Mesdames et messieurs, merci beaucoup de nous avoir donné l'opportunité d'échanger avec vous aujourd'hui. Dans l'esprit de la COP21, nous sommes évidemment désireux de consommer moins et de consommer mieux. Il n'est plus question, pour les pétroliers, d'être climato-sceptiques. Pour ma part, je considère qu'il faut engager des changements pour contribuer à l'amélioration de la qualité de l'air et à la limitation des émissions.
Nous avions déjà engagé une action en ce sens, entre 1997 et 2000, avec le programme « Auto-Oil II » dont l'objectif était de définir un cadre pour différentes options de réduction des émissions, portant sur le coût, l'efficacité scientifique et la transparence.
Dans ce propos liminaire, j'aborderai quatre sujets : le défi climatique et la baisse de consommation prévue, qui devrait entraîner une importante réduction des émissions ; le défi de compétitivité pour nos industries, notamment nos raffineries ; la fiscalité et ses impacts potentiels ; enfin, un petit mot sur le rôle des biocarburants.
Premièrement, la réponse au défi climatique, qui est lié à la problématique de la qualité de l'air.
On s'est engagé avec Bercy sur les neuf solutions industrielles qui ont été définies en mai 2015 et répondent désormais au nom générique d'« Industrie du futur ». Dans ce cadre, le thème de la mobilité écologique rassemble, notamment, les projets liés à la réduction de la consommation des véhicules jusqu'à 2 litres aux 100, dont nous avions beaucoup parlé avec nos collègues de l'industrie automobile.
Les émissions de CO2 des véhicules légers neufs ont déjà beaucoup baissé, et cette tendance va se poursuivre : moins 1 % jusqu'en 2007, pour atteindre 160 g par km ; moins 4 % par an à compter de 2008, pour atteindre 118 g par km en 2013. Et comme vous le savez, l'objectif de 2020 est de 95 g, et celui de 2025 de 75 g par km.
Nous avons rencontré nos collègues énergéticiens pour essayer de voir ce que la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) signifiait pour nous, pour nos industries, nos raffineries, et pour la consommation en France. Nous continuons à travailler avec le Gouvernement sur le sujet, mais je peux vous donner les grandes tendances qui se dessinent.
La demande en énergie dans les transports va baisser d'environ 20 %, et la demande en carburant pétrolier d'origine fossile va baisser de 30 %. Il y a bien sûr des incertitudes et en tant que pétroliers, nous ne contrôlons pas tout. Malgré tout, si l'on tient compte de l'évolution des véhicules, ce chiffre nous paraît réaliste. Cela représente environ 10 millions de tonnes par an de produits, et essentiellement de gazole. Nous aborderons un peu plus tard, à votre demande, la question de la fiscalité. Mais cette étude a été lancée même avant que l'on ne parle du rattrapage de celle-ci.
Quoi qu'il en soit, on assiste à une stagnation de la consommation d'essence et à une forte baisse de la consommation du diesel pour les véhicules légers. Reste la problématique du transport poids lourds, que l'on évoquera sans doute séparément.
Il y aura de plus en plus de véhicules électriques en milieu intra urbain. Par ailleurs, à l'horizon 2030, une voiture sur deux devrait être un véhicule hybride rechargeable – idéal pour faire 60 ou 80 km par jour pour vous rendre au travail avec le moteur électrique, et pour partir plus loin, par exemple en vacances, avec le moteur thermique. Cela conduira à une très forte baisse de la consommation. Le phénomène nous paraît inéluctable. Et tous nos échanges avec les constructeurs automobiles vont dans le même sens.
J'en viens aux biocarburants. L'objectif du Gouvernement est de porter à 15 % la part de l'utilisation des énergies renouvelables dans les transports à l'horizon 2030, et à 10 % à l'horizon 2020.
Mais la situation est un peu compliquée. Récemment, l'Europe a limité l'introduction de bio dans les carburants à un pourcentage de 7 % – grâce à la France, semble-t-il. Et pour le moment, on n'ira pas plus loin.
Par ailleurs, l'Institut français du pétrole-Énergies nouvelles (IFP-En) – dont nous avons vu le président, Monsieur Didier Houssin – a engagé des études sur l'utilisation des biocarburants de deuxième génération. L'objectif est louable, mais il n'y a même pas de pilote en place !
Voilà pourquoi, en tant que pétroliers, nous considérons qu'il sera difficile de mettre au point des processus industriels relativement économiques pour parvenir à un pourcentage de 15 % – ce qui suppose 8 % de biocarburant de deuxième génération. Dans ce domaine, il faut faire attention aux hypothèses sur lesquelles on se base.
