Intervention de Eric Aubin

Réunion du 10 décembre 2015 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Eric Aubin, chargé du dossier retraite, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT :

Le paritarisme est un élément du dialogue social, lui-même constitutif de la démocratie sociale. Notre dialogue social a aujourd'hui besoin d'être rénové. Nous avons formulé un certain nombre de propositions relatives à la négociation interprofessionnelle dont l'assurance chômage fait l'objet. Une discussion sur la réforme des règles est d'ailleurs en cours, bien que, de mon point de vue, elle n'aille pas assez loin.

Le lieu de la négociation n'est pas neutre. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) nous semble particulièrement indiqué : la dernière négociation portant sur le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle s'y est plutôt bien passée.

Nous considérons comme problématique le fait que la présidence de la négociation soit réservée au seul Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Nous sommes dénommés « partenaires sociaux ». Cela suppose que toutes les parties soient à égalité. La présidence exclusive de l'un des négociateurs constitue précisément une rupture de cette égalité. Dans le cadre de la négociation sur l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO), par exemple, nous avons éprouvé de grandes difficultés à faire entendre la voix des syndicats, particulièrement celle de la CGT, lors de l'élaboration du texte de référence. Il serait loyal de débattre des propositions de chacun.

On sait, par exemple, que l'assurance chômage subit les conséquences de décisions prises par ailleurs. Dès lors, saucissonner les négociations sur l'assurance chômage en l'isolant de son contexte pose problème. Ainsi, lorsqu'un gouvernement antérieur a décidé de porter l'âge légal de la retraite de soixante à soixante-deux ans, cela a eu des répercussions sur l'assurance chômage puisque les employeurs se séparent de leurs seniors et que 56 % des salariés ne sont plus en activité au moment où ils font valoir leur droit à la retraite. Ce phénomène n'est jamais abordé dans le cadre de la convention sur l'assurance chômage.

Il en va de même pour l'institution des ruptures conventionnelles : le coût annoncé par l'Unédic au début de la négociation de la convention précédente, en 2012, s'élevait à 4,4 milliards d'euros pour l'assurance chômage. Il ne pourra qu'augmenter à l'avenir puisque le nombre des ruptures conventionnelles est appelé à croître. Nous devrions pouvoir discuter ce déficit, car la crise, si elle est bien présente, ne fait qu'amplifier les choses. Par ailleurs, le coût de la précarité pour l'assurance chômage est de 8,3 milliards d'euros.

Il faut également que les organisations syndicales puissent être consultées sur les évolutions prévisibles de leur financement, de la formation de leurs militants et de leurs parcours, car le jour où il n'y aura plus de représentants syndicaux, il n'y aura plus de paritarisme. Il est de plus en plus difficile de renouveler les troupes, tant pour les représentants des salariés que pour ceux du patronat, et cette question devrait faire partie des discussions portant sur l'avenir du paritarisme.

Pour répondre à la question portant sur d'éventuels précédents recours contre la convention, je confirme qu'en 2001, le Conseil d'État a été conduit à se prononcer. Nous ne sommes pas des zélateurs de la judiciarisation ; nous considérons qu'aller devant les tribunaux signe un constat d'échec du dialogue social. Cela ne peut advenir que lorsque l'on a le sentiment d'être exclu et pas entendu, ou que le débat est refusé. La rénovation du dialogue social devrait nous garder de la judiciarisation, même si, entre 2001 et 2015, deux recours seulement ont été formés devant le juge administratif.

La question de l'endettement de l'Unédic et de Pôle emploi doit être remise en perspective dans le cadre d'une réflexion sur le service public de l'emploi. La France lui consacre deux fois moins de part de son produit intérieur brut (PIB) que nos partenaires nordiques notamment. À l'occasion de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, la CGT avait insisté sur la prise en compte des précaires. Or aujourd'hui, le service public de l'emploi se consacre principalement aux demandeurs d'emploi et nombreux sont les précaires qui ne repasseront pas par la case chômage. Il est donc nécessaire de revisiter les moyens et prérogatives de l'ensemble du service public de l'emploi.

S'agissant du statut, je partage les propos d'Yves Razzoli. Je n'y reviens donc pas.

Pour ce qui est de la place de l'État dans le paritarisme, nous sommes confrontés à un vrai problème. Dans le cadre de la négociation de la convention Unédic, notamment, c'est l'État qui détermine les objectifs budgétaires à atteindre avant même que les discussions aient commencé. La dernière fois, il nous a été demandé de réaliser 800 millions d'euros d'économies, et nous les avons atteints. Cette fois, la demande sera la même ; à nous de répartir les restrictions entre l'indemnisation et d'autres postes. Il ne peut y avoir pires conditions pour commencer les négociations. J'entends bien que le budget de la nation est voté par le Parlement, mais comment faire pour que la négociation ne soit pas contrainte par ces décisions ? De fait, cela se traduit par une perte de nos prérogatives.

Nous sommes choqués par le tapage fait autour de la fraude à l'assurance chômage, qui revient à faire passer les demandeurs d'emploi avant tout pour des fraudeurs. Attention à ce genre de procédé, qui peut conduire à des résultats politiques catastrophiques tels ceux que l'on a connus au premier tour des élections régionales de dimanche dernier.

En ce qui concerne la participation des partenaires sociaux à la convention tripartite avec Pôle emploi, je tiens tout d'abord à souligner que nous sommes très critiques à l'égard du fonctionnement des services de l'Unédic qui, contrairement à d'autres institutions, sont partiaux et ne sont pas au service de tous. Nous ne remettons pas en cause le travail effectué par ces services, mais nous avons des preuves factuelles de leur mauvaise volonté à l'égard des organisations syndicales négociatrices.

Au fil du temps, nous constatons que les organisations refusant de signer tel ou tel accord sont frappées d'ostracisme. Nous revendiquons le droit d'être signataires ou non et de ne pas, à ce titre, être tenus écartés des négociations. Si le phénomène n'est pas nouveau, il est de plus en plus fréquent, ce qui est incompatible avec l'esprit de la démocratie sociale.

La CGT présente la particularité d'être dotée d'un comité national des privés d'emploi et précaires, qui travaille avec nous sur les questions regardant l'assurance chômage, ce qui ne nous empêche pas de dialoguer aussi avec les associations. S'il semble difficile d'impliquer les associations dans la négociation de l'assurance chômage, elles ont néanmoins toute leur place dans l'élaboration de la convention. C'est pourquoi nous travaillons avec elles et relayons parfois leurs propositions.

Je n'ai, moi non plus, pas bien compris la question relative à la relation éventuelle entre le taux de syndicalisation en France et notre capacité à être acteurs de la négociation. S'il fallait prendre pour critère d'habilitation un taux de syndicalisation élevé, il n'y aurait plus de négociation chez nous, en tout cas celle de l'assurance chômage perdrait sa particularité. Je partage d'ailleurs pleinement le point de vue exprimé par Véronique Descacq au sujet de la représentativité et de l'accord majoritaire : il existe des règles auxquelles la question de la syndicalisation n'est pas liée, même si sa faiblesse constitue pour nous un problème à part entière, mais sur un tout autre plan.

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