Intervention de Jean-Pierre Door

Réunion du 9 décembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door, rapporteur :

Madame la présidente, mes chers collègues, depuis 1947 et la loi Morice, les fonctionnaires de l'État, territoriaux et hospitaliers bénéficient d'un régime particulier pour leur régime obligatoire d'assurance maladie. En 1948, ce fut au tour des étudiants de disposer d'un régime autonome.

La gestion des prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité est déléguée à des mutuelles. Cette habilitation est obligatoire et exclusive s'agissant des mutuelles de fonctionnaires de l'État et des étudiants. En échange de cette gestion, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) leur verse des remises de gestion qui correspondent à leurs frais de gestion administrative.

Au total, ce sont 8 millions d'assurés qui sont concernés par cette gestion pour des remboursements qui s'élèvent à presque 8 milliards d'euros. Quant aux remises de gestion versées par la CNAMTS, leurs montants sont loin d'être négligeables : presque 268 millions d'euros pour les mutuelles de fonctionnaires et 90 millions d'euros pour les mutuelles étudiantes, soit un total de 358 millions d'euros.

Ces régimes spécifiques, créés après-guerre, présentent des dysfonctionnements : le coût de gestion des prestations servies par ces mutuelles est important et a été longtemps supérieur à ceux de la CNAMTS ; la qualité de leur service s'est dégradée pour certaines d'entre elles ; et s'agissant du régime propre aux étudiants, les règles sont inadaptées à leur parcours. Un autre défi attend les mutuelles : la généralisation des contrats de complémentaire santé, prévue par la loi du 14 juin 2013, qui risque d'entraîner une démutualisation de leurs assurés.

C'est pourquoi la Cour des comptes, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) se sont alarmées de cette situation. Leurs travaux concluaient à la nécessité de faire évoluer ces régimes et de les rationaliser. C'est dans ce contexte que la MECSS a choisi de traiter cette question.

En premier lieu, les mutuelles affichent des coûts de gestion conséquents. En 2011, le rapport de l'IGAS et de l'IGF sur les coûts de gestion de l'assurance maladie soulignait que les mutuelles de la fonction publique de l'État présentaient des coûts supérieurs à ceux de la CNAMTS. À titre d'exemple, le coût de gestion par bénéficiaire était de 51,10 euros pour la MGEN, de 63,79 euros pour la MFP, alors qu'il était de 43,67 euros pour la CNAMTS.

Même si les comparaisons avec la CNAMTS sont difficiles en raison de périmètres différents, la productivité de ces mutuelles a longtemps été moindre. En 2011, la Cour des comptes estimait qu'un agent de la CNAMTS gérait 2 254 bénéficiaires, tandis qu'un agent de la MGEN en traitait 1 269. Le taux de dématérialisation, même s'il progresse, est inférieur à celui de la CNAMTS, qui s'élève à 91 %.

La part des dépenses liées à des investissements informatiques pèse. S'agissant de la MGEN, sur les 51,10 euros de coût de gestion, la part correspondant au système d'information est de 11 euros.

Par ailleurs, jusqu'à ces dernières années, peu de mutuelles avaient fait le choix de la mutualisation de leurs systèmes d'information.

En deuxième lieu, la qualité du service s'est dégradée.

Le régime étudiant concentre toutes les critiques et particulièrement La mutuelle des étudiants, la LMDE. Le Défenseur des droits s'est ému de cette situation et, après avoir lancé un appel à témoignages, il a dénoncé devant la mission un risque de rupture de l'accès aux droits sociaux pour les étudiants.

En effet, l'affiliation des étudiants est tardive, pouvant atteindre presque une année, ce qui entraîne des difficultés pour délivrer une carte Vitale. Les étudiants doivent alors faire l'avance de leurs dépenses de santé. S'agissant de la gestion des prestations, le délai de remboursement est très long, pouvant aller jusqu'à un an. Quant à l'accueil, il est désastreux. S'agissant de la LMDE, en 2013, un appel téléphonique sur quatorze avait une chance de recevoir une réponse, et le stock de courriers non traités était impressionnant – 300 000 lettres étaient en souffrance en mars de la même année.

Confrontées à ces difficultés, les mutuelles ont commencé à évoluer.

Tout d'abord, un mouvement de concentration a commencé à s'opérer. Les mutuelles importantes restructurent leur réseau. Entre 2005 et 2015, deux mutuelles de fonctionnaires de l'État ont fusionné, trois mutuelles de fonctionnaires territoriaux ont fermé et leurs assurés ont été intégrés au régime général.

La LMDE, en grande difficulté financière, a confié à la CNAMTS la gestion des droits et des prestations en nature de ses assurés, conservant l'affiliation des étudiants et sa mission de prévention.

Ensuite, dans un contexte budgétaire contraint, ces mutuelles sont appelées à participer aux efforts de redressement des comptes de la Sécurité sociale. La CNAMTS a ajusté leurs remises de gestion. Pour les mutuelles de fonctionnaires, les remises de gestion diminueront de 15 %. Les remises de gestion unitaire passeront ainsi de 44 euros en 2014 à 37 euros en 2017. Il en est de même pour les mutuelles étudiantes, dont les remises de gestion unitaires passeront de 50 euros en 2014 à 46 euros en 2017.

Cependant, il est primordial que les mutuelles améliorent encore leurs coûts de gestion.

C'est pourquoi, dans cette logique de rationalisation, la CNAMTS propose de nouer des partenariats avec ces mutuelles, qui vont de l'intégration complète à l'utilisation de son système d'information.

De petites mutuelles ont fermé et les assurés ont été repris par le régime général. D'autres ont fait le choix d'une gestion partagée : les mutuelles conservent alors l'affiliation et l'accueil, tandis que la liquidation des prestations est assurée par la CNAMTS, via des caisses primaires.

Enfin, les mutuelles peuvent utiliser Infogérance, le système d'information de la CNAMTS. La mutuelle sous Infogérance bénéficie alors du système d'information de la CNAMTS, seule l'interface étant adaptée à ladite mutuelle. Comme le relève la Cour des comptes, ce système reste néanmoins onéreux pour la CNAMTS, puisqu'il n'est facturé qu'au coût marginal, soit 2,10 euros, alors que les mutuelles continuent à bénéficier de remises de gestion.

Alors que la MECSS menait ses travaux, le Gouvernement a proposé un nouveau cadre juridique pour ces mutuelles dans le cadre du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) pour 2016.

L'article 39, dans sa version initiale, modifiait le périmètre des délégations de gestion des mutuelles et supprimait les remises de gestion. Pris sans concertation, ce dispositif risquait de nuire au monde mutualiste. Le Gouvernement a donc clarifié la rédaction de cet article en précisant que les mutuelles seraient habilitées à gérer la prise en charge des frais de santé des assurés. Plusieurs amendements parlementaires ont permis de réaffirmer le principe de versement de remises de gestion en échange de ces prestations.

À la suite de l'adoption de cet article, il n'y a plus eu lieu pour la MECSS de formuler des recommandations. Je déplore ce manque de concertation. La MECSS sera néanmoins attentive au contenu des décrets qui seront pris en application de l'article précité, devenu article 59, et procédera à une nouvelle audition sur ce sujet le moment venu.

La mission souhaite également que soit mise en place, pour l'ensemble des mutuelles gérant le régime d'assurance maladie obligatoire, une grille référentielle, qui permettra de comparer leurs coûts de gestion grâce à plusieurs indicateurs : masse salariale, coût des systèmes d'information, patrimoine immobilier et valorisation de ce dernier, etc.

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