Nous pensons également que l'action des industriels étatiques pourrait encore gagner en efficacité si un travail d'harmonisation des systèmes d'information mobilisés dans le cadre du MCO était conduit. D'après les informations que nous avons recueillies, 40 systèmes d'information différents sont aujourd'hui utilisés pour piloter le seul MCO aéronautique. Ceci est source d'inefficacité, ne serait-ce qu'en termes de temps passé à retranscrire les données d'un système à l'autre, sans évoquer les potentiels risques d'erreur dans cette retranscription.
Enfin, il est sans doute nécessaire de veiller sérieusement aux conséquences de la réglementation européenne REACH. Celle-ci oblige notamment les industriels à recenser et établir les risques potentiels que les substances chimiques utilisées représentent pour la santé humaine et pour l'environnement. Or la chaîne du MCO est grande consommatrice de substances chimiques. Aussi REACH pourrait-elle avoir un impact dans la conduite concrète des opérations de maintenance, en interdisant l'utilisation de certains produits. Elle obligerait donc les acteurs du MCO à trouver des solutions alternatives mais tout aussi efficaces en termes d'entretien, et donc potentiellement plus coûteuses.
Le cinquième et dernier axe de recommandations concerne le « partage du fardeau » opérationnel au niveau européen. Suite à l'attentat du musée du Bardo en Tunisie, M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, avait déclaré que : « L'armée française sauve très souvent l'honneur de l'Europe. » et que « Sans [elle], l'Europe serait sans défense. » En conclusion, il affirmait : « Je suis en faveur d'une prise en charge plus collective de l'effort de défense […] de la France. »
Nous ne pouvons qu'abonder dans son sens, mais il est temps de passer des paroles aux actes. En effet, la France ne peut plus supporter davantage les injonctions contradictoires qui lui sont adressées, directement ou indirectement.
La première est d'assurer la sécurité des Européens, y compris à l'extérieur des frontières de l'Union européenne, ce qui suppose des dépenses importantes. Une telle exigence n'est évidemment pas formulée de la sorte à notre pays. Mais dans les faits, une seule armée est actuellement présente, avec les moyens suffisants, sur les « points chauds » qui représentent une menace potentielle pour l'Europe. Car en projetant ses troupes, la France ne protège pas seulement les Français, elle assure la protection de l'ensemble de ses partenaires européens et de leurs populations.
La seconde injonction, celle-ci formulée très directement et officiellement, est de respecter scrupuleusement les règles budgétaires. Il est vrai que ces règles ont été librement et souverainement consenties. Mais il est tout aussi vrai que leur observance peut faire oublier les réalités géostratégiques et sécuritaires. Elle conduit également à ignorer les coûts que la protection des Européens suppose, coûts que la France assume largement à l'extérieur de l'Union.
Ce partage du fardeau peut passer par différents canaux.
Le premier est une plus grande implication de nos partenaires au niveau opérationnel. C'est la démarche poursuivie par notre pays suite aux attentats du mois de novembre, sur le fondement de l'article 47-2 du Traité sur l'Union européenne. Une délégation de notre commission s'est récemment rendue à Berlin pour rencontrer nos collègues du Bundestag. Il est clair que la demande de mise en oeuvre de cet article a produit des effets. Nous l'avions constaté avec les décisions prises par les Britanniques. Nous l'avons également vu suite au vote du Bundestag. Les effectifs allemands seront renforcés au Mali ; par ailleurs, l'Allemagne participera aux vols de reconnaissance en Syrie. On peut juger cette participation modeste, elle n'en demeure pas moins intéressante. En effet, au-delà des moyens mobilisés, elle témoigne d'une prise de conscience de nos homologues allemands sur la nécessité d'un plus engagement plus fort.
Le deuxième canal est financier, et deux solutions peuvent être envisagées. Tout d'abord, des clés de répartition pourraient être élaborées afin que nos partenaires financent une partie de la charge budgétaire des OPEX présentant un intérêt pour la sécurité de l'Europe. Il existe une autre solution moins indolore pour eux, qui sont également soumis à des tensions sur leurs finances publiques. Il s'agirait de la neutralisation, au moins à titre provisoire, d'une partie des coûts relatifs aux OPEX pour le calcul des règles de déficit excessif imposées par le Pacte de stabilité et de croissance.
Le troisième canal a trait aux mutualisations possibles, qui pourraient être recherchées dans deux domaines. Tout d'abord, pourraient être étudiées les possibilités de mutualisation du MCO pour les programmes européens menés en communs. Ceci permettrait de soulager la France à la fois au niveau budgétaire, mais également au niveau de l'organisation du MCO en diminuant la surcharge de la chaîne de soutien. Par ailleurs, les États membres pourraient progresser dans l'harmonisation des règles de certification de leurs rechanges afin de mutualiser certains stocks. Un pays non-engagé pourrait dès lors fournir des rechanges pour lesquelles une pénurie ou une tension serait constatée.
La solidarité européenne trouverait alors concrètement à s'exprimer, la France ne pouvant et ne devant rester seule dans les combats qu'elle mène aussi pour la sécurité de des Français, mais également de l'Europe et des Européens.
Telles sont les lignes directrices qui ressortent de nos travaux. Pour terminer je voudrais dire le plaisir que j'ai eu à travailler avec Marie Récalde avec qui nous avons travaillé dans un esprit d'ouverture et de franche collaboration.