La cinquantième-quatrième réunion de la COSAC s'est déroulée à Luxembourg les 30 novembre et 1er décembre dernier.
Philip Cordery, Pierre Lequiller et moi-même y représentions notre commission.
Trois sujets en particulier étaient inscrits à l'ordre du jour de cette cinquante-quatrième COSAC : les questions migratoires, la stratégie numérique de l'Union européenne et l'élargissement.
Sur les questions migratoires, le représentant du Bureau européen d'appui en matière d'asile, tout d'abord, a présenté un bilan chiffré tragiquement révélateur. En octobre 2015, cent-soixante-seize mille demandeurs d'asile ont été enregistrés dans l'Union européenne: c'est 2,4 fois le nombre de demandeurs d'asile qui avaient été enregistrés en octobre 2014. Sur le même mois, le nombre de mineurs non accompagnés a été multiplié par cinq. 34 % de ces demandeurs étaient des syriens, et 16 % des afghans ; Le système de traitement de ces demandes d'asile est véritablement engorgé : aujourd'hui, plus de huit cent mille dossiers sont en attente d'être traités, dont 30% depuis plus de six mois. Il a ensuite présenté l'action du Bureau pour la mise en place des « hotspots » et du programme de relocalisation.
Pour le moment, seuls deux « hotspots » ont ouvert : ceux de Lampedusa et de Lesbos. D'autres devraient voir le jour sur les îles grecques (à Chios, Samos, Leros et Kos) et en Sicile (Trapani, Porto Empedocle, Pozzallo, Augusta, Taranto). Les moyens humains déployés sont encore insuffisants : seuls 177 experts ont été mis à la disposition du Bureau par les États membres, sur les 374 experts demandés. La France a déployé six experts.
La présentation du contre-amiral Hervé Bléjean, commandant en chef adjoint de l'opération Sophia (ex-opération EUNAVFOR Med), était également passionnante. Pour mémoire, cette opération lancée en juin dernier par l'Union européenne vise à lutter contre les passeurs au large de la Lybie. Le sauvetage des migrants en mer ne fait pas explicitement partie des objectifs de la mission, mais la mission a participé au sauvetage de 5 700 migrants depuis sa mise en place. L'opération est désormais rentrée dans sa phase « 2 alpha ». La première phase de l'opération, terminée, devait permettre de collecter un maximum de renseignements et de mieux connaître le fonctionnement de ces réseaux de passeurs. La deuxième phase est divisée en deux temps : dans un premier temps, elle se déroule dans les eaux internationales, et, dans un deuxième temps, elle pourrait se dérouler dans les eaux territoriales libyennes.
Pour le moment, les unités de l'opération Sophia arrêtent et fouillent les navires suspects, et peuvent saisir le navire et arrêter les passeurs si leurs suspicions se confirment. Quarante-trois passeurs suspectés ont été arrêtés et quarante-six navires ont été détruits. Pour rentrer dans la phase 2B, qui aura lieu dans les eaux territoriales libyennes, la mission aura besoin d'une invitation formelle des autorités libyennes – la question étant encore de savoir quelles sont les autorités libyennes reconnues – afin de pouvoir agir sous mandat de l'ONU et d'obtenir une coopération active de la Lybie, nécessaire à l'efficacité de la mission.
Le débat qui a succédé à ces interventions a été extrêmement houleux, reflétant les débats qui avaient eu lieu entre les Gouvernements européens lors du Conseil JAI du 22 septembre, au cours duquel la Hongrie, la Roumanie, la République Tchèque et la Slovaquie avaient voté contre le mécanisme provisoire de relocalisation des migrants. Alors que les débats de la COSAC se déroulent en général dans une atmosphère relativement consensuelle, les propos tenus ce 1er décembre ont été très durs.
La Roumanie et la Slovaquie ont rappelé de manière très forte leur opposition à ce mécanisme provisoire de relocalisation des migrants – pour mémoire, le Premier ministre slovaque a déjà annoncé à plusieurs reprises que son pays n'accepterait que des migrants chrétiens. M. Cordery et moi-même avons très fermement combattu ces propos, soulignant qu'il était choquant que des pays comme la Hongrie ou la Roumanie ne jouent pas le jeu de la solidarité face à cette crise migratoire. Nous avons été soutenus notamment par nos collègues allemands : le président de la commission des affaires européennes du Bundestag a par exemple déclaré que les propos tenus par notre collègue slovaque étaient « inacceptables ».
Notre collègue Pierre. Lequiller a rappelé la nécessité de mettre en place un véritable régime européen d'asile commun. Si les tensions se sont principalement concentrées sur les quotas de migrants, les débats ont également porté sur l'attitude à adopter vis-à-vis de la Turquie et sur la nécessité d'établir une liste européenne des pays d'origine sûrs.
Sur le numérique, le Vice-président Andrus Ansip a présenté la nouvelle stratégie portée par la Commission européenne. Le Commissaire est revenu sur l'une de ses priorités : la fin du géoblocage. Cette initiative a reçu un soutien très enthousiaste de la part de l'ensemble des délégations présentes. Des initiatives devraient être présentées par la Commission européenne l'année prochaine sur la libre circulation des données et sur la création d'un cloud européen. En ce qui concerne la protection des données personnelles, M. Ansip comme M. Zens, ministre luxembourgeois en charge des télécommunications, se sont dit optimistes sur la possibilité de voir les trilogues aboutir d'ici la fin du mois de décembre.
Sur l'élargissement, M. Simon Mordue, directeur « stratégie et Turquie » à la Commission européenne, a rappelé qu'aucune nouvelle adhésion n'est envisageable sous le mandat de l'actuelle Commission européenne, et que l'horizon du prochain élargissement est donc 2020 au plus tôt. Il a ensuite dressé un rapide bilan des progrès effectués par les différents pays candidats et les candidats potentiels.
Les débats ont principalement porté sur les relations entre l'Union européenne et la Turquie, dans le contexte géopolitique actuel et la distinction entre la politique d'élargissement et la politique de voisinage. En effet, plusieurs délégations, notamment la délégation roumaine, ont insisté sur l'importance d'accorder le statut de pays candidat à trois pays : l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, pays du « partenariat oriental ». Or, si ces pays sont pleinement intégrés à la politique de voisinage, ils n'ont aujourd'hui pas vocation à intégrer l'Union.
Les tensions ayant traversé ces débats se sont cristallisés au moment de discuter les amendements à la contribution finale le lundi soir. Ces débats se sont poursuivis le lendemain matin et un compromis n'a pu être trouvé qu'au dernier moment sur ce texte final, pourtant très prudent.
Une anecdote est révélatrice des débats qui ont eu lieu : un amendement de la Chambre des députés roumaine a été l'objet de discussions longues et intenses. En effet, alors que le texte proposé par la présidence luxembourgeoise disposait que « la COSAC se félicite de la proposition de la Commission européenne pour un système permanent de relocalisation des réfugiés », la délégation roumaine, appuyée par plusieurs délégations, souhaitait que cette formule soit remplacée par « prend note de ». Elle demandait également la suppression de la référence à un mécanisme permanent de relocalisation.
Le compromis finalement adopté prévoit que « la COSAC reconnaît qu'une majorité de Parlements salue la proposition de la Commission européenne pour un mécanisme permanent de relocalisation des réfugiés ».
Il est à mon sens regrettable que le Sénat français se soit abstenu sur cette déclaration finale.
Notre délégation souhaite également saluer le rôle de la présidence luxembourgeoise, et notamment du président M. Marc Angel, qui, malgré les circonstances difficiles, a essayé jusqu'au bout de rechercher un compromis.