Intervention de Pascale Coton

Réunion du 3 décembre 2015 à 9h30
Mission d'information relative au paritarisme

Pascale Coton, vice-présidente de la Confédération française des travailleurs chrétiens, CFTC :

Tout d'abord, je souhaite rappeler quelle a été l'ambiance de cette négociation. On a dit qu'elle permettait de sauver le régime. Il faut cependant savoir qu'il n'est sauvegardé que temporairement et qu'il faudra revenir à la charge.

Le système de pilotage prévoit des procédures de « revoyure », ce qui nous semble extrêmement important. Il vaut mieux dire que l'on sécurise les choses pour deux, trois, quatre ou cinq ans, et que l'on se reverra pour faire le point. Cela permet, en cas de problème, de tirer la sonnette d'alarme et de trouver les bons leviers pour rectifier le tir.

Nos concitoyens ont deux sujets majeurs de préoccupations : l'emploi et la retraite. Dès que l'on touche à la retraite, qui est la récompense d'années de travail, ils sont inquiets.

Pendant près d'un an, j'ai fait un tour de France pour rencontrer les gens et leur parler des retraites. J'ai pu me rendre compte qu'ils ne connaissent pas la différence entre un régime de base et un régime complémentaire, et qu'ils pensent que les partenaires sociaux ne pourront rien faire car tout est de la faute du Gouvernement qui ne sait pas gérer le pays. Il a fallu leur expliquer ce que sont la retraite de base et la retraite complémentaire, ce que sont le paritarisme et la pluralité syndicale, et l'importance pour une confédération comme la nôtre d'être représentative. Lorsque nous leur disons que l'avenir de leurs retraites est entre nos mains et que l'on peut faire quelque chose même si c'est parfois douloureux, la donne change.

On nous a souvent reproché de demander aux salariés plutôt qu'aux entreprises de faire davantage d'efforts. Il a fallu aussi rétablir certaines informations erronées qui circulent dans la presse, à savoir que notre système serait en faillite, ce qui signifie que nous l'aurions mal géré. Quand on leur explique que s'il y a moins d'argent dans les caisses, c'est parce qu'il y a moins de salariés et davantage de chômeurs, ils se rendent compte que la responsabilité n'est peut-être pas là où ils pensent. Lorsque les jeunes nous disent qu'ils ne toucheront pas de retraite, nous leur répondons que les partenaires sociaux ont précisément réussi à se mettre autour de la table pour faire en sorte qu'ils perçoivent un jour ce dont nous bénéficierons nous-mêmes dans les années à venir, car c'est l'essence même d'une organisation syndicale responsable et d'un véritable paritarisme. Les Français ne savaient pas à quel point le paritarisme pouvait être important en la matière. Il fallait donc leur donner une vraie définition du paritarisme.

Nous avons dû leur prouver que nous n'avions pas touché à l'âge légal de départ à la retraite et que la CFTC continuait de défendre l'idée de la retraite à la carte, c'est-à-dire le fait de pouvoir partir à la retraite lorsqu'on le souhaite. Certes, avec cet accord le salarié sera probablement obligé de travailler une année supplémentaire s'il ne veut pas de décote les deux premières années, mais une certaine liberté de choix lui est tout de même laissée.

La CFTC souhaitait également que l'on ne touche pas aux petites pensions, notamment celles qui ne contribuent pas ou pas en totalité à la CSG, ainsi qu'aux pensions versées aux femmes. Je rappelle qu'une femme sur deux à la retraite vit au-dessous du seuil de pauvreté ! Nous avons obtenu du MEDEF que ne soit pas abaissé le taux de réversion, qui est de 60 %, car c'est une véritable bouée de sauvetage pour beaucoup de femmes.

La semaine suivant cet accord, la CFTC avait un rendez-vous important puisque se tenait son congrès. Naturellement, une négociation aussi importante que celle concernant les retraites avait suscité des inquiétudes, et je dois dire que la décision relative à l'abattement de 10 % a été mal perçue par ceux qui ont eu des carrières longues, mais nous avons expliqué que nous reverrions la question de l'emploi des seniors afin que les carrières longues ne soient pas davantage pénalisées.

L'accord a été difficile à négocier, notamment parce qu'il y a eu une coupure importante aux mois de juillet et août. Ce que la CFTC a apprécié, et moi plus particulièrement, ce sont les intersyndicales entre les uns et les autres. Les réunions bilatérales ont également été positives et permis parfois de faire baisser un peu la tension.

Certains ont tenté de s'immiscer dans les débats – des responsables politiques, ou certains journalistes qui n'y comprenaient rien car ce sont après tout des citoyens comme les autres, envers lesquels il faut faire preuve de pédagogie – et ont présenté négativement le paritarisme, qui est au contraire quelque chose de plutôt positif.

Si nous n'étions pas parvenus à un accord, nous aurions pu craindre de voir sombrer le paritarisme dans son ensemble, mais il fallait mener cette négociation sans avoir à chaque instant cette épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Cet accord a été négocié dans un contexte difficile puisque notre pays ne va pas très bien d'un point de vue social. Nous voulions éviter de porter la responsabilité d'un vote aux élections régionales qui pourrait bien avoir des résultats non souhaités, s'agissant notamment des extrêmes. La CFTC voulait éviter que trop de gens mettent dans l'urne un bulletin qui pourrait mettre en danger la fraternité dans notre pays.

Lors de notre congrès, 1 200 délégués étaient présents. Nous avons débattu de la pluralité syndicale, en imaginant quelle aurait pu être l'issue de la négociation si la CFTC n'avait pas eu de représentativité syndicale. Il s'agissait aussi de rassurer les jeunes sur le rôle d'une organisation syndicale, de montrer que l'on pouvait travailler intelligemment avec les autres, dont, naturellement, le MEDEF.

Nous avons voulu montrer que nous n'avions pas abordé cet accord n'importe comment. La CFTC dispose d'une technicienne très compétente sur le sujet, d'un groupe de travail de six personnes en lien avec le bureau confédéral, auquel je faisais un rapport tous les mois sur la négociation, et d'une commission exécutive avec laquelle je faisais le point tous les lundis matin sur l'état d'avancement de cette négociation. Bien évidemment, à chaque fois que nous faisions une proposition, il nous fallait la chiffrer pour voir quelle économie pouvait être réalisée et si la dette pouvait être comblée. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur l'AGIRC et l'ARRCO ainsi que sur les études du COR, qui continue de dire que la retraite des femmes est en difficulté. Cela a permis d'asseoir nos propositions en sécurisant nos chiffrages.

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