagages à main au titre de la police administrative ou de la police judiciaire, ce qui n'était pas prévu jusqu'à présent.
Certains s'étonneront peut-être que la proposition de loi comporte trois articles supplémentaires, réunis dans un titre II relatif à la lutte contre la délinquance et la fraude dans les transports. Il faut cependant rappeler que les services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP, aux termes de l'article L. 2251-1 du code des transports, ont également pour mission de « veiller à la sécurité des [...] biens [...] et [...] au bon fonctionnement du service », en liaison avec les agents verbalisateurs. N'oublions pas que la fraude coûte chaque année 300 millions d'euros à la SNCF et 100 millions d'euros à la RATP, et qu'il s'agit là de l'argent de tous les Français.
L'article 7 de la proposition de loi autorise ainsi explicitement les agents assermentés de l'exploitant du service de transport à constater par procès-verbal le délit de vente à la sauvette prévu par le code pénal.
L'article 8 ramène de dix à cinq le nombre de contraventions requises sur une période de douze mois pour entraîner la constitution du délit de « fraude d'habitude ».
Enfin, l'article 9 instaure un droit de communication auprès des administrations publiques afin de faciliter la recherche des adresses des contrevenants aux fins de verbalisation.
L'imbrication de ces différents sujets ainsi que les modalités d'élaboration de cette proposition de loi modifiant principalement le code des transports ont justifié que celle-ci soit renvoyée pour examen au fond à la commission du Développement durable, tandis que la commission des Lois s'est saisie pour avis de l'intégralité de ses articles. Deux rapporteurs – Gilles Savary, qui est présent parmi nous aujourd'hui, et moi-même – ont donc vocation à l'enrichir.
Ces neuf articles ne constituent, en effet, qu'un point de départ. J'entends vous proposer plusieurs amendements afin de renforcer et de compléter les mesures du texte initial.
Aux termes de l'un de ces amendements, en cas de refus d'une personne de se soumettre à l'inspection de ses bagages, à la fouille de ceux-ci ou à une palpation de sécurité, les agents de la SUGE et du GPSR pourront lui interdire l'accès au train, la contraindre à descendre de voiture ou à quitter la gare ou la station.
Je vous proposerai de lever toute ambiguïté quant à la notion de « bagage à main », afin de permettre à ces mêmes agents de procéder à l'inspection visuelle et à la fouille de tout bagage, y compris les sacs à dos, les sacs banane ou les casques de moto.
Je vous proposerai aussi que la SNCF et la RATP puissent solliciter des enquêtes administratives, dans le cadre déjà prévu par l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, afin de mieux contrôler certains membres du personnel recrutés pour exercer des fonctions sensibles ou affectés à de telles fonctions.
Je vous inviterai à préciser dans la loi que les peines d'interdiction de séjour prononcées par les juridictions répressives peuvent porter, entre autres, sur les réseaux de transport en commun.
Un amendement complémentaire vise à préciser que le manquement à l'obligation de demeurer à la disposition du contrôleur pendant qu'il rend compte à un officier de police judiciaire (OPJ) constituera désormais un délit. Un cas de fuite serait alors un délit flagrant, condition qui permet de mettre en oeuvre des mesures coercitives à l'encontre de l'auteur de l'infraction.
Enfin, pour prévenir le développement des « mutuelles de fraudeurs », je vous proposerai d'étendre le champ d'application de l'article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lequel prohibe l'ouverture de souscriptions publiques ayant pour objet d'indemniser des amendes prononcées par la justice en matière criminelle et correctionnelle.
Tel est, mes chers collègues, l'esprit dans lequel j'aborde la discussion de cette proposition de loi. Elle porte sur les transports publics et, bien que l'actualité nous pousse à intervenir dans d'autres domaines, j'invite chacun à demeurer dans ce cadre afin d'éviter des cavaliers législatifs qui exposeraient le texte à une censure constitutionnelle – il y en a quelques-uns parmi les amendements déposés. Dans les prochaines semaines, d'autres textes seront soumis au Parlement afin de compléter les moyens juridiques de nos forces de sécurité. Nous aurons alors tout loisir de discuter des propositions de chacun, ainsi que le Premier ministre s'y est engagé.
La possibilité nous est donnée d'avancer sans attendre s'agissant des transports en commun. Je crois utile de saisir cette occasion et d'apporter ainsi un peu plus de sécurité aux Français dans leurs déplacements.