M. François Mitterrand aurait dit de M. Jacques Attali qu'il avait quinze idées par jour, mais qu'il ne s'en réalisait pas plus d'une par quinzaine. Je ne sais si vos idées sont aussi nombreuses, monsieur le ministre, mais elles sont si libérales qu'elles font beaucoup de dégâts ! Je pense à votre dernière idée concernant les métiers sans qualification : vous souhaitez ouvrir portes et fenêtres pour créer un courant d'air et libérer l'activité mais, avec une telle approche et sans qualification suffisante des artisans, les portes et les fenêtres tomberont toutes seules ! Quelles en seront les conséquences pour les maîtres d'apprentissage ? Pourront-ils continuer à transmettre leurs savoir-faire comme ils le font ?
D'autre part, la mesure de suramortissement des investissements productifs prévue dans la loi du 6 août 2015 ne concerne malheureusement pas les coopératives, qu'elles soient agricoles, artisanales, maritimes ou de transport. Il en résulte indiscutablement une discrimination peu acceptable, notamment pour les coopératives agricoles – hors CUMA – pour lesquelles, en cas d'extension, la mesure représenterait un coût d'environ 40 millions d'euros. Prévoyez-vous une mesure de remplacement ? Le projet de loi de finances pour 2016 contient déjà un amendement du Gouvernement visant à étendre le suramortissement aux CUMA. Qu'en sera-t-il des autres coopératives agricoles, que la Commission européenne a déjà déclarées inéligibles au CICE au motif que ce dispositif est incompatible avec leur statut fiscal ?
Ensuite, certaines organisations syndicales s'inquiètent du transfert de la gestion des garanties publiques de Coface à la Banque publique d'investissement. Si j'en crois la lettre ouverte cosignée par la CGT et la CGC, la concertation préalable n'a pas eu lieu. Leurs inquiétudes portent en premier lieu sur la défense de Coface, ancienne compagnie publique désormais privatisée et cotée en Bourse, et surtout sur l'efficacité de ce transfert. On peut en effet s'interroger, en l'état actuel des choses, sur l'absence de compétences en matière d'expertise sur les pays – le « risque pays », de BPIfrance export, qui est de création assez récente, même si vous voulez en valoriser l'expérience. En outre, il pourrait résulter de ce transfert des conséquences sociales pour le personnel de Coface, et même une forme de « régression sociale », disent les syndicats précités, à laquelle vous serez sans aucun doute très sensible. Enfin, quel sera le rôle de l'Agence française de développement en matière d'expertise, et correspondra-t-il à sa vocation historique ?
Selon le rapport du comité de suivi du CICE – dont je ne sais au juste s'il relève de votre compétence mais, comme vous touchez à tout, je tente ma chance –, la consultation des représentants du personnel se résume à un « exercice fréquemment formel et décevant ». « Après deux ans », poursuit ce rapport, « la consultation du comité d'entreprise sur le CICE prévue par la loi n'est pas systématiquement proposée par les entreprises ». Pouvez-vous apporter une esquisse de réponse à cette lacune notable afin que les comités d'entreprise aient leur mot à dire sur l'utilisation du CICE ?
Enfin, ne pensez-vous pas qu'il serait temps que les États participant à la COP21 se penchent sur le rôle des marchés financiers et sur les comportements prédateurs des grandes sociétés multinationales et autres fonds de pension, dont les intérêts sont contraires aux objectifs visés ? Êtes-vous prêt à engager un bras de fer afin que ces entreprises pensent au devenir de la planète plutôt qu'à leurs intérêts immédiats ?