Intervention de François Rochebloine

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 9h30
Adhésion de la croatie à l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 9 décembre 2011, au terme de près de six années de procédure, la Croatie signait, à Bruxelles, le traité relatif à son adhésion à l'Union européenne. L'événement est d'importance. Après la Slovénie, État charnière de l'Est européen, la Croatie est la deuxième composante de l'ex-Yougoslavie qui rejoint l'Union européenne. Sa démarche confirme la force d'attraction que conserve l'idée européenne en dépit de toutes les contestations et de toutes les critiques. Au groupe UDI, nous ne pouvons que nous réjouir d'un tel constat.

La démarche de la Croatie revêt bien sûr une signification toute particulière dans cette région des Balkans occidentaux frappée, il y a bien peu de temps encore, par de durs conflits qui ont imprimé leur marque dans les paysages comme dans les mentalités. Il ne fait pas de doute que le parcours européen de la Croatie sera suivi avec attention en Serbie, au Monténégro, en Macédoine, partout où vit l'espoir d'une future intégration européenne.

Nous souhaitons ce que j'appelle « la contagion de l'esprit de sécurité collective et de solidarité », qui, dès les origines de la construction européenne et au-delà de toutes les procédures institutionnelles, a fait de l'espace communautaire un espace de paix. Cette contagion positive est la preuve que le projet européen repose, encore et toujours, sur une communauté de destin et de valeurs. Elle donne à la démarche d'adhésion de la Croatie une forte charge symbolique. Dans vingt des États membres, le parlement a reconnu la validité de cette démarche en autorisant la ratification du traité d'adhésion. Il nous incombe aujourd'hui de décider si la France doit faire de même.

Pour éclairer notre choix, nous pouvons bien entendu nous référer aux enseignements tirés de la procédure d'adhésion. Les négociations conduites au sein des institutions européennes se font, chacun le sait, sur des critères précis et déterminés à l'avance, sur lesquelles est fondée l'Union : existence d'un État de droit, respect des principes fondamentaux de la démocratie, acceptation des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En 2000, le Conseil européen de Zagreb a reconnu la vocation européenne des pays des Balkans occidentaux. Depuis lors, en 2006, l'accueil de la Roumanie et de la Bulgarie a manifesté l'ambition de réconcilier, au sein de l'Union européenne, une Europe artificiellement divisée par le rideau de fer. La forte dimension géopolitique de cette ouverture n'a pas été sans poser quelques problèmes, on s'en souvient, quand il s'est agi de décliner dans la pratique les conséquences d'une décision conçue comme généreuse. On doit remercier la Commission européenne d'avoir tiré les enseignements de ces difficultés en renforçant les exigences préalables de la négociation, en augmentant le nombre de critères d'ouverture et de clôture, et en assurant le suivi de la procédure d'adhésion après l'achèvement des négociations. Ainsi a été évité pour l'avenir le recours au mécanisme de coopération et de vérification appliqué, de manière inévitable mais quelque peu paradoxale, à la Roumanie et à la Bulgarie. L'exigence de cohésion européenne, à la source du renforcement des critères d'adhésion, retentit avec une force renouvelée s'agissant des frontières de l'Union, question avec laquelle elle entretient une sorte de relation dialectique : il ne servirait à rien d'étendre à l'excès l'aire géographique de l'Europe si cette extension devait se faire au prix d'une dilution de l'intégration dans l'Union.

Au regard de ces considérations, comment peut-on apprécier la candidature de la Croatie ?

Que ce soit dans le domaine de la justice et des droits fondamentaux, de la lutte anticorruption ou du respect des droits des minorités, les efforts fournis par la Croatie depuis 2005 plaident en faveur de son adhésion. La France, qui entretient avec ce pays d'étroites et fructueuses relations de coopération bilatérale, a apporté au cours de ces dernières années un soutien résolu à sa candidature.

Nous n'oublions pas que l'adhésion est la conséquence d'un processus progressif, impliquant à la fois lucidité et encouragement. Lucidité, pour évaluer les sources possibles d'insuffisance au regard des standards européens des droits fondamentaux, par exemple dans la lutte contre la corruption au niveau local, dans la poursuite et le jugement des criminels de guerre ou dans les garanties assurant un retour durable des réfugiés. Mais aussi encouragement à une nation et à un gouvernement qui semblent sur la bonne voie pour satisfaire de telles exigences. Aux efforts consentis par la Croatie pour correspondre aux attentes de l'Union européenne, il existe une contrepartie : que l'Union européenne fasse tout ce qui est en son pouvoir pour correspondre aux attentes du peuple croate comme de tous les autres peuples de l'Union.

La question de l'identité européenne, de la substance du projet européen, ne manque pas d'être posée à chaque nouvelle adhésion. L'état actuel de la dynamique de l'Union, sur lequel il est permis de porter un jugement modérément enthousiaste, risque de se traduire par une certaine indifférence à l'accueil de la Croatie. Ce serait dommage pour ce pays comme pour l'Union. La récente prise de position du gouvernement britannique en faveur d'une sorte d'adhésion sélective à la discrétion de chaque État membre n'est pas très stimulante pour l'esprit européen. Nous le regrettons et nous ne saurions pour notre part y souscrire. L'incertitude quant à l'avenir de l'Union européenne, que ce dernier épisode révèle cruellement, est emblématique de l'euroscepticisme ambiant et de la tentation du repli national, lesquels sont par nature exactement opposés à la dynamique de l'élargissement.

Le groupe UDI, porteur d'une tradition européenne et fédéraliste, est favorable à une Europe politique, véritablement intégrée, une Europe dont la solidarité entre les peuples est le ciment commun.

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