Il serait prétentieux de ma part de distribuer les bons et les mauvais points, mais je visais à la fois le dispositif législatif que vous avez adopté et les mesures réglementaires qui ont été prises ensuite. De cet ensemble – et je sais que les rédacteurs des textes ne sont pas les mêmes – sont nées beaucoup de difficultés. On le voit encore avec le texte réglementaire que le Gouvernement s'apprête à publier sur le chèque santé : il semble perturber jusqu'aux gestionnaires d'organismes paritaires, qui n'ont pas été associés à sa rédaction. Ce n'est pas la finalité poursuivie qui est en cause, mais je pourrais prendre d'autres exemples, comme le décret visant à garantir la transparence des appels d'offres des régimes de complémentaire santé dans les entreprises, qui est une vraie usine à gaz. Certes, on pourra se satisfaire de ce que, l'an prochain, l'ensemble des salariés soient couverts par des régimes obligatoires de complémentaire santé, mais cela a soulevé de nombreuses difficultés, qu'il faudra résoudre très vite pour ne pas trop morceler la société française. Enfin, vous avez créé une obligation pour les entreprises au 1er janvier 2016, mais il conviendra de définir les conditions de contrôle du respect de cette obligation, car rien n'est prévu pour le moment à cet égard. Or il convient d'éviter que des salariés se voient privés de cet avantage.
Je ferme la parenthèse sur ce point, mais les débats relatifs à la désignation des prestataires de complémentaire santé et la censure du texte par le Conseil constitutionnel n'ont pas facilité la mise en oeuvre d'un dispositif qui, certes, n'avait été décrit que dans ses grandes lignes dans l'ANI. Il convient de veiller, même si cela vous est reproché, à ce que les partenaires sociaux – signataires et non signataires – soient au plus près de ce qui vous guide quand vous élaborez des lois transposant des accords.
Autre point, il faudra très certainement l'an prochain s'interroger quant à l'incidence sur la gestion paritaire des questions de représentativité. Pour le moment, ce point n'a guère fait l'objet de réflexions : cela remet-il en cause les mécanismes actuels de désignation – puisque les représentants ne sont élus qu'au troisième degré, et en réalité désignés par les confédérations ou fédérations syndicales ? Il semble également urgent de clarifier les conditions de représentativité des employeurs dans la négociation sociale et dans le cadre du paritarisme. Il importe de ne pas négliger les nouvelles formes de salariat, que vous évoquiez tout à l'heure, ni leurs employeurs qui ne sont pas toujours reconnus comme représentatifs. La ministre du travail a certes fait quelques ouvertures vis-à-vis des employeurs de l'économie sociale, de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) et de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Mais il nous semble qu'il faut aller plus loin, pour que les syndicats de salariés négociateurs aient en face d'eux l'ensemble du champ des employeurs. Ils sont, bien sûr, présents au niveau des branches puisque chacun est maître de la sienne, mais, au niveau interprofessionnel, il faut que soient présents l'ensemble des employeurs représentatifs de la diversité de notre pays. Ce sujet devra être abordé dans le courant de l'année prochaine afin que, lors du rendez-vous de 2017, tous les acteurs sachent comment les choses vont se présenter.
Nous voudrions à présent évoquer les questions de formation. Il nous semble essentiel d'instaurer des mécanismes, aujourd'hui encore inexistants, de formation des acteurs sociaux, qui soient coercitifs ou plus incitatifs. Il conviendrait en outre d'inciter au renouvellement des militants investis dans l'exercice de responsabilités syndicales, par exemple en instaurant une limitation du nombre de mandats syndicaux – limitation qui n'existe aujourd'hui que dans très peu de fonctions puisque, au sein de la sécurité sociale, seuls les présidents d'organisme se voient imposer de telles limites. Il ne serait pas inutile d'inciter les partenaires sociaux à renouveler leurs équipes et à revivifier leur pensée.