Intervention de Michel Sapin

Réunion du 3 novembre 2014 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

La dette restera élevée en 2014 et en 2015, et l'encours progressera, mais la charge de l'endettement sera contenue. En 2015, les intérêts de la dette constitueront le deuxième poste budgétaire de l'État après l'éducation nationale et atteindront 44,3 milliards d'euros. Ce montant s'avère inférieur à la charge prévisionnelle de 2014 – qui s'élevait à 46,7 milliards d'euros en LFI et à 44,9 milliards d'euros lors de la loi de finances rectificative (LFR) du 8 août 2014.

Cette stabilité s'explique par les gains de refinancement de l'État : la France a en effet bénéficié cette année de conditions de financement extrêmement favorables. Les taux ont d'ailleurs diminué dans l'ensemble de la zone euro. Notre pays finance ainsi sa dette à des taux historiquement faibles, puisque nos émissions de moyen à long terme s'effectuent au taux de 1,38 % depuis le début de cette année, soit le taux le plus bas jamais atteint et qu'il convient de comparer à celui de 4,1 % en 2008.

Cette bonne nouvelle résulte de la confiance des investisseurs dans la signature française, mais cette baisse des taux traduit également un environnement économique atone en Europe. La faiblesse de l'inflation a conduit la Banque centrale européenne (BCE) à diminuer ses taux directeurs à plusieurs reprises, le taux de refinancement ayant été baissé à 0,15 % en juin 2014, puis à 0,05 % en septembre dernier.

Nous prévoyons donc une contraction de la charge de la dette de l'ordre de 400 millions d'euros pour 2015 en comptabilité maastrichtienne. Monsieur Lurel, les conditions de financement très favorables que nous connaissons depuis le début de l'année s'étant encore améliorées depuis le dépôt du PLF, nous avons révisé à la baisse le scénario de taux d'intérêt. Le PLF pour 2015, présenté le 1er octobre 2014, reposait sur des hypothèses élaborées en septembre estimant que le taux à l'émission des obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans serait de 1,9 % à la fin de 2014 et de 2,4 % à la fin de 2015 ; compte tenu de l'évolution à la baisse des taux depuis le milieu du mois de septembre, nous pensons que ce taux à dix ans ne dépassera pas 1,5 % à la fin de 2014 et 2 % à la fin de l'année prochaine – évaluation prudente, car le dernier consensus des économistes estimait ce