Vous devez être identifié pour donner une opinion sur cet élement

Intervention de Bernard Vivier

Réunion du 3 décembre 2015 à 9h30
Mission d'information relative au paritarisme

Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail :

Monsieur le député, la nature a horreur du vide, et le besoin crée l'organe. Organiser le marché du travail est une nécessité absolue, afin d'éviter à la fois la concurrence sauvage et la bureaucratie brejnévienne. Or, pour construire une économie sociale de marché – qui est le modèle européen vers lequel nous allons à plus ou moins grande vitesse –, nous avons besoin d'acteurs forts. Aujourd'hui, c'est vrai, le syndicalisme est morcelé et faible. Le taux de syndicalisation est, dit-on, de 7 %, mais il se situe en réalité entre 0 % et 5 %. Le paysage syndical est un archipel, composé de quelques bastions. Néanmoins, cette petite aristocratie syndicale travaille pour l'ensemble des salariés : le taux de couverture conventionnelle est de l'ordre de 94 %, soit l'un des plus élevés du monde industriel. Le système syndical et patronal français n'est donc pas improductif.

Oui, il est nécessaire de renforcer la syndicalisation, notamment le lien entre cotisation et service rendu. Mais, encore une fois, la production sociale des partenaires sociaux est réelle. Ils négocient : 34 000 accords d'entreprise, 900 accords de branche et une petite dizaine d'accords nationaux interprofessionnels ont été conclus. Peu de salariés se syndiquent, mais alors ils produisent. Le système s'essouffle, certes. Mais je ne crois pas que réduire l'offre permette d'accroître la demande : ce n'est pas en réduisant le nombre d'organisations syndicales que l'on augmentera le nombre de syndiqués en France – c'est une vue de l'esprit. Il est vrai que les différentes organisations du paysage syndical doivent converger, mais cette convergence ne se fera pas à marche forcée, même s'il faut parfois encourager certaines évolutions, comme dans le domaine de l'égalité entre hommes et femmes. En tout état de cause, le grand danger réside dans la démobilisation sociale de salariés qui ne croient plus ni aux partis politiques ni aux organisations syndicales et qui se réfugient dans un vote protestataire.

Le paritarisme est un élément d'engagement. Bien sûr, comme dans toute institution, il connaît des dérives – des « bouffe-galettes » siègent dans les instances paritaires pour bénéficier des « bons d'essence » ou pour obtenir une décoration au bout de trente ans – et un certain nettoyage est nécessaire. Mais ceux de mes amis syndicalistes qui président les caisses d'assurance ont l'humilité de savoir qu'ils sont au service de l'institution et, si on les prive de leur voiture avec chauffeur, ils ne s'en offusqueront pas. Le paritarisme reste une belle école de l'engagement collectif, et je suis un grand défenseur de cette réalité.

J'ajoute qu'il faut également corriger un peu l'opinion publique. Il m'arrive, dans le cadre de mes fonctions, d'être invité à la télévision. Or, l'autre jour, dans l'une des émissions auxquelles je participais, Élie Cohen, un économiste pour qui j'ai une immense estime, a affirmé, à l'instar de beaucoup d'hommes publics : « Les 32 milliards d'euros de la formation professionnelle, il faut les donner aux chômeurs ! » C'est ignorer la composition du budget de la formation. Bien entendu, il faut faire des économies et, dans ce domaine, le mouvement est en marche. Le financement syndical et patronal, après celui des partis politiques puis du mouvement associatif, a fait l'objet de mises à jour bienvenues. Et je souhaite que, en matière de transparence, on aille plus loin encore que les conclusions de la commission Perruchot, dans le respect du rôle de ces institutions. Mais ne jetons pas le discrédit sur le patronat et les syndicats ; aidons-les à travailler ensemble !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion