Ayant été rapporteur de la loi transcrivant l'ANI du 17 février 2012, je ne peux qu'appuyer ce que vient de dire notre président – même si je ne l'ai pas entendu à ce moment-là dans l'hémicycle aussi clairement que ce matin… Les partenaires sociaux ont été auditionnés cinq fois avant le vote de la loi, pendant qu'ils négociaient – et, comme l'a dit notre président, cela nous a été reproché. Nous leur avons notamment dit qu'il ne nous paraissait pas légitime qu'ils négocient sur les prud'hommes, c'est-à-dire sur la juridiction dont ils dépendent. Les choses étaient plus compliquées concernant les régimes complémentaires, car le sujet est apparu comme une forme de contrepartie à la libéralisation du droit du travail, sans que l'on se demande que faire de ce « deuxième étage » qui prend de plus en plus de place dans l'assurance-maladie, et sans qu'il y ait de vision transversale. Or, comment couvrir les assurés du monde du travail sans se demander, dans le même temps, que faire des étudiants et des retraités, sachant que les modalités d'assurance des salariés ont des conséquences financières sur les non-salariés ?
Concernant cet accord, la façon dont on a fonctionné est au fond assez saine. Des élections ont eu lieu. Puis le Gouvernement a fixé une feuille de route, demandant aux partenaires sociaux de négocier sur plusieurs sujets. Ensuite, on nous a reproché d'être intervenus mais, pendant six mois, les partenaires sociaux ont bien négocié et sont d'ailleurs parvenus à un accord. De toute façon, ce type de négociations présente toujours les mêmes défauts : on est pendant six mois face à un texte qui suscite beaucoup de polémiques et que l'on finit par modifier complètement au cours de la dernière nuit. Le débat public est alors cristallisé, ce qui empêche les uns et les autres d'avoir des positions convergentes. Mais peu importe : un accord a été signé qui réformait de nombreux domaines importants pour les Français. Ensuite, les parlementaires ont joué leur rôle, et je me réjouis que vous les trouviez légitimes à le faire, car ce rôle me semble essentiel, sous réserve que l'on ne dépasse pas ce que j'appelle la « ligne de crête » et que l'on ne mette pas non plus en difficulté ceux qui ont négocié. Nous ne pouvons évidemment jeter un accord aux oubliettes, mais il me semble capital que nous apportions notre expertise et notre intelligence sur les questions que nous considérons comme relevant de l'intérêt général et non du seul monde du travail. J'ai également revendiqué la volonté de prendre en compte les positions des organisations non signataires. Ce qui compte in fine, c'est que la dynamique de négociation se poursuive et que les lois soient utiles au pays.
Je ne vois pas d'autre solution que d'inventer une sorte de valse à trois temps. Dans un premier temps, une orientation politique est donnée. Puis se déroule la négociation. Le président comme moi-même sommes très attachés à ce que, à chaque fois que c'est possible, les acteurs puissent prendre ensemble les décisions qui les concernent. Le coeur de notre mission d'information consiste à déterminer si les frontières entre ce qui relève du paritarisme, de l'État et du tripartisme sont bien positionnées ou non, et quel mode de gestion inventer face aux nouvelles questions qui se posent à nous – nouvelles formes d'activité, sécurité sociale professionnelle…
Je tenais à préciser ce point de méthode concernant l'ANI, car il est très lié au sujet que nous traitons aujourd'hui.