Intervention de Jean Pisani-Ferry

Réunion du 10 décembre 2015 à 14h45
Mission d'information relative au paritarisme

Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective, France Stratégie :

On a raison de s'interroger sur les conséquences qu'ont ces plateformes sur le travail ; mais en amont, il faut aussi s'interroger sur la destruction, et donc la réinvention, de l'entreprise. Celle-ci s'organise sur une base hiérarchique, se mettant ainsi hors marché. Ces plateformes organisent, pour leur part, par la technologie, la coexistence de différents offreurs – de travail, d'activité, de produits – sans qu'ils aient besoin de passer par une relation hiérarchique pour les coordonner. C'est donc d'abord le modèle de l'entreprise traditionnelle qui est attaqué, et la supériorité du modèle de l'entreprise sur le petit producteur, qui a fait la révolution industrielle.

Ces plateformes, auxquelles chacun peut avoir accès, organisent la standardisation et la mesure de la qualité grâce à la notation des utilisateurs. On vend ainsi son travail à la tâche : Amazon a ainsi lancé un service nommé Mechanical Turk qui vous permet de gagner quelques centimes en regardant par exemple une vidéo pendant dix minutes, en notant certaines choses. Cela me paraît très disruptif, et bien difficile à remettre dans les cases existantes que sont le salariat et le travail indépendant.

L'idée d'expérimentation me semble assez bonne, puisque nous voyons se développer l'exploitation de failles réglementaires, mais aussi la création de modèles d'affaires complètement nouveaux. Or il est bien difficile de distinguer d'emblée ce qui relève de l'une ou de l'autre. On peut donc laisser les modèles alternatifs vivre pendant un certain temps, pour examiner leurs effets et les laisser éventuellement faire leurs preuves, car ils peuvent être porteurs d'innovation et même de progrès. Par la suite, il faut remettre à égalité les différents participants à un marché. Si l'on rabat tout de suite le nouveau sur l'existant, on risque de tuer une partie des innovations apportées par le nouveau.

Monsieur le rapporteur, vous évoquez le cas des chômeurs. Justement, ce dont manquent les chômeurs, c'est de crédit, c'est-à-dire de la possibilité de miser sur l'anticipation de revenus futurs. Or un instrument comme le CPA peut permettre d'anticiper sur des droits futurs : parce qu'il assure une continuité dans le temps, on peut imaginer, dans une certaine mesure, un crédit sur des droits futurs accumulés dans tel ou tel domaine, en matière de formation par exemple. L'accès au crédit au sens financier, ce ne sera pas possible. Mais avec le CPA, on peut mettre en place quelque chose… Mme Mahfouz semble me trouver bien prospectif, mais je crois vraiment que l'accès au crédit est ce qui peut permettre de rebondir.

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