Nous nous sommes interrogés sur la manière dont les différents ministères, ainsi que les organismes qui contribuent à la francophonie, assumaient leurs responsabilités dans ce domaine, et nous avons constaté une tendance à faire les choses chacun dans son coin, tant au niveau de la conception que de l'exécution et de l'évaluation. Ce travail manque de coordination.
La francophonie, ce ne sont pas seulement les moyens, à hauteur de 140 millions d'euros, dont disposent les organismes que nous avons étudiés plus particulièrement, mais aussi tout ce qui s'y ajoute, soit un montant total d'au moins 700 millions d'euros, dont les 120 millions que consacre chaque année l'Agence française de développement (AFD) aux établissements français. En tant qu'ancien rapporteur de la mission Action extérieure de l'État, je rejoins les propos de Pascal Terrasse au sujet des alliances françaises : il ne faut surtout pas continuer de nous retirer en termes d'investissement, car les alliances françaises jouent un rôle majeur en matière de francophonie. Or, l'on commence à percevoir chez elles un sentiment d'abandon.
Nous approuvons l'idée d'économies et d'efficience, mais c'est un tort de vouloir réduire tous les budgets de manière identique, sans chercher à distinguer ceux qui méritent d'être encouragés et ceux qui doivent au contraire être un peu secoués pour faire mieux. Il faut que les ministères qui attribuent les subventions n'hésitent pas à faire des choix stratégiques, même si cela doit en peiner certains. La tentation est trop souvent d'aligner tout le monde sur le même régime, passant à côté du soutien qui pourrait être apporté aux plus dynamiques et aux plus efficaces.
C'est pourquoi nous pensons qu'il faut aller le plus possible vers une forme de contractualisation, notamment par le biais de contrats d'objectifs et de moyens. La pluriannualité n'est pas simple, en raison du principe d'annualité budgétaire, mais elle sécurise les bénéficiaires, qui savent qu'ils recevront un soutien financier sur plusieurs années leur permettant de conduire des actions au moins à moyen terme, en contrepartie d'engagements en matière d'efficience. Ce serait un changement de culture dans la vision de l'État, un changement qui, ici comme ailleurs, est indispensable si nous voulons retrouver de l'efficacité.
Les actions multilatérales doivent par ailleurs être développées : c'est aussi un gage de coordination et d'efficacité. Dans une période de baisse des moyens, il faut également mieux faire connaître nos actions. L'éparpillement de moyens en diminution progressive conduit certains de leurs bénéficiaires à déclarer que la France abandonne la francophonie, alors que le chiffre de 700 millions que j'ai rappelé est loin d'être négligeable. Cela signifie qu'il faut que nous montrions mieux ce que nous faisons : bien faire et bien faire savoir.
Enfin, nous avons tous conscience que la francophonie ne peut plus être uniquement culturelle et que, si nous n'investissons pas le champ de l'économie, nous risquons de perdre de plus en plus de place par rapport à d'autres langues, au premier chef l'anglais. Nous devons être beaucoup plus présents dans le champ économique, même si les arbitrages sont difficiles, le champ culturel ne devant bien sûr pas être abandonné complètement. C'est dans l'enseignement technique et professionnel que la France gagnerait sans doute à investir davantage, afin de promouvoir la langue française par ce biais.
Les interlocuteurs que nous avons rencontrés sont tous des gens passionnés par leur cause. En revanche, il manque une certaine coordination et sans doute un véritable souffle en faveur de la francophonie, aujourd'hui quelque peu bloquée par un système bureaucratique qui ne lui permet pas de se manifester avec toute la force que l'on voudrait.
C'est la première fois qu'un rapport de fond est publié sur le sujet avec cette approche et je m'en félicite. Nous avons, en outre, eu à faire à des organismes qui ont leur quant-à-soi et considèrent qu'ils ne sont pas soumis au contrôle du Parlement français ; il a fallu faire preuve de diplomatie et apprendre à connaître ces motivations.