Cet accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange de renseignements relatifs aux comptes financiers, signé le 29 octobre 2014, est un accord d'échange automatique d'informations entre administrations fiscales.
Il est en effet le résultat de la dynamique qui a été portée par le G20 et l'OCDE à partir de 2009, pour lutter contre les paradis fiscaux, en réponse non seulement à la crise financière de 2008, mais aussi aux différentes affaires, notamment HSBC et UBS, qui ont montré dans les années 2000 comment les banques suisses démarchaient illégalement aux Etats-Unis et ailleurs, notamment en France, les personnes fortunées dans leurs pays de résidence.
Cet accord vise à dépasser les limites des accords FATCA, qui ne concernent que les relations bilatérales avec les Etats-Unis, en application de la législation américaine adoptée dès 2010, et celles de la directive européenne 201116UE qui ne s'applique qu'aux seuls Etats membres de l'Union européenne, et qui vient d'absorber dans un cadre plus large le dispositif prévu par la directive « épargne » de 2003.
L'échange automatique d'informations sur les comptes bancaires et produits financiers est l'instrument indispensable pour mettre fin au secret bancaire qui a servi pendant des décennies à abriter l'argent illégal.
Il permet chaque année à l'administration fiscale de vérifier que les revenus et les patrimoines à l'étranger lui sont bien déclarés et son bien taxés.
Par rapport à l'échange d'informations sur demande, au cas par cas, qui est l'autre forme d'assistance mutuelle en matière fiscale, l'échange automatique permet de traiter le grand nombre, ce qui n'est pas le moindre avantage dans le contexte de la mondialisation.
La formule de l'accord multilatéral présente l'avantage d'engager chaque signataire vis-à-vis des autres, sans avoir ainsi à modifier un grand nombre de conventions fiscales bilatérales.
Elle offre aussi l'avantage de procédures normalisées, d'une norme commune de déclaration, celle définie par l'OCDE, dès lors que deux pays ou territoires fiscalement souverains décident de procéder à l'échange d'informations.
Il faut être bien clair : l'accord est un instrument juridique multilatéral, mais sa mise en oeuvre se fait par coopération directe entre deux administrations fiscales. Les données personnelles ne seront jamais communiquées à l'OCDE ni au Conseil de l'Europe.
94 pays ou territoires se sont engagés et 61 ont effectivement signé l'accord, dont la Suisse et Jersey. Le dernier sommet du G20, à Antalya, a rappelé son soutien à la mise en oeuvre de l'accord multilatéral.
Sans rappeler l'ensemble des éléments de détail, qui figurent dans le rapport, il faut cependant mentionner plusieurs éléments.
D'abord, l'accord multilatéral s'inscrit dans le cadre des dispositions de la convention multilatérale du 25 janvier 1988 concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, convention du Conseil de l'Europe et de l'OCDE qui a été modifié par un protocole en 2010.
L'article 6 de la convention prévoit explicitement l'échange automatique d'informations.
La convention est ouverte à tous les Etats et territoires fiscalement souverains, même lorsqu'ils ne sont membres d'aucune des deux organisations.
Ensuite, la section 2 de l'accord définit précisément la nature des informations échangées, celles de la norme commune définie par l'OCDE.
Ce sont les éléments classiques : nom, adresse et numéro d'identification fiscale ; numéros de comptes, soldes et revenus financiers.
Il y a obligation pour les banques dans le cadre de leur devoir de diligence de regarder quels sont les bénéficiaires effectifs des structures écrans.
Pour les comptes anciens, ces règles de diligence diffèrent pour les personnes physiques et les entités (personnes morales et assimilées), avec pour les premières des exigences plus fortes au-delà d'un million d'euros, et pour les secondes un seuil de minimis de 250.000 euros.
Pour les nouveaux comptes, il n'y a cependant aucune différenciation.
Le calendrier est précis. Les transferts de données au titre d'une année doivent intervenir avant la fin du mois de septembre qui suit.
L'accord est fondé sur le principe de la réciprocité, mais il ne s'agit pas d'une obligation. Si la France souhaite pour elle-même en bénéficier, tel n'est pas le cas pour les quelques pays ou territoires sans impôt direct sur les personnes physiques.
La protection des données est organisée de manière précise, notamment parce que la convention de 1988 la prévoit.
En outre, l'accord prévoit deux annexes permettant à chaque Etat, d'une part, de notifier ses garanties et, d'autre part, de connaître les garanties mise en place par le pays partenaire pour, le cas échéant, mentionner ses exigences.
S'agissant de la mise en oeuvre de l'accord par la France, la CNIL est bien évidemment consultée.
Contrairement à FATCA, qui prévoit une retenue à la source au taux de 30%, l'accord multilatéral ne prévoit pas de sanction.
Sa mise en oeuvre repose sur la pression du G20 et surtout sur celle du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, qui procède régulièrement à des examens et à des notations.
C'est par exemple le mauvais classement de la Suisse en 2011 qui a conduit ce pays à bouger.
En matière de finances, dominée par les anglo-saxons, le risque de réputation est important et nul ne veut être sur la mauvaise liste.
Pour les banques et autres établissements financiers, l'accord est exigeant, car il va obliger celles-ci à identifier les pays de résidence fiscale de leurs clients non-résidents.
Il est d'ailleurs recommandé qu'elles le fassent d'une manière globale, sans se limiter aux résidents des pays avec lesquels des échanges sont prévus.
Au demeurant, l'accord est d'autant plus exigeant que la norme commune de l'OCDE diffère de celle prévue par l'accord FATCA, mais c'est là pour les Etats-Unis, le privilège de l'antériorité.
En revanche, pour ce qui concerne les échanges avec les Etats membres de l'Union européenne, les normes sont sensiblement les mêmes car un important travail de coordination a été fait.
Les coûts de mise en conformité des établissements financiers sont importants, mais c'est le prix à payer pour une transparence nécessaire.
En effet, le renforcement depuis 2009 des procédures d'échange d'informations sur demande et la simple perspective de la mise en place de l'échange automatique ont entraîné la régularisation d'une masse impressionnante de capitaux.
Sur 2013, 2014 et 2015, le Trésor a pu bénéficier de près de 7 milliards d'euros supplémentaires au titre de l'activité du Service de de traitement des déclarations rectificatives.
Ainsi, fin septembre, 85% des demandes déposées concernaient la Suisse.
C'est donc l'amorce de la fin des paradis fiscaux pour les personnes physiques et pour ce qui concerne les entreprises, il faut souhaiter le même succès à l'initiative BEPS de l'OCDE, sur la lutte contre l'érosion des bases fiscales et les transferts de profits.
Le seul regret que l'on puisse avoir sur l'accord multilatéral est son examen, en urgence, en fin d'année.
L'Assemblée nationale n'a cependant pas le choix, car il est impératif que l'accord soit approuvé avant le 1er janvier 2016, de manière que les banques puissent mettre en oeuvre sur des bases juridiques certaines, vis-à-vis de leurs clients, les obligations de diligence raisonnable qui leur incombent.
C'est d'ailleurs en ce sens que l'article 17 du projet de loi de finances rectificative modifie l'article 1649 AC du code général des impôts, ce qui est nécessaire, mais ne suffit pas.
Dans ce contexte et dans cette perspective de la fin de l'utilisation abusive du secret bancaire à des fins de fraude et d'évasion fiscales, il convient d'adopter sans réserve le projet de loi, comme l'a déjà fait le Sénat en octobre dernier.