C'est la quatrième fois en un an que j'ai le plaisir de participer avec Michael Roth à une audition conjointe devant une commission parlementaire, à l'Assemblée nationale ou au Bundestag. Je vous remercie de cette invitation pour un exercice important, dont je pense qu'il devrait être régulier tant sont étroits la coopération et les liens entre la France et l'Allemagne.
Je souhaite exprimer à mon tour toute notre reconnaissance pour la solidarité que l'Allemagne, ses plus hautes autorités et ses citoyens nous ont témoignée après les attaques terroristes du 13 novembre, en parant notamment la porte de Brandebourg des couleurs françaises. Michael Roth a souhaité se rendre après cette audition devant le Bataclan pour rendre hommage aux victimes.
L'actualité européenne de ses derniers mois a été dominée par des crises qui n'ont pas toutes leurs racines en Europe, comme la crise ukrainienne, la crise syrienne, la crise des réfugiés ou la menace terroriste. La crise grecque en revanche est une crise européenne. Face à ces crises, l'Allemagne et la France ont chaque fois travaillé à bâtir des réponses communes pour permettre à l'Union européenne de faire face.
L'urgence, aujourd'hui, c'est le terrorisme, qui sera à l'ordre du jour du Conseil européen de la semaine prochaine à Bruxelles. Michael Roth a rappelé que ce qui était en jeu, c'est notre capacité à agir ensemble contre un ennemi, Daech, qui, depuis la Syrie et l'Irak, organise des attentats en France, mais aussi au Danemark ou en Belgique. Le djihadisme a déjà frappé d'autres capitales européennes par le passé, à Madrid ou à Londres, et il n'épargne pas le reste du monde : le Mali, la Tunisie, la Russie ou la Californie viennent également d'être touchés.
Nous avons été très sensibles au fait que la Chancelière, le gouvernement allemand et le Bundestag aient si rapidement accepté de répondre aux sollicitations de la France, qui, – et c'est une première historique – a invoqué l'article 42-7 du traité de l'Union européenne pour demander à l'Europe un soutien à son action contre l'État islamique au Levant. L'Allemagne a donc pris la décision exceptionnelle d'engager ses forces armées en appui à notre intervention et de renforcer son appui à nos opérations au Sahel, en particulier au Mali.
Au-delà, l'Europe doit pouvoir afficher sa capacité à répondre à la menace terroriste non seulement par une politique de défense commune mais, plus globalement, par une politique étrangère commune. Il faut travailler, comme nous le faisons dans le cadre du processus de Vienne, à trouver une solution politique permettant à la Syrie de sortir de la guerre, si nous voulons que notre action militaire ait un sens. Il faut dans le même temps que nous mettions tout en oeuvre, à l'intérieur de nos frontières pour renforcer la sécurité de nos citoyens. Les ministres de l'intérieur sont enfin parvenus à obtenir du Parlement européen un accord sur le Passenger Name Record (PNR). Nous devons également renforcer notre coopération policière et judiciaire, notamment en matière de renseignement. Nous avons pour cela des outils – le système d'information Schengen, Europol, Eurojust –, qui doivent nous permettre d'identifier et de mettre hors d'état de nuire les personnes liées aux réseaux terroristes, notamment celles qui reviennent de Syrie pour commettre des attentats sur notre sol.
Le deuxième grand sujet qu'abordera le Conseil sera l'immigration. Il faut que les décisions prises en réponse à la crise des réfugiés soient réellement mises en oeuvre, que les frontières extérieures de l'Europe soient contrôlées, que les centres d'enregistrement et d'accueil, les hotspots, soient mis en place en Grèce mais aussi en Italie, et que les engagements pris par les États membres pour la relocalisation de cent soixante mille réfugiés puissent être honorés rapidement.
Cela suppose d'une part de renforcer les capacités de Frontex, car la Grèce, qui est aujourd'hui le pays le plus exposé, doit être aidée, et d'autre part d'élargir le mandat de l'agence afin qu'elle puisse également gérer une partie des opérations de rapatriement des migrants qui ne pouvent prétendre au statut de réfugié politique.
Des mesures ont par ailleurs été actées, avec les pays d'Afrique à La Valette et avec la Turquie lors du sommet de Bruxelles, pour que soient réunies dans ces pays, soit d'origine soit de transit, les conditions permettant de limiter l'exode de leurs ressortissants, d'accueillir des réfugiés ou, en ce qui concerne la Turquie, de lutter contre les passeurs et les réseaux de trafic d'êtres humains.
Seront également à l'ordre du jour du Conseil des questions économiques, avec, notamment, un point d'étape sur la réforme de l'Union économique et monétaire car, pour faire face à la crise de la croissance et de l'emploi, nous devons améliorer la coordination entre nos politiques et renforcer la convergence économique et sociale.
Nous aurons enfin, en préalable aux véritables négociations prévues pour février 2016, un échange avec le Premier ministre britannique au sujet des revendications qu'il a formulées en vue du référendum que va organiser son pays sur son maintien dans l'Union européenne. Si nous pensons qu'il est dans l'intérêt de l'Europe et du Royaume-Uni que ce dernier reste dans l'Europe et qu'il nous faut donc faire notre possible pour répondre aux demandes de M. Cameron, cela ne doit pas se faire au détriment de la cohésion de l'Union européenne qui, plus que jamais, face aux défis qu'elle affronte, doit rester solide sur ses fondements.
Dans un moment aussi décisif pour l'Europe, la coordination entre la France et l'Allemagne est évidemment décisive, et c'est pourquoi je suis heureux que l'occasion soit donnée aujourd'hui à Michael Roth d'en débattre avec les membres de l'Assemblée nationale.