Ensuite, on prévoit une augmentation de 5 à 6 % de l'utilisation du biogaz, GNV ou GPL, certaines flottes privées de transport par camions étant appelées à se développer. Je pense que ce sont les politiques qui décideront, ou non, du rythme de cette augmentation.
Enfin, la part de l'électricité devrait rester assez faible, à 1,5 %.
L'important, pour votre commission, est de savoir que l'on va accompagner, sans autre mesure fiscale, le mouvement qui est prévu en termes de transition énergétique. Cela va se traduire par une baisse de consommation de 30 %, essentiellement du gazole. Voilà le premier message que je voulais faire passer.
Deuxièmement, le défi de compétitivité pour le raffinage et la logistique pétrolière.
Je rappelle qu'en France l'industrie pétrolière emploie environ 200 000 personnes. Mais nous y associons souvent nos collègues de la pétrochimie, qui lui est fortement liée.
Il existe actuellement huit raffineries en métropole, plus une en Martinique. Le secteur a fait l'objet d'une forte rationalisation, qui s'est traduite par de nombreux problèmes politiques, sociaux et humains. En effet, au cours de ces cinq dernières années, les marges des raffineries étaient très déprimées. Il faut dire qu'en Europe, la tendance globale de la demande est à la baisse, alors même que la concurrence est à la hausse.
Cette concurrence vient de trois endroits et surtout, maintenant, des Etats-Unis. Ces derniers ont complètement transformé leur modèle pétrochimique et de raffinage. Ils étaient à peu près dans la même situation que nous, avec des raffineries un peu vieillissantes et des rationalisations. Mais depuis deux ans, ils ont accès à un combustible trois fois moins cher que celui dont on dispose en Europe, à savoir le gaz de schiste, et ils réinjectent des milliards de dollars dans leur outil pétrochimique. Malgré leur niveau de consommation, ils s'approchent de l'indépendance énergétique. Ils arrivent non seulement à satisfaire leurs propres besoins, mais encore à exporter du gazole vers l'Europe et les ports français. En outre, ils vont exporter massivement du polyéthylène et du polypropylène, produits chimiques qui ne sont pas des carburants, mais qui entrent dans la production des véhicules automobiles.
Il ne nous reste donc plus que huit raffineries en métropole. En effet, après Dunkerque dans le Nord, puis Reichstett en Alsace, ce fut au tour de la raffinerie de l'Étang de Berre de fermer, en raison de pertes trop conséquentes – LyondellBasell ne conservant que la partie chimie. Enfin, plus récemment, après de nombreux allers et retours, la raffinerie de Petit-Couronne a fini par fermer ; il n'y avait pas eu d'investissements pendant douze ou treize ans dans cette raffinerie, et il aurait fallu réinjecter 700 à 800 millions d'euros pour la relancer, ce qui était impossible.
Aujourd'hui, Total a annoncé qu'il allait reconvertir en bio raffinerie la raffinerie de La Mède, sur l'étang de Berre ; il va arrêter la distillation classique de pétrole brut et, au travers du retraitement d'huiles usagées, produire des biocarburants ; il va également maintenir une activité essence aviation, et faire un parc de cellules éoliennes. Je pense qu'il a cherché à conserver le maximum d'emplois. Mais cela va réduire encore le traitement de pétrole brut dans notre pays.
Ainsi, en raison de pertes très importantes, la France a procédé à une rationalisation très marquée de son activité de raffinage. C'est un peu moins le cas dans le reste de l'Europe, en particulier en Italie où l'outil de raffinage reste surdimensionné.
Au-delà de ces huit raffineries, notre outil logistique est assez sophistiqué. C'est sans doute un des meilleurs d'Europe. Des pipe-lines, dont le réseau est très élaboré, acheminent les produits finis, qui sont stockés dans les dépôts. Il y a 190 dépôts dans toutes les régions de France, et à la demande du Gouvernement, nous disposons de trois mois de stocks stratégiques pour faire face en cas de crise. Enfin, il y a 11 350 stations-service.
Le nombre de ces stations-service a beaucoup chuté. À une époque qui n'est pas si lointaine, on en comptait 40 000 ! Mais pour des raisons de rentabilité, on a procédé à une rationalisation, au point qu'aujourd'hui, certaines petites villes rencontrent des problèmes d'approvisionnement. La situation risque de s'aggraver si, comme on l'a prévu, la demande continue à baisser dans les prochaines années. Il faudra donc se soucier du maillage de notre territoire en stations-services. S'il est possible d'utiliser les transports en commun dans les grandes villes, ce n'est pas le cas dans les zones rurales. Je pense que pendant très longtemps encore, leurs habitants auront besoin d'utiliser leur véhicule pour aller au travail, se déplacer, faire les courses, etc.
