Intervention de Jean-Pierre Le Roch

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 15h00
Abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Le Roch :

…dont près de 144 000 décrocheurs.

La suppression des allocations familiales pour les parents d'élèves absentéistes a surtout valu par son effet d'annonce sécuritaire, et l'inefficacité de cette mesure n'est donc pas à prouver. Sans surprise, comme ce fut le cas en Angleterre, ces dispositions punitives n'ont eu aucun impact sur le taux d'absentéisme scolaire, qui continue de progresser. En France, alors qu'il concernait 14 % des élèves des lycées professionnels en 2009-2010, il en touchait 15 % en 2010-2011. Le pourcentage d'élèves absentéistes augmente également dans les lycées d'enseignement général et technologique, ainsi que dans les collèges.

Cette mesure n'est pas seulement inefficace : elle est aussi injuste. En dépossédant une famille entière d'aides sociales, elle prive l'ensemble des enfants scolarisés des conditions adéquates à la réussite scolaire, alors même que dans ce type de situation, le lien familial devrait au contraire être conforté et amélioré. La stigmatisation de toute une famille est insupportable.

Par ailleurs, les réalités du terrain ont montré que ces dispositions étaient inadaptées, dans la mesure où une sanction automatique ne peut tenir compte des situations individuelles. Cette mesure punitive échoue à inciter les parents en perte d'autorité à obliger leurs enfants absentéistes à aller à l'école.

D'autre part, l'autorité parentale ne peut expliquer, à elle seule, l'absentéisme des élèves dont les familles rencontrent des difficultés financières ou psychosociales. L'orientation par l'échec, les difficultés des élèves dans leur scolarité, les climats scolaires détériorés sont autant de causes à endiguer. L'absentéisme scolaire reste donc un défi, qu'il nous faut affronter dans l'intérêt des jeunes, des familles et de la société.

Il ne s'agit pas de mener une politique laxiste vis-à-vis de l'absentéisme scolaire. Les responsables légaux de l'élève absentéiste seront toujours dans l'obligation de faire connaître sans délai à la direction d'établissement les motifs d'une absence. De même, la direction d'établissement sera toujours dans l'obligation de saisir l'inspection académique, lorsqu'un élève cumulera plus de quatre demi-journées d'absence par mois. Ce signalement sera suivi d'un avertissement rappelant les sanctions applicables et présentant les dispositifs d'accompagnement parental existants. Il s'agit donc, tout au contraire, de permettre à l'école d'exercer sa mission essentielle, qui est de garantir l'égalité des chances.

Le plan de lutte contre le décrochage scolaire, présenté au début du mois de décembre, prévoit de mobiliser l'ensemble des acteurs et de structurer leur action, afin d'enrayer l'absentéisme et de prévenir les risques de décrochage. L'objectif est de raccrocher 20 000 jeunes en 2013, puis 70 000 en 2017. Pour ce faire, plusieurs éléments doivent être favorisés : l'accompagnement, la formation, l'accès à l'information et le ciblage des filières professionnelles disposant de places disponibles.

Par ailleurs, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République entend rénover le système d'orientation et favoriser l'insertion professionnelle, tout en assurant aux professeurs une formation initiale et continue, pour les préparer notamment à ces situations d'absentéisme.

Même si l'institution scolaire doit prendre toutes ses responsabilités dans la lutte contre l'absentéisme, le rôle des parents est essentiel. La proposition de loi de Mme la sénatrice Cartron ne se contente pas d'abroger les dispositifs prévus par les lois de 2006 et de 2010 : elle crée parallèlement une nouvelle procédure d'accompagnement des parents en cas d'absentéisme scolaire. Si le manque d'assiduité persiste de manière importante, le directeur de l'établissement d'enseignement pourra réunir la communauté éducative, afin de proposer aux parents une aide adaptée et contractualisée. Ce nouveau dispositif permettra de suivre précisément l'évolution de la situation de l'élève. Les solutions proposées seront choisies en adéquation avec le problème rencontré, qu'il soit d'ordre pédagogique, qu'il relève de l'orientation ou qu'il soit de nature sociale et familiale. Les dispositifs d'aide à la parentalité proposés par les collectivités locales pourront également être mobilisés.

À une mesure inefficace, injuste et inadaptée, la majorité préfère donc un projet global, prenant en compte l'intérêt des jeunes et des familles, un projet de refondation de l'école, accompagné de solutions individuelles en phase avec les réalités du terrain, pour garantir à tous les enfants de la République un avenir professionnel et leur permettre d'exercer leur citoyenneté.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à voter l'abrogation de la loi Ciotti. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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