Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du 17 décembre 2015 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous voici arrivés au bout du marathon budgétaire. Et je crois qu’avec 248 heures en séance en combinant le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, 3 641 amendements examinés et 1 005 amendements adoptés, on peut bien parler de marathon budgétaire.

Au bout du compte, que ressort-il de ces deux textes budgétaires ? Tout d’abord, et M. le secrétaire d’État l’a rappelé, la volonté réaffirmée par les faits de contenir la dépense publique et de réduire le déficit public. La dépense publique est en soi une bonne chose pour assurer la cohérence de notre société, mais lorsqu’elle augmente plus vite que notre capacité à créer de la richesse supplémentaire, elle conduit à une situation qui n’est pas tenable longtemps.

Cette volonté se vérifie pour 2015 puisque les premiers éléments d’exécution dont nous disposons conduisent à montrer que les dépenses de l’État sont en ligne avec ce que nous avions voté l’an dernier. Ceci permet une nouvelle réduction du déficit public, à 3,8 % du PIB contre les 4,1 % que nous avions votés l’an dernier

Cette volonté est également traduite dans le projet de budget pour 2016, construit pour atteindre un déficit public de 3,3 % du PIB. Par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2016, des dépenses nouvelles ont été ajoutées durant la navette parlementaire, pour un peu plus d’1,2 milliard d’euros, dont 800 millions pour le pacte de sécurité et 200 millions qui proviennent d’une baisse de 2 euros par heure travaillée pour les cotisations patronales payées par les particuliers employeurs. Ces dépenses nouvelles pourront être compensées par 1,3 milliard d’euros en moins de contribution au budget européen.

À ces dépenses supplémentaires s’ajoutent des recettes diminuées. C’est un choix. Ainsi, nous avons voté plusieurs réductions de fiscalité : par exemple, environ 50 millions d’euros du fait de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 %, proposée par Catherine Coutelle, sur les protections hygiéniques féminines, ou 44 millions du fait de l’abaissement de la limite d’âge pour bénéficier de la demi-part de quotient familial accordée aux anciens combattants, qui passe à 74 ans au lieu de 75, à l’initiative de Dominique Baert. Je pourrais en citer quelques autres.

Deuxième volonté commune aux deux textes : le pouvoir d’achat des Français est réaffirmé comme une priorité. Ainsi, les foyers aux revenus les moins élevés vont bénéficier de 2 milliards d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire grâce à une nouvelle réduction d’impôt sur le revenu : 8 millions de foyers fiscaux seront concernés, pour une baisse moyenne de 250 euros par foyer.

Autre attention portée au pouvoir d’achat : elle concerne la taxe d’habitation, la taxe foncière et la redevance télévision. Dès les premières heures du débat budgétaire, Christine Pires Beaune a tiré la sonnette d’alarme pour s’inquiéter de l’assujettissement à la taxe d’habitation et à la taxe foncière de nombreux retraités aux revenus peu élevés. Au final, grâce à l’amendement du Gouvernement, 650 000 ménages resteront exonérés de taxe d’habitation, de taxe foncière et de redevance audiovisuelle, sachant qu’à partir de 2017, seront exonérés de ces différents impôts ceux qui étaient déjà exonérés en 2014 et dont le revenu fiscal de référence sera inférieur à 13 553 euros pour la première part de quotient familial.

Le troisième point commun à ces deux textes est qu’ils ont voulu traduire dans notre droit fiscal nos ambitions en matière de transition énergétique, surtout après le succès unanimement salué de la COP21, qui a marqué un tournant mondial dans notre gestion écologique collective.

Concrètement, nous faisons quatre choses. Tout d’abord, nous stoppons la hausse de la fiscalité sur l’électricité, qui augmentait chaque année automatiquement de 3 euros par mégawattheure. Deuxièmement, nous poursuivons l’augmentation des taxes sur les énergies fossiles – le fioul, le gaz et les carburants – comme prévu dans le cadre de la contribution climat-énergie et de la loi de transition énergétique que nous avons adoptée le 17 août dernier. Troisièmement, nous réduisons l’avantage fiscal accordé au gazole par rapport à l’essence. Ainsi, par rapport au droit existant, il y aura, en 2016, 1 centime de taxe en plus par litre sur le gazole et 2 centimes de moins sur l’essence SP95-E10. En 2017 il y aura 1 centime de plus par litre de diesel et 1 centime de moins sur toutes les essences. Quatrièmement, et c’est là un point très important, nous isolons dans le budget de l’État les ressources consacrées à la transition énergétique. Nous créons ainsi un compte d’affectation spéciale, ce qui permet de sécuriser l’utilisation des taxes énergétiques. Les 5,5 milliards d’euros de ce compte serviront à financer la transition énergétique, c’est-à-dire le passage à des modes de production d’énergie non polluants. Cet argent ne servira pas à autre chose – à une petite exception près : lors de la dernière lecture du texte, mardi soir, le Gouvernement a fait adopter un amendement visant à donner 211 millions d’euros de plus aux entreprises électro-intensives, ce qui signifie 211 millions de moins pour les énergies non polluantes.

Quatrième volet : ces textes budgétaires renforcent aussi le soutien à l’investissement. Nous avons ainsi, au cours des lectures du texte, accordé le bénéfice du sur-amortissement de 40 % aux coopératives d’utilisation de matériel agricole – CUMA – et aux coopératives.

Nous avons, pour 2015 et 2016, inclus dans le Fonds de compensation pour la TVA – FCTVA – les dépenses de travaux pour les bâtiments publics et pour la voirie, ce qui représente l’équivalent de 70 millions d’euros d’aide pour l’investissement en 2016. Pour 2016, nous avons également inclus dans le FCTVA les dépenses pour les travaux liés au plan très haut débit.

Cinquième volet : une réforme ambitieuse de la fiscalité agricole a été adoptée, qui comporte deux points très importants. Le premier est la suppression du régime au forfait, c’est-à-dire l’instauration d’un régime « micro » semblable à celui des petites entreprises, qui représente une indéniable simplification pour les exploitants agricoles et pour l’administration. Je tiens à remercier ici François André et l’ensemble de nos collègues qui ont participé à la mission sur la fiscalité agricole. Comme je l’ai indiqué mardi soir, monsieur le secrétaire d’État, je resterai très vigilante quant à la situation des quelque 35 000 agriculteurs – chiffre transmis par vos services – qui pourraient y perdre un peu.

Le deuxième point de cette réforme de la fiscalité agricole est une meilleure prise en compte des spécificités de l’agriculture, c’est-à-dire du fait que le cycle d’une exploitation ne peut pas s’apprécier sur une seule année, mais sur plusieurs, en raison tout simplement des aléas climatiques. Ainsi, la déduction pour aléas – DPA – est réformée et l’aléa économique est pris en compte d’une manière beaucoup plus significative. Il ne faut pas hésiter à le dire : c’est une grande avancée qui est ainsi réalisée et je voudrais en remercier les auteurs qui sont ici présents.

Sixième volet : pour ce qui concerne les entreprises, plusieurs dispositions ont été adoptées, que ce soit pour mettre notre droit en conformité avec le droit européen ou pour mettre en oeuvre des dispositions proposées par la mission Carré-Caresche. Concrètement, tous les avantages fiscaux accordés à un investisseur – ISF-PME – ne sont maintenus que si l’entreprise dans laquelle il investit a moins de sept ans. Cela répond à une demande de la Commission européenne, mais cela va changer la physionomie du soutien à l’investissement dans les PME.

Avant-dernier volet : pour ce qui est des collectivités locales, nous sommes nombreux à regretter que nos travaux n’aient pu aboutir à la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF – mais je voudrais, à cette tribune, remercier Christine Pires Beaune pour la clarté et la pertinence de son travail qui nous a tous alertés sur la nécessité de réformer cette dotation. Au cours des premiers mois de 2016, il nous faudra mettre la touche finale à cette réforme de la DGF, très attendue par l’ensemble des élus locaux.

L’engagement de François Pupponi a permis plusieurs avancées pour les communes relevant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – DSU – « cible », ou comptant des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou un nombre élevé de logements sociaux. Enfin, nous avons pu aboutir, en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative, sur la question du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – et de sa répartition en Île-de-France.

Pour finir, ces textes budgétaires sont aussi toujours l’occasion de corriger des aberrations qui fragilisent le consentement à l’impôt. Je reviendrai sur deux d’entre elles. La première concerne les quartiers prioritaires de la ville. Elle est la conséquence d’une délimitation curieuse qui conduit à couper des rues commerçantes en deux, de telle sorte qu’un côté de la rue bénéficie des exonérations que nous avons votées dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, mais pas l’autre : je vous laisse imaginer les désordres que cela peut créer. Ces désordres sont corrigés, et cela dès l’année 2015, par les textes que nous examinons aujourd’hui. L’autre aberration porte sur l’entrée des ménages dans les impôts locaux. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie une nouvelle fois d’avoir permis que cette correction puisse être apportée dans ces deux textes.

Mes chers collègues, le marathon budgétaire touche à sa fin. Afin de franchir la dernière étape, je vous invite à adopter le projet de loi de finances pour 2016 et le projet de loi de finances rectificative pour 2015.

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