Je voudrais rassurer nos collègues de l'opposition. En rédigeant le texte, nous n'avons obéi à aucun esprit de système : loin de chercher à contredire par principe leurs positions, nous nous en sommes beaucoup inspirés sur divers points, s'agissant d'un sujet délicat qui doit nous rassembler autant que possible.
Gardons-nous, au demeurant, de laisser croire à nos concitoyens que des mesures législatives suffiront pour approcher le « risque zéro » dans les transports. Il faudra aussi mobiliser beaucoup de moyens, d'abord financiers, pour pouvoir recruter des personnels supplémentaires et installer des dispositifs – même si nous ne partons pas de rien : il y a déjà 510 caméras dans la seule gare du Nord, surveillée jour et nuit, et nombre de gares françaises sont déjà équipées. Toutefois, cela n'a pas empêché les agressions.
J'aimerais répondre précisément à nos collègues sur plusieurs points afin de leur montrer que nous ne divergeons pas quant au fond.
Vous proposez d'abaisser de dix à trois le nombre de récidives permettant de caractériser le délit d'habitude en matière de fraude. En cas de recours, une telle mesure serait très certainement invalidée pour non-respect du principe de proportionnalité. En effet, on a vite fait de récidiver trois fois en douze mois : un jour on a oublié son titre de transport, un autre jour on prend très vite le train sans ticket parce que le temps manque, une autre fois la machine s'enraye. Le chiffre de cinq récidives me paraît donc être un minimum. Pour pouvoir parler de fraude d'habitude, il faut plusieurs occurrences. J'ai d'ailleurs déposé un amendement tendant à comptabiliser désormais dans les cas pris en considération ceux où l'on a payé l'amende forfaitaire après le contrôle, puisque la première intention du voyageur était bien de ne pas payer.
Vous avez également déposé un amendement sur l'usurpation d'identité. Celle-ci est, par définition, très difficile à vérifier. L'un des gros problèmes auxquels se heurtent la SNCF et la RATP est précisément l'impossibilité pour leurs agents de procéder à une vérification d'identité, prérogative de l'officier de police judiciaire. L'amendement CL30 rectifié de votre rapporteur pour avis déplace le problème en jouant sur le moment où un individu se refuse au relevé d'identité. Actuellement, l'agent de sûreté ne peut rien faire pour retenir cette personne en attendant l'officier de police judiciaire ; or seules 43 % des demandes d'ordre adressées aux OPJ aboutissent. Aux termes de l'amendement CL30 rectifié, le fait de se soustraire à l'obligation de demeurer à la disposition du contrôleur constitue un délit ; il y aura alors flagrant délit, ce qui permettra à l'agent de sûreté, comme à toute personne, de retenir l'individu.
Nous nous situons ici sur la « ligne rouge » entre les prérogatives de l'OPJ et celles des agents de sûreté. Mais si nous ne remédions pas à ce problème, nous aurons fait bien peu – à moins de faire entrer tous les agents de sûreté de France et de Navarre dans la police judiciaire ! J'ai travaillé sur ce point avec le procureur Molins, entre autres. Tout le monde convient qu'il y a là une faiblesse. J'ai déposé un autre amendement qui limite à une heure la durée de rétention dans l'attente de la réponse de l'OPJ. La transition de l'agent de sûreté à l'OPJ est cruciale, car elle ménage le passage au contrôle et à la vérification d'identité pour lesquels l'agent de sûreté n'est pas habilité.
En ce qui concerne le criblage, nous sommes tout à fait d'accord avec l'esprit de votre amendement. Plusieurs amendements ont été déposés à ce sujet, par vous et par nous. Le ministère de l'Intérieur approuve lui aussi entièrement le principe, mais demande une analyse plus précise car nous manquons de recul. Il est essentiel que l'on puisse habiliter les personnels entrants, mais aussi ceux qui sont déjà en fonction – on a découvert à l'occasion des derniers attentats la radicalisation d'un agent de la RATP. Mais la trame du tamis n'est pas encore précisée. Actuellement, la SNCF et la RATP ont tendance à confier au ministère de l'Intérieur la gestion de leurs ressources humaines : c'est excessif. Nous devons donc affiner l'approche. Peut-être le Gouvernement nous demandera-t-il d'ailleurs en séance de différer l'application de cette disposition, car il travaille sur ce sujet à un texte qui concerne, au-delà des transports publics, tous les services et points sensibles du territoire.