Monsieur Germain, nous vous enverrons les travaux préparatoires à l'accord de 2012. Nous avons dressé un tableau récapitulatif de l'ensemble des formes de paritarisme, qui met en évidence les modalités d'articulation qui existent ou non avec l'État.
L'accord de 2012 propose une définition de ce que sont la négociation, le paritarisme de gestion et le paritarisme pur, c'est-à-dire celui dans lequel l'État n'intervient pas. Il précise, dans son introduction, qu'il ne traite que du paritarisme de gestion. Cet accord a été limité au paritarisme national interprofessionnel. Dans la mesure où il met en oeuvre des règles de bonne pratique en matière de gouvernance et de transparence financière notamment, votre mission pourrait suggérer que son contenu puisse être étendu à l'ensemble du paritarisme, y compris régional par exemple.
Nous réfléchissons également à un sujet issu de la réforme de la formation professionnelle et du financement du dialogue social. Pour redonner de la légitimité aux acteurs en assurant la transparence, en particulier sur les questions de financement, la réforme de la formation professionnelle a abouti à la création d'une instance qui gère le financement du dialogue social, qui est nécessaire en amont de la gestion paritaire. La transparence qui existe désormais dans la formation professionnelle devrait être étendue aux autres champs du paritarisme. Certaines modalités de financement de la protection sociale, en particulier, gagneraient à être plus transparentes et rationalisées. Selon nous, ce fonds a vocation à rassembler l'ensemble du financement du dialogue social et du paritarisme.
Vous nous demandez si nous réfléchissons à une évolution de l'articulation entre ce qui relève du paritarisme et ce qui relève de l'État. Bien évidemment, nous le faisons en permanence. Lorsque l'État modifie l'âge légal de départ à la retraite, nous sommes bien obligés d'en tenir compte dans les négociations sur les retraites complémentaires. Par égard pour les salariés que nous représentons, il nous faut précisément organiser cette articulation. Pour notre part, nous nous sommes engagés à prendre en compte les évolutions des régimes généraux de retraite dans la négociation sur les retraites complémentaires, mais le patronat doit en faire autant. Il est hors de question qu'il refuse d'entendre parler des dispositifs issus de la réforme sur les régimes de retraite de 2013, par exemple en matière de carrières longues ou d'âge de départ à la retraite. Nous tenons à cette bonne articulation entre les dispositions légales, l'intervention de l'État et le travail des partenaires sociaux.
Il en est de même en ce qui concerne l'assurance chômage. L'articulation actuelle entre le régime d'assurance chômage et la façon dont la solidarité prend ensuite en charge les personnes privées d'emploi n'est pas satisfaisante. Cela fait des années que nous essayons de faire traiter cette question au niveau paritaire. La gestion doit-elle être multipartite ? Je n'en suis pas sûre. C'est d'ailleurs pourquoi, monsieur Germain, le problème ne me semble pas devoir être abordé sous l'angle de la sécurité sociale professionnelle. Ce qu'il faut savoir, c'est de quoi ont besoin les individus pour sécuriser leur parcours : d'une meilleure coordination ou cohérence entre les différents dispositifs de protection sociale existants – étatiques, paritaires ou mixtes ? D'une harmonisation des règles d'entrée dans les dispositifs, par exemple du seuil d'heures travaillées ? Voilà les vraies questions ! Il faut partir du besoin réel des individus, qu'ils soient salariés ou non, plutôt que d'un dispositif institutionnel en s'imaginant que l'on réglera le problème en créant une énième branche de la sécurité sociale. Au contraire, on risque de le complexifier et on ne fera que mettre en oeuvre un chantier qui n'aboutira jamais.
À nos yeux, le compte personnel d'activité peut apporter une réponse intelligente à ces questions en partant des besoins et des demandes des individus. La sécurisation des parcours professionnels passe par la capacité à pouvoir se former quel que soit son statut – salarié, indépendant, agent ou contractuel de la fonction publique. Nous réfléchissons autour de l'idée d'un socle de droits communs à tous les travailleurs, qu'ils soient salariés ou dans la zone grise à la frontière du salariat, dans un lien de dépendance non pas juridique avec un employeur mais économique avec un donneur d'ordres. La sécurisation des parcours professionnels passe aussi par les parcours de vie. Pour avoir un emploi, il ne suffit pas d'avoir une bonne formation, une qualification ; il faut avoir accès aux soins, à un mode de garde, entre autres. Mieux vaut une meilleure coordination des acteurs plutôt qu'une tuyauterie institutionnelle supplémentaire qui ne réglera rien.
Lorsque la CFDT s'engage dans une négociation, son objectif est d'adapter le régime de protection sociale aux nouveaux besoins des individus compte tenu de l'évolution de l'économie et du monde du travail. Le statu quo n'est pas possible. Il faut changer les choses parce que le salarié a besoin de sécuriser son parcours et l'entreprise a besoin de davantage de souplesse. C'est à partir de cela que nous élaborons notre cahier revendicatif. Et à la fin, nous regardons si nous avons abouti à une meilleure sécurisation pour les salariés, voire pour les entreprises. C'est la seule question qui vaut. Quel est l'intérêt de gérer un dispositif dont on ne partagerait pas la philosophie ?