La baisse de la demande constitue un premier défi pour le raffinage et la logistique pétrolière. Il y en a d'autres. Je citerai le niveau très élevé des coûts, en particulier ceux de l'énergie, qui représentent 50 % des coûts d'une raffinerie, et la réglementation française et européenne, qui est extrêmement pénalisante – limitation des émissions, plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Il convient, certes, d'être exemplaires et d'éviter les accidents industriels. Mais cela finit par nous handicaper par rapport au reste de l'Europe, et surtout par rapport au reste du monde. Sans compter le déséquilibre essence-gazole qui nous a pénalisés pendant vingt ans.
De fait, nos raffineries avaient été conçues dans les années soixante, époque où l'objectif était essentiellement de fabriquer de l'essence. Mais avec le temps, on est passé d'un ratio de 80 % de consommation de gazole contre 20 % de consommation d'essence. Et une fois que nous sommes parvenus à extraire le maximum de gazole d'un baril de pétrole, il nous a fallu en importer. Voilà pourquoi, comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, sur à peu près 40 millions de tonnes de gazole que nous consommons par an, nous en importons 20 millions de tonnes. Ce n'est pas bon. Cela pèse, je crois, pour 65 milliards sur notre balance commerciale.
Ce gazole vient d'un peu partout dans le monde. Pendant des années, c'était du gazole russe, parce qu'il était disponible. Il est maintenant concurrencé par le gazole américain et par celui du Moyen-Orient ou même de l'Inde. Cette année, une raffinerie ultramoderne, construite en Arabie saoudite – 400 000 barils jour, pas de contrainte au niveau des émissions, une main d'oeuvre relativement faible, etc. – est venue concurrencer gravement nos usines en France. Enfin, le groupe Reliance, établi en Inde, a construit une énorme raffinerie, produisant un million de barilsjour soit 50 millions de tonnesjour. Elle était destinée à satisfaire le marché intérieur indien. Mais comme les infrastructures routières n'ont pas suivi, les Indiens se trouvent face à d'importants surplus qu'ils exportent vers l'Asie et l'Europe. Les VLCC (Very Large Crude Carriers), ces énormes bateaux faits, à l'origine, pour transporter du pétrole brut, arrivent désormais dans nos ports chargés de produits finis, dont le produit de revient est inférieur de 10 à 15 euros la tonne par rapport à ce que nous pouvons faire. C'est donc un vrai problème.
Je vais vous donner maintenant quelques chiffres :
Le marché des produits pétroliers représentait en 2014 à peu près 60 millions de tonnes de produits vendus, dont 45 millions de tonnes de carburants : 34 millions de tonnes de gazole ; 4,5 millions de tonnes de gazole non routier, du fuel à bas soufre destiné aux tracteurs, engins de chantier, etc. ; enfin, 7 millions de tonnes de supercarburant, dont 30 % de E10 – un carburant qui inclut 10 % de bio, alors que le supercarburant sans plomb classique en contient au maximum 5 %. À ce propos, il semblerait qu'il y ait une volonté politique d'encourager la consommation du 10 par des avantages fiscaux, sur lesquels j'aurai sans doute l'occasion de revenir.
Par ailleurs, notre industrie contribue largement à l'approvisionnement de l'industrie chimique, soit sous forme de molécules lourdes, soit sous forme d'équivalent gazole, soit sous forme de naphtas, plus légers. C'est un point important. Si l'on se projette à vingt ou trente ans, il faut prendre également en compte l'industrie pétrochimique.
Nous posons régulièrement à nos différents ministres la question suivante : est-ce que, pour vous, le raffinage est un secteur stratégique ? En effet, avec ce qui se passe dans le reste du monde, on pourrait penser que la France va s'approvisionner par des importations de produits, et abandonner tout le raffinage. Or, je crois qu'il y a une volonté politique de conserver une industrie du raffinage en France. Pour un grand pays comme le nôtre, qui est la cinquième puissance mondiale, il serait relativement facile, même sans passer par les groupes pétroliers, de sécuriser son approvisionnement en brut, avec un ou plusieurs producteurs. Mais en conservant une industrie française, on garde la maîtrise de ce que l'on fabrique, on s'assure de sa qualité et on contrôle la logistique. Cette logistique n'est d'ailleurs pas adaptée à une importation massive. Enfin et surtout, importer 100 % de nos produits pétroliers poserait, à terme, un problème d'indépendance énergétique à notre pays.
