Une précision préalable : mon exposé n'exprimait pas une opinion personnelle, mais retranscrivait l'avis de l'Académie mentionné dans les documents que j'ai cités, qui ont été adoptés en assemblée générale à l'unanimité.
S'agissant des sciences humaines et sociales, elles relèvent, au sein de l'Institut de France, de l'Académie des sciences morales et politiques. L'Académie des sciences n'a pas compétence pour intervenir dans ce domaine.
Concernant la situation des jeunes chercheurs à l'étranger, il faut prendre en considération qu'il y a toujours eu des flux croisés dans la recherche internationale, les personnes changeant de pays pour une raison ou pour une autre. Le jour où je verrai un professeur de cinquante ans démissionner de l'EPFL pour prendre un poste en France, non pas pour des motifs personnels comme un divorce, mais pour poursuivre une recherche, j'estimerai que la situation est redevenu favorable. La France a fourni à l'EPFL, en chimie, ses deux derniers professeurs « ordinaires », comme l'on dit en Suisse, de cinquante ans, mais aucun professeur en chimie de l'EPFL n'a démissionné pour venir occuper une position dans une université française ou au CNRS. Je crois que l'inquiétude de mes confrères de l'Académie des sciences vient de ce qu'ils sentent bien qu'on n'a pas atteint ce genre d'équilibre. Il faut en particulier prêter attention aux talents dans la tranche d'âge 35, 40, 50 ans, qui regroupent des brillants jeunes chercheurs et ce qu'on appelle des jeunes seniors, et qui sont essentiels à la recherche.
Je partage votre point de vue lorsque vous dites qu'il n'est pas raisonnable de profiter d'un flux financier pour embaucher des gens dont on pense qu'on ne les embaucherait pas au CNRS. Il y a là quelque part une irresponsabilité ; c'est une dérive interne, traduisant certains comportements, à laquelle il faut faire attention. L'éthique même des chercheurs doit les conduire à ne recruter que des personnes dont ils pensent qu'elles peuvent les remplacer.
Le budget de l'ANR a culminé vers les 850 à 900 millions d'euros, et se trouve réduit à 540 millions pour l'année prochaine. Cela correspond tout de même à une diminution de 360 millions d'euros, même si je concède que la réduction n'atteint pas la moitié.
Quant au ratio « masse salariale rapportée à la dotation d'État », sa valeur en 1960 ne tenait pas compte des financements de la recherche en provenance de l'industrie française, qui était florissante à l'époque, et sous-traitait une bonne partie de ses recherches aux laboratoires académiques. Les bons chercheurs acceptaient des contrats sur des projets ciblés en imposant une taxe de 30 % afin de disposer par ailleurs de moyens pour faire autre chose. Les industriels jouaient le jeu car ils y voyaient le moyen d'accéder à des personnes de talents.
La discussion du ratio pourrait être affinée avec des statistiques sur l'évolution des effectifs au niveau central ou au niveau régional mais ce serait entrer dans les polémiques.