Intervention de Francis Duseux

Réunion du 8 décembre 2015 à 17h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Francis Duseux, président de l'Union française des industries pétrolières, UFIP :

Madame la rapporteure, nous avons toujours travaillé avec les constructeurs automobiles, qui doivent résoudre deux problèmes : le poids des matériaux et les frottements. Et sans être un spécialiste de ces questions, je sais que, dans tous les grands groupes, on a fait d'énormes progrès sur les huiles qui permettent de réduire les frottements.

Ensuite, depuis l'application des normes Euro 6, le prix élevé de l'installation d'un filtre à particules sur les petits véhicules diesel incite les automobilistes à se tourner vers les petits véhicules à essence. Ainsi, depuis le mois de janvier, les courbes sont en train de s'inverser.

Enfin, ces véhicules ne consomment que 4 litres aux cent, et il est réaliste de penser qu'il sera bientôt possible de baisser cette consommation à 3 litres aux cent. Rappelons-nous qu'il y a dix ou douze ans, certaines voitures consommaient dix ou douze litres aux cent ! Aujourd'hui, c'est fini.

Cela signifie que, collectivement, nous avons fait des progrès, qui auront un impact positif sur les émissions et sur le climat.

Maintenant, comme vous l'avez fait remarquer, on n'a jamais une bonne vision de ce qui se passe. On peut malgré tout dégager des tendances lourdes. Les grands groupes, Total, Exxon, Mobil, BP et Shell, vous l'avez lu, ont limité leurs investissements dans la recherche, que celle-ci pote sur le conventionnel ou sur le non conventionnel. Vous le savez, entre le moment où l'on décide d'investir et le moment où l'on en récolte les fruits, il faut attendre trois, quatre ou cinq ans ; l'effet n'est pas immédiat, mais ce qui a été investi auparavant continue à produire ses effets. Mais dès que l'on arrête d'investir, on en subi les conséquences. Et je ne parle pas de l'impact que peuvent avoir les conflits géopolitiques. Dans mon jeune temps, au moindre bruit de bottes, le baril prenait dix dollars. Nous n'en sommes plus là. Il n'empêche que l'aggravation des conflits pourrait affecter le marché. Tout cela pour vous dire que nous allons tout de même vers une remontée du prix du baril.

Vous m'avez demandé si, dans le domaine du raffinage, la France était surcapacitaire. Nous avons procédé à de nombreuses restructurations, et une raffinerie s'apprête à modifier son traitement. Aujourd'hui, notre capacité est légèrement inférieure à la demande française. Je pense donc qu'en France, nous avons fait le travail qu'il fallait. Maintenant, je ne peux pas savoir ce qui va se passer. Tout dépendra des marges de rentabilité.

Il faut toutefois être honnête : les marges de 2015 sont excellentes. Nous voyons à cela deux raisons essentielles : d'une part, une baisse du prix du brut qui signifie, pour nous qui chauffons nous fours pour faire de la distillation, une baisse du prix de l'énergie ; d'autre part, une certaine élasticité de la demande aux prix, que nous n'avions pas prévue.

Les prix ont baissé. Le phénomène est moins net en France, à cause de l'effet amortisseur des taxes ; reste que le litre d'essence ou de gazole a tout de même chuté de 30 centimes, ce qui n'est pas rien. Il en va différemment aux États-Unis, où les taxes sont quasiment inexistantes. Selon un article de presse, un ménage américain récupère ainsi 1 000 dollars par an de pouvoir d'achat ; et il les consomme. Voilà pourquoi les Américains se mettent à racheter des SUV (Sport Utility Vehicles) et recommencent à consommer beaucoup de carburant. Plus généralement, la baisse du prix des produits a relancé la demande. Même en France, alors que la consommation avait baissé de 1 à 2 % ces dernières années, on a observé que celle-ci avait augmenté de 2 % en octobre. La tendance s'est inversée. On peut donc parler d'élasticité.

L'augmentation de demande mondiale est là, tout comme la baisse de la capacité de production. On devrait donc revenir à un équilibre.

J'ai peut-être oublié de vous dire que nous avions été frappés par le fait que pendant les cinq années précédant 2015, on avait estimé qu'environ 3,5 milliards d'euros avaient été perdus dans le raffinage, ce qui fait beaucoup. Si la situation devait perdurer parce que l'on n'est vraiment pas compétitif, parce que le raffinage américain connaît une relance et nous inonde de produits bien moins chers, il faudrait être vigilant. On en a parlé avec Monsieur Macron, comme avec tous nos interlocuteurs que cela préoccupe. Pour l'instant, on connaît une bonne relance, et après tout, on est dans une industrie cyclique. Mais si on accumule vraiment trop de pertes, on risque de devoir fermer des usines.

Madame la rapporteure, je reconnais avoir peu parlé du GNV. Mais d'après ce que je connais, il n'y a aucun projet tangible en ce domaine, à part ceux de quelques entreprises locales qui investissent elles-mêmes et qui développent. On peut malgré tout penser que, pour consommer moins et mieux, on s'orientera vers la récupération des déchets. J'ai cru comprendre que cela passait par un tri extrêmement sélectif, et par des investissements importants au niveau d'une commune : 4 à 5 millions d'euros. Des tentatives ont eu lieu, mais le résultat a été mitigé.

Le schéma idéal serait, selon moi, le suivant : une bien meilleure récupération des déchets, une production de méthane injectée dans les circuits de gaz et, progressivement, si c'est rentable, une utilisation supérieure du gaz dans les poids lourds. Mais il faudra tout de même des investissements. Et pour être très honnête, nous n'avons pas établi de scénario précisant ce que cela coûte, les investissements à engager, les moyens de financement à mobiliser et ce que cela suppose pour nos stations-service.

J'ai été frappé par le fait que les Américains, qui ont des poids lourds énormes roulant sur de grandes distances, ont commencé à utiliser du GNV. Les adhérents de l'UFIP ne m'en ont pas parlé, mais on pourrait imaginer d'installer quelques stations de GNV à la frontière espagnole pour les flottes de camions qui viennent d'Allemagne et de Hollande et qui traversent notre pays. Il faudrait en parler avec vos services.

C'est tout le problème de la transition énergétique : on se fixe des objectifs ambitieux avant même de connaître les coûts, les moyens de financement et l'impact sur les emplois. Il n'est pas question de polémiquer, mais si on ne fait pas preuve de réalisme, on ira droit dans le mur. La compétitivité est mondiale, et il faut tout de même s'en préoccuper.

Enfin, la réduction de NOx dans le diesel passe par des injections d'urée. Nous en avons discuté il y a quinze jours avec nos collègues de l'automobile, et nous avons été étonnés d'apprendre qu'il fallait injecter l'équivalent d'un plein tous les quatre pleins.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion