Madame a présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er juillet 2013, l'Union européenne ne sera plus l'Europe des 27, mais deviendra pour un temps l'Europe des 28. Au terme en effet de dix années d'une procédure engagée en 2003 et vingt-deux ans après la proclamation de son indépendance, la Croatie va terminer son processus d'adhésion. La Croatie devrait donc rejoindre notre Union si l'ensemble des pays membres consultés en ce sens le décident au terme de l'étape ultime de ce processus : la ratification du traité d'adhésion selon des dispositions propres à chaque pays et qui sont, pour nous, équivalentes à toutes celles des ratifications antérieures. Nous savons que, par la suite, pour d'autres élargissements, aussi possibles que souhaitables, ces dispositions seront différentes.
Notre assemblée, à l'occasion de cette séance, examine un projet de ratification important, car il engage une nouvelle page de l'avenir de l'Europe – chaque étape constituant un nouveau pas dans la construction de l'espace européen. Nous savons bien que cette étape d'intégration d'un second pays issu de l'ex-Yougoslavie, après celle de la Slovénie en 2004, est une étape essentielle afin que toute cette région européenne des Balkans, si durement éprouvée par des années de conflits subis il y a peu encore, conforte aujourd'hui, grâce à cette nouvelle adhésion, sa stabilité dans la paix et la coopération, en défendant les valeurs européennes de démocratie et de respect de tous.
Toutefois, même si certains enjeux que je viens de rappeler sont primordiaux pour la stabilité de toute l'Europe, le processus qui va aboutir a été extrêmement précis et rigoureux, afin de garantir une adhésion sans faille de ce pays après les difficultés rencontrées à l'issue des précédentes vagues d'adhésion de 2004 et 2007, qui avaient été conduites dans une certaine précipitation, compte tenu des conditions politiques qui prévalaient à l'époque. Les leçons des derniers élargissements ont été tirées.
Nous pouvons donc considérer que le processus d'adhésion de la Croatie a été plus exigeant que ceux qui ont précédé, par la définition de critères nouveaux, qui ont été ajoutés en tirant les leçons des précédents élargissements.
Malgré ces étapes plus exigeantes que la Croatie a su franchir grâce à une évolution rapide de son système politique, économique, social et juridique, destinée à le conformer aux règles européennes, l'adhésion du peuple croate a été sans détour puisque, le 22 janvier 2012, plus de 66 % des Croates approuvaient par référendum les termes du traité d'adhésion. Beaucoup d'entre nous se réjouiraient de parvenir dans notre pays à un tel consensus sur un sujet européen ! Cela démontre, s'il en était besoin, que la construction européenne demeure un processus séduisant, alors que nous, qui sommes déjà partie de l'Europe, faisons parfois la fine bouche. Suite aux négociations, certains mécanismes particuliers ont été introduits afin de garantir la plus totale adéquation entre les exigences de l'adhésion à l'Union européenne et la réalité croate.
À ce jour, avant l'adhésion effective prévue le 1er juillet 2013, la Commission doit encore veiller, à des degrés divers, à l'alignement sur l'acquis communautaire de quelques sujets relativement hétérogènes. Jusqu'à son terme, le processus pourrait en pratique être encore retardé si ces exigences d'alignement n'étaient pas pleinement satisfaites, ce qui permet d'offrir des garanties supplémentaires quant au sérieux de la démarche entreprise conjointement par la Croatie et l'Union européenne.
Permettez-moi à ce stade d'apporter un témoignage personnel sur le processus qui nous rassemble aujourd'hui.
L'Assemblée nationale a en effet suivi de très près l'ensemble des étapes qui conduiront à l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. Notre commission des affaires européennes, sous la précédente législature, a présenté deux rapports sur cette question : le premier l'a été à l'issue de la visite d'une délégation parlementaire qui a eu pour particularité d'être une mission parlementaire franco-allemande.
C'est ainsi qu'à l'initiative de Pierre Lequiller, qui présidait à l'époque la commission des affaires européennes, et de Gunther Krichbaum, président de la commission des affaires européennes du Bundestag, je me suis rendu à Zagreb en janvier 2011, avec Michel Herbillon et Bernard Deflesselles, pour y retrouver quatre parlementaires allemands, afin de conduire ensemble toute une série d'entretiens politiques au plus niveau. Nous avons pu rencontrer, en premier lieu le Président de la République croate, M. Josipović, et la Première ministre, qui était à ce moment-là Mme Kosor, ainsi que de nombreux autres responsables gouvernementaux et parlementaires.
Ces entretiens franco-germano-croates auxquels j'ai participé avaient une valeur symbolique extrêmement forte, eu égard à l'histoire des Balkans dans l'histoire européenne, et ils furent particulièrement appréciés à ce titre par tous les participants, à commencer par les Croates eux-mêmes.
J'espère avoir à nouveau l'occasion de vivre une telle situation de dialogue et d'échange, grâce à laquelle nous mesurons tout particulièrement le sens concret de la construction européenne au regard de l'histoire de notre continent : cela sera bientôt le cas avec la Serbie, comme l'a indiqué Mme Danielle Auroi, notre présidente de la commission des affaires européennes.
À la suite de cette mission, la commission des affaires européennes a poursuivi l'examen attentif du processus d'adhésion en cours, jusqu'à la présentation par Pierre Lequiller, en novembre 2011, d'un rapport d'information qui mettait en avant la volonté de l'Union Européenne d'offrir une perspective d'intégration à l'ensemble des pays des Balkans, dès lors qu'ils remplissaient les conditions requises pour leur adhésion, et qui soulignait la crédibilité de la préparation de la Croatie à celle-ci pour l'échéance de l'été 2013.
Nous sommes donc aujourd'hui au terme de l'examen par l'Assemblée Nationale de ce processus d'adhésion qui a fait l'objet de toute notre attention au fil du temps. Mme Auroi vient de rappeler certains entretiens menés récemment encore au sein de la commission des affaires européennes.
Aussi ne puis-je qu'approuver le texte de ce projet de loi de ratification, en souhaitant qu'il serve d'exemple à tous les autres pays des Balkans qui ont eux aussi vocation à rejoindre l'Union européenne, afin que l'ensemble de notre continent oeuvre main dans la main à la construction de notre futur commun.
Même si l'Europe connaît des difficultés, à l'origine desquelles elle n'est pas souvent, surtout ces derniers temps, elle offre les meilleures perspectives d'avenir à tous nos peuples à condition, bien entendu, que nous sachions y mener les politiques de progrès qui fondent des sociétés humaines et politiques durables, en protégeant et en garantissant toutes les sécurités de celles et ceux qui font le choix de la rejoindre.
La Croatie qui a connu, comme d'autres pays et plus que d'autres aussi, tant de bouleversements aspire à poursuivre son chemin de progrès avec nous tous. Sachons l'accueillir avec raison mais aussi avec l'enthousiasme qu'elle mérite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)