Pour vous donner une idée des contraintes qui pèsent sur nous, je vous précise que l'énergie nous coûte 12 euros la tonne, soit trois ou quatre fois plus qu'ailleurs, auxquels il faut ajouter le coût des réglementations – les réglementations françaises venant s'ajouter aux réglementations européennes – soit environ 6,50 euros la tonne. Cela fait, au total, 18 euros la tonne. C'est énorme !
Certes, il faut éviter les incidents et protéger les populations autour de nos raffineries. Mais alors que, dans les années soixante, quand nous avons construit nos raffineries, nous étions complètement isolés, avec le temps, les habitations se sont rapprochées. C'est un problème difficile, qui est celui de tous les industriels de ce pays.
Troisièmement, la fiscalité et son impact potentiel.
Pendant vingt ans, nous avons demandé, pour des raisons d'ordre simplement industriel, qu'on ne laisse pas filer le gazole. Or vous savez que l'on est arrivé jusqu'à 20 centimes d'écart entre le gazole et l'essence ; sans compter la déductibilité de la TVA sur les flottes d'entreprise. Le différentiel de coût était tel, pour les entreprises comme pour les particuliers, qu'il y a eu jusqu'à 80 % de vente de véhicules neufs diesels dans notre pays. Je crois que la moyenne française est encore aujourd'hui de 67 %. Et comme la durée de vie moyenne du parc automobile est de douze ans, quelles que soient les décisions que prendra le Gouvernement, la situation ne pourra pas changer du jour au lendemain. Ce sera forcément très progressif.
Pour notre part, nous avons toujours soutenu le rééquilibrage de la fiscalité entre le gazole et l'essence. On a parlé d'augmenter le gazole d'un centime et de baisser l'essence d'un centime, puis de ne baisser que le 10, etc. Je ne sais pas quelle sera la décision finale. Nous proposons que l'on réduise la fiscalité sur toute l'essence, quitte à donner un coût de pouce au 10. Cela étant, nous sommes bien conscients que l'industrie automobile française ne peut peut-être pas reconvertir ses chaînes de fabrication du jour au lendemain. Pour le bien de ce pays, il faut faire attention, étudier les impacts des éventuelles décisions et procéder doucement.
On parle d'un rattrapage en cinq ans. Cela nous paraîtrait suffisamment lent pour permettre à l'industrie automobile de modifier ses chaînes de fabrication. Mais je ne me sens pas qualifié pour m'exprimer à ce propos. Disons simplement que nous sommes favorables au rééquilibrage, et que nous sommes contents que la décision en ait été prise.
De la même façon, nous avons toujours prôné la déductibilité de TVA sur l'essence pour les véhicules d'entreprise. Je crois que cette déductibilité a été votée vendredi par l'Assemblée, et que le Sénat aura à se prononcer prochainement à ce sujet. Mais là encore, nous ne connaissons pas les contraintes auxquelles l'industrie automobile est soumise. Par exemple, j'ai cru comprendre qu'il ne faudrait pas l'appliquer aux voitures étrangères, dans la mesure où les constructeurs étrangers sont mieux positionnés que les constructeurs français sur les véhicules à essence. En conclusion, nous sommes plutôt favorables à cette mesure, à condition, bien sûr, qu'elle ne nuise pas à notre industrie automobile.
Cela étant, nous sommes un peu inquiets, aussi bien comme pétroliers que comme citoyens, de l'impact que pourrait avoir l'augmentation des taxes sur le gazole – mesure que les ministres ont d'ailleurs longtemps considéré comme étant la plus impopulaire. En effet, si l'on veut un rattrapage en cinq ans, il faudra augmenter le gazole de dix centimes par litre. Par ailleurs, la loi de transition énergétique ayant conduit au vote d'une taxe carbone sur les carburants de 100 euros la tonne à l'horizon 2030, il faudra augmenter le gazole de 32 centimes par litre. Et cela représente, au total, une augmentation de 42 centimes par litre de gazole !
Aujourd'hui, le baril de pétrole brut est à peine au-dessus de 40 dollars le baril, en raison d'une baisse extraordinaire de plus de 50 %. Cette baisse s'est traduite immédiatement par une baisse massive des investissements de la part de tous les grands groupes pétroliers. Et assez rapidement, la baisse des investissements va se traduire elle-même par une baisse de la production. Or, en parallèle, la demande mondiale, tirée par l'Inde, la Chine et les pays émergents – mais pas par les pays européens, dont la consommation est étale – va augmenter d'à peu près 1,5 million de barils jour, ce qui est énorme.
Cet été, le déséquilibre entre l'offre et la demande était de 2 millions de barils jour. C'est beaucoup pour faire chuter les prix du brut, et c'est ce qui est arrivé ; les stocks ont monté. Mais ce n'est pas beaucoup si l'on réinjecte l'augmentation d'1,5 million de barils jour qui se profile. Je précise que ce sont là les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), et pas ceux de compagnies comme BP, Exxon ou Total.
On annonce par ailleurs une baisse de la production de pétrole de schiste américaine de l'ordre de 900 000 barils jour. Celle-ci sera peut-être compensée par une reprise de la production de l'Iran, estimée à plus 500 000 barils jour.
Le bilan que l'on peut faire est que, à la fin de 2016, l'équilibre entre l'offre et la demande sera bien meilleur et que, vraisemblablement, les prix repartiront à la hausse. Ils n'augmenteront sans doute pas jusqu'à 110 dollars le baril. Mais 80 dollars le baril serait un prix tout à fait normal.
Cela étant, l'impact d'une augmentation du pétrole de 20 ou 30 dollars le baril sera au moins de 20 à 30 centimes par litre de gazole sur la matière première. Ajoutés aux 42 centimes dont nous parlions tout à l'heure, l'augmentation pourrait, à terme, atteindre 70 centimes par litre. Aujourd'hui, le litre de gazole est environ à 1,10 euro. Cela veut dire qu'en 2020, il pourrait être à 1,80 euro ! Il y a de quoi s'inquiéter, en particulier pour ceux qui ont absolument besoin de leur voiture et qui n'ont pas d'alternative. Cette réflexion est plutôt d'ordre politique, je le reconnais. Malgré tout, je pense qu'il est de notre rôle de mettre une telle éventualité sur la table.
Tout aussi grave serait le renchérissement du transport, qui menacerait d'une façon générale la compétitivité de nos entreprises, à moins que vous ne mettiez en place des systèmes de compensation ou de subventions – comme ceux dont bénéficient aujourd'hui les taxis ou les transporteurs. Quoi qu'il en soit, les ordres de grandeur de cette augmentation sur le gazole font peur, car celle-ci pourrait avoir des conséquences très importantes sur la vie des citoyens et sur la compétitivité des entreprises.
Quatrièmement, le rôle des biocarburants.
Nous avons toujours soutenu le développement des biocarburants. Depuis plusieurs décennies, on peut dire que nous jouons un rôle important en la matière. Grosso modo, nous intégrons 10 % de biocarburants dans l'ensemble « gazole et essence », ce qui est tout de même énorme. Donc, on sait faire et on accompagne.
Le Gouvernement avait proposé qu'au 1er janvier de cette année, on passe au B8, c'est-à-dire à une incorporation de 8 % de bio dans les carburants, alors que la législation européenne en était encore au B7, soit à 7 % - sans doute pour soutenir l'industrie agricole de notre pays. Nous n'avons pas refusé, parce que nous savons le faire. Mais il ne faut pas oublier que nous devons protéger les consommateurs contre des pannes éventuelles. Nous avons donc demandé aux constructeurs si pour eux, il était acceptable de passer du B7 à B8 dans leurs voitures.
Pour Renault ou Peugeot, dans le contexte français, l'affaire est assez neutre. Mais pour tous les autres constructeurs, et en particulier les constructeurs allemands, il n'en est pas question. Ils ne sont pas d'accord, et ils ont dit qu'ils nous tiendraient pour responsables si des flottes de véhicules tombaient en panne. En fait, nous ne sommes ni pour ni contre. Nous savons faire, mais nous demandons que les mesures liées aux biocarburants soit prises au niveau européen. Comme vous le savez, de très nombreux véhicules venant des autres pays européens traversent notre pays lorsqu'ils vont en vacances, ou lorsqu'ils vont en Espagne. Si dans un pays, l'incorporation du bio est à 4 % et dans un autre à 12 %, ce sera ingérable, aussi bien pour les pétroliers que pour les constructeurs automobiles.
Si dans quelques années, il faut passer à B8 ou B10 ou B15, la décision devra être prise avec les constructeurs automobiles européens. Nous ne ferons que subir, nous n'avons pas de position tranchée dans un sens ou dans un autre. Mais il est impossible, pour nous, de mettre à la consommation des produits français dont la teneur en bio serait supérieure à celle que l'Europe a acceptée et que les constructeurs européens ont admise. On ne peut pas le faire, parce que cela pourrait entraîner d'énormes problèmes juridiques et de qualité.
Voilà ce que l'on pouvait vous dire en introduction.