Intervention de Eva Sas

Réunion du 3 novembre 2014 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas, rapporteure spéciale pour la mission « Remboursements et dégrèvements de l'État » :

L'enveloppe totale de la mission « Remboursements et dégrèvements de l'État » avoisine les 100 milliards d'euros, ce qui en fait la plus lourde financièrement pour le budget de l'État. Son augmentation tendancielle met en évidence une évolution de fond de nos finances publiques ; les grandes réformes reposent en effet de moins en moins sur des crédits budgétaires et davantage sur des dépenses fiscales, celles-ci devant dorénavant entrer dans la norme de la dépense.

Le Gouvernement communique sur l'effort de réduction de 3,6 milliards d'euros de la dépense publique, mais cette mission augmente de 3,9 milliards d'euros. L'existence même de cette mission atteste l'existence d'une politique de débudgétisation non satisfaisante, même si la mise en oeuvre du système européen des comptes (SEC) 2010 conduit à mieux appréhender ces dépenses fiscales.

Cette mission pose des problèmes de périmètre : des volumes considérables sont ainsi crédités dans cette mission alors qu'ils relèvent de la pure mécanique de l'impôt – comme les restitutions de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d'impôt sur les sociétés (IS) – et qu'ils devraient donc se trouver fondus dans la recette nette de l'impôt. L'articulation entre ces sommes et le budget général de l'État n'apparaît pas clairement ; ainsi, les remboursements d'impôts locaux – qui poursuivent notamment des objectifs sociaux avec les dégrèvements de taxe d'habitation – sont comptabilisés en atténuation des recettes du budget de l'État alors qu'ils n'ont pas de rapport avec celles-ci. Il conviendrait d'analyser ces remboursements avec les autres transferts aux collectivités locales.

Comme les remboursements mécaniques de l'impôt représentent les deux tiers du volume financier de cette mission, l'exécutif considère que la prévision budgétaire est purement évaluative. Or, un tiers des dépenses découle de réformes majeures du Gouvernement comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le crédit impôt recherche (CIR), les crédits d'impôt sur le revenu, le remboursement de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Il y a lieu de ne pas budgéter ces dispositifs de façon simplement évaluative, ainsi que l'impose la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). J'ai étudié dans mon rapport les conséquences budgétaires du CICE, qui s'avèrent différentes des prévisions.

L'évaluation de la performance de ces crédits repose sur quatre indicateurs qui font état du délai des remboursements ; c'est largement insuffisant, la loi ayant fixé au CICE des objectifs ambitieux : amélioration de la compétitivité, stimulation de l'investissement et de la recherche, accompagnement de la transition écologique et reconstitution du fonds de roulement. Il est très étonnant que l'administration fiscale ait reçu comme instruction de traiter les dossiers relatifs au CICE en moins de quinze jours, ce qui ne permet même pas aux agents d'en vérifier l'assiette. Le CICE est un crédit d'impôt comme les autres et rien ne justifie l'allègement de ses contrôles. La présentation des données relatives au CICE dans cette mission en illustre l'inutile complexité ; les crédits budgétaires du CICE sont en effet répartis en quatre actions différentes, et un travail approfondi s'avère nécessaire pour comprendre que le crédit d'impôt représentera 4,1 milliards d'euros en 2014 et 6,6 milliards d'euros en 2015.

La Cour des comptes formule chaque année des recommandations visant à clarifier la présentation de la mission, en prenant notamment en compte les remboursements d'impôts locaux à l'article d'équilibre et la fin de l'imputation des restitutions mécaniques en crédits budgétaires. Ces avis de la Cour, identiques année après année, ne sont jamais suivis par le Gouvernement, alors que ces deux mécanismes portent sur 11 milliards et sur 63 milliards d'euros. Quelle suite comptez-vous donner, monsieur le ministre, à ces recommandations de la Cour ? La représentation nationale a l'impression que l'administration use de présentations volontairement complexes pour limiter le contrôle de son action.

Quels sont les principaux contentieux communautaires qui pourraient avoir un impact budgétaire significatif ? Pour quels montants ? Le coût des affaires déjà jugées s'élève à 0,7 milliard d'euros pour 2014 et 2,2 milliards pour 2015 – dont 0,4 milliard lié au précompte immobilier et 1,8 milliard d'euros pour le contentieux lié aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). Même s'il ne s'agit pas d'un contentieux communautaire, pourriez-vous nous éclairer sur les conséquences budgétaires du jugement du tribunal de Montreuil imposant la rétrocession de 366 millions d'euros à Vivendi au titre du bénéfice mondial consolidé ?

La mission regroupe de nombreux remboursements de crédits d'impôt ayant un effet important sur l'environnement. Nous avons voté récemment la loi relative à la transition énergétique, mais plusieurs dépenses fiscales, comme l'exonération de TICPE sur le kérosène et celle pour les taxis, les routiers et les agriculteurs, vont à l'encontre de ses objectifs. Envisagez-vous de conduire un travail de mise en cohérence de la fiscalité avec les objectifs de la nouvelle loi ? Comment analysez-vous la démission du président du comité pour la fiscalité écologique, M. Christian de Perthuis ? Lassé de ne jamais être entendu, il a préféré partir, et je tiens à lui rendre hommage. Quel avenir réservez-vous à ce comité ?

Monsieur le ministre, ne serait-il pas opportun de rapprocher les crédits de la mission des autres concours financiers aux collectivités locales des remboursements d'impôts locaux ? Le dispositif permettant de verser aux régions une part de la TICPE pour financer leurs infrastructures s'éteindra à la fin de l'année 2015 : comment cette recette fiscale sera-t-elle remplacée ?

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