Intervention de Selma Mahfouz

Réunion du 10 décembre 2015 à 14h45
Mission d'information relative au paritarisme

Selma Mahfouz, directrice adjointe de France Stratégie :

La question de la fongibilité est au coeur du CPA : il s'agit bien de donner aux gens plus de liberté pour utiliser des droits qu'ils ont acquis. Cela peut aller très loin : utiliser une année d'assurance chômage, ou plus simplement utiliser des droits tirés du compte épargne temps, pour financer une formation. Au cours des – certainement trop peu nombreux – ateliers que nous avons réalisés avec des chômeurs et avec des jeunes, cette question de la liberté dans la gestion des droits de chacun est revenue fréquemment : si je ne suis pas libre de les utiliser comme je l'entends, ce ne sont pas mes droits.

Ensuite, il reviendra aux partenaires sociaux, à l'État, au Parlement de s'interroger sur la meilleure façon d'encadrer cette liberté – car il faut aussi protéger les gens, en leur interdisant des utilisations qui seraient néfastes pour eux à long terme, par exemple d'utiliser des droits à retraite pour prendre du temps en cours de carrière. On peut aussi imaginer d'encadrer cette liberté pour éviter de mauvais choix en termes de formation.

S'agissant de la gestion et de la gouvernance, il faudra forcément organiser différemment la protection sociale. La gestion du CPA devra être une gestion à terme, avec un terme probablement très lointain. Cela différera donc entièrement de la gestion actuelle des risques sociaux, très cloisonnée. La logique même du CPA est de partir des gens et de leurs parcours de vie : qu'est-ce qu'un événement de vie entraîne pour ma protection sociale ? J'attends un enfant, que puis-je faire ? Je suis salarié et je veux me mettre à mon compte, quelles seront les implications pour ma retraite, mon assurance maladie… ?

L'expérience du compte personnel de formation montre que le simple fait de rendre visible les listes de formation, parfois redondantes mais aussi variables en fonction des financeurs, fait apparaître la complexité de notre système. Ma conviction est que cela amènera à une réflexion sur une simplification. Les acteurs commencent d'ailleurs à s'interroger sur ce fonctionnement, et donc sur la gouvernance.

De même, admettons qu'un jour un portail rassemble les différentes prestations sous conditions de ressources qui existent, qu'elles relèvent de l'État ou des caisses de sécurité sociale. Cela ferait apparaître les grandes différences qui existent dans ces conditions de ressources, différences nées au fur et à mesure de notre histoire. Je n'imagine pas que cela ne conduise pas à des réflexions sur cette complexité et ces disparités.

L'un des paris du CPA est donc qu'en partant des individus et de leurs parcours, nous aurons un levier pour agir sur la gouvernance – même si ce levier ne sera certainement pas une baguette magique.

Inversement, il faut que la gouvernance actuelle ne tue pas l'objet : le cloisonnement actuel, entre travail et affaires sociales, entre partenaires sociaux du public et du privé… ne doit pas empêcher la construction d'un tel projet. Ce n'est pas évident, comme l'a montré l'expérience du compte prévention pénibilité.

Le bon cadre, aujourd'hui, c'est sans doute un tripartisme ou un quadripartisme : c'est ce qui existe. Les partenaires sociaux ont absolument leur rôle à jouer. Mais, pour surmonter les obstacles, l'une des clés est à mon avis de conserver l'individu au centre, en faisant notamment des tests avec des usagers. Pour que les retraités, les chômeurs… s'approprient cet outil, il faudra les consulter sur leurs besoins et leurs utilisations – en associant naturellement les associations qui les défendent, mais aussi en étant très interactif dans la construction de l'objet. Le danger, je le répète, serait d'oublier la personne dans l'invention du compte personnel d'activité.

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