Intervention de Jean-Marc Germain

Réunion du 17 décembre 2015 à 9h30
Mission d'information relative au paritarisme

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Germain, rapporteur :

Même si la troisième partie de votre exposé contredit un peu la première, vous semblez plaider pour une extension de la gestion solidaire, à condition de mobiliser les acteurs sociaux. Reprenons votre raisonnement et appliquons-le à l'assurance chômage et à son rôle d'amortisseur des cycles économiques : 1,5 million de personnes sont au chômage depuis plus de deux ans, période couverte par l'assurance. Ce système et sa gestion paritaire sont fortement questionnés par la durée de la crise et les nouvelles formes d'activités telles que l'intermittence, l'auto-entreprise et autres.

Les dernières négociations sur les régimes complémentaires de retraite sont aussi emblématiques de l'imbrication des différents niveaux, puisqu'elles vont avoir un effet sur l'âge effectif de départ en retraite : les personnes vont tenir compte de la perte financière qu'elles subiront pendant plusieurs années si elles partent à l'âge prévu par la Sécurité sociale. Sans compter que les carrières sont diverses et variées et qu'il existe des régimes différents pour les salariés du privé, les fonctionnaires et les indépendants. Tout ceci incite à des régimes plus solidaires.

Vous avez peut-être travaillé davantage encore sur le système d'assurance santé complémentaire. À une époque, ce système était vraiment complémentaire, une sorte de « cerise sur le gâteau ». À présent, sous l'effet de l'augmentation des forfaits et des restes à charge, la question de la prévoyance n'est plus annexe mais elle devient centrale. Dans votre rapport, vous essayez de traiter de ce deuxième étage du système de santé. Est-il possible d'y développer une offre à la fois privée et publique qui permette de garantir les droits sans engendrer des discriminations insupportables entre les types d'assurés ? Certains nouveaux retraités voient le coût de leur assurance complémentaire tripler pour une protection moindre. Quelle que soit sa sensibilité politique, c'est difficile à accepter.

Partant de ces constats, nous pourrions en revenir à votre premier point et conclure que tous ces régimes doivent devenir solidaires. En même temps, je suis très sensible à votre deuxième point : il faut absolument associer les acteurs, les premiers intéressés. À cet égard, l'exemple des régimes de retraite complémentaire est très instructif. Les partenaires sociaux sont parvenus à trouver un accord sur un sujet difficile, présentant des enjeux financiers importants, sans bouleversements dans la société. S'ils y sont parvenus, c'est sans doute parce qu'ils ont discuté ensemble et qu'ils ont construit des solutions intelligentes.

J'en reviens à ma question : en matière de retraites complémentaires, d'assurance chômage et de prévoyance, préconisez-vous un statu quo, moyennant les améliorations que vous avez prévues sur la répartition des rôles ? Sinon, à quelles évolutions pensez-vous ?

Le système construit à la Libération, sur la généralisation d'éléments qui existaient dans les branches, était adapté à la situation de l'emploi de l'époque : le salarié passait en général toute sa vie professionnelle dans la même entreprise ; en cas de changement, la période transitoire était brève ; il n'y avait pas de chômage de masse. Les différents registres – santé, chômage, retraite, famille, etc. – ont été traités de manière cloisonnée. Or actuellement, dans le domaine professionnel, tout est lié. Les décisions sur l'âge de départ en retraite ont des incidences sur l'assurance chômage. Pourtant, quand on estime que les chômeurs devraient pouvoir entrer en formation dès leur premier jour de chômage, on se heurte au fait que les fonds d'assurance chômage ne sont pas gérés par ceux qui pourraient prendre une telle décision.

Dans ces conditions, ne faudrait-il pas passer à un système qui parte de l'individu et créer une sécurité sociale professionnelle dont le compte personnel d'activité pourrait être le support, mais pour lequel il faudrait inventer une gestion unifiée des parcours tout au long de la vie ? Le débat sur le compte de prévention de la pénibilité a été un embryon de cette réflexion, mais il n'y a pas été question de la gestion. Qui doit gérer et comment ? Est-ce que la gestion doit être paritaire ou tripartite ? Est-ce que le système doit être unifié ou rester cloisonné entre les différents risques avec la coordination que vous proposez ?

En tant que directeur de l'EN3S, vous devez réfléchir à la manière dont le système est percuté par les nouvelles formes d'activité que sont les auto-entreprises, le portage salarial, et l'économie collaborative. Quelles sont les pertes pour la sécurité sociale ? Faut-il attendre que les choses se régulent d'elles-mêmes comme cela a été le cas par le passé pour un certain nombre d'activités, ou faut-il d'ores et déjà imaginer un tiers secteur qui permettrait de couvrir ces activités naissantes qui ne sont ni salariales ni indépendantes ?

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