Intervention de Véronique Descacq

Réunion du 10 décembre 2015 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT :

Mon intervention sera axée sur le paritarisme en général et sur la façon dont nous l'envisageons, en particulier depuis les évolutions importantes apportées par l'accord national interprofessionnel de 2012 sur la modernisation du paritarisme.

D'abord, il ne faut pas confondre le paritarisme de négociation, que nous dénommons dialogue social, avec le paritarisme de gestion. Dans le cadre de la gestion d'un organisme paritaire distribuant des prestations sociales, sur la base de droits négociés par ailleurs au titre du dialogue social, la représentativité des interlocuteurs ne se pose pas de la même façon que dans la négociation, où la légitimité des représentants du personnel, et, prochainement, des représentants des employeurs, est fondée sur la mesure de cette représentativité. L'objet des deux organismes n'est, en effet, pas de même nature.

Dans ce que les questions intéressant la mission appellent paritarisme, je répète que le pilier de la légitimité des représentants est bien la mesure de la représentativité, aussi bien à l'échelon de l'entreprise que sur le plan national ou interprofessionnel. Au cours des années passées, la nécessité est clairement apparue, afin de mener à bien des réformes, d'une articulation intelligente entre le dialogue social interprofessionnel et la transposition, dans la loi, des droits ainsi acquis – cela sans pour autant porter atteinte à la souveraineté du Parlement. Dans la perspective des évolutions à venir du dialogue social, susceptibles de résulter de l'application des propositions du rapport de M. Jean-Denis Combrexelle relatif à la négociation collective, au travail et à l'emploi, mon organisation considère l'accord majoritaire comme un préalable. C'est la légitimité démocratique de l'accord majoritaire qui permet de repenser l'articulation entre ce qui relève de la loi et ce qui relève de la négociation dans la branche comme dans l'entreprise.

Les autres enjeux de la négociation portent sur la nécessité de renforcer et de restructurer les branches, mais aussi sur le rôle des organisations syndicales, sans pour autant remettre en cause leur monopole de négociation au sein de l'entreprise et de représentation lors des élections. Nous sommes très attachés à la démocratie représentative : à travers le mandatement, c'est l'intermédiation qui est en cause. Nous sommes opposés au dialogue direct entre employeurs et salariés, fût-ce en recourant au référendum d'entreprise. Enfin, la question du paritarisme de gestion imposera de prendre en compte la nécessité de l'accroissement des compétences des acteurs ainsi que leur nécessaire accompagnement.

À cet égard, l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la modernisation du paritarisme de gestion du 17 février 2012 est exemplaire de la façon dont on a voulu renforcer la légitimité des acteurs.

La première des préoccupations a été de rendre plus visible ce qui est produit par le dialogue social et le paritarisme. Un certain nombre de droits, dans le domaine de l'assurance chômage ou la retraite complémentaire, par exemple, sont construits par le dialogue social et gérés par le paritarisme. Pourtant, les salariés perçoivent ce dernier comme un magma au sein duquel ils ne discernent pas les rôles respectifs de l'État, de la représentation nationale et des partenaires sociaux. Or il nous semble que ce qui légitime l'intervention des partenaires sociaux dans le paritarisme de gestion, c'est précisément leur capacité à représenter, mais aussi à connaître les problématiques à la fois des salariés et des entreprises sur le terrain.

Afin d'établir une distinction claire entre négociation et gestion, il importe que ce ne soit pas les mêmes personnes qui interviennent dans ces deux activités. L'idée nous est souvent opposée que la compétence de gestion prédispose à la compétence de négociation. Nous considérons cependant que ce que nous défendons dans la négociation, ce sont les aspirations des salariés et des entreprises. Autant des gestionnaires peuvent faire partie de la délégation qui négocie, autant ils ne peuvent pas en être les chefs de file. Nous avions demandé que cette distinction soit inscrite dans l'accord de 2012. L'histoire a montré, hélas ! que les impératifs de la gestion peuvent parfois l'emporter sur les objectifs politiques de la négociation.

Dans le cadre des discussions de l'accord du mois de février 2012, nous avions demandé que la gouvernance des instances soit repensée pour renforcer la légitimité des acteurs. Le manque de clarté dans la perception des rôles respectifs de chacun fait le lit de la montée d'une certaine forme de populisme dans notre pays. C'est pourquoi nous avons milité pour que l'accord soit l'occasion de faire la lumière dans les domaines de la limitation du cumul, du non-renouvellement des mandats et de la mixité des conseils d'administration. Nous avons aussi demandé que les représentants syndicaux et patronaux reçoivent, avant et en cours de mandat, une formation dont une partie serait commune, afin qu'ils partagent la connaissance des règles, mais aussi des objectifs, car ceux-ci procèdent de la négociation.

À l'occasion des consultations préalables à l'examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, nous avons insisté sur la valorisation des compétences acquises au cours de l'exercice des mandats représentatifs dans la gestion des parcours professionnels ; cela était déjà prévu par la loi pour le dialogue social, mais pas pour la gestion.

Enfin, nous avons pointé du doigt ce que nous appelons de façon quelque peu brutale la subordination des conseils d'administration à la « technostructure » des organismes paritaires. Cette situation se vérifie singulièrement à l'Unédic – mais aussi dans la gestion des retraites complémentaires – où le conseil d'administration, dont les membres sont nombreux, ne se réunit que deux fois par an et délègue beaucoup de ses attributions au bureau. Nous avons proposé des solutions de gestion quotidienne propres à rendre leurs prérogatives aux acteurs du paritarisme dans divers domaines : recrutement et rémunération des directeurs généraux, contrôle de certaines procédures financières et administratives, mise en place d'outils informatiques. Nous avons néanmoins conscience qu'au-delà de ces outils techniques, c'est à une révolution culturelle qu'il faudra procéder et que cela demandera du temps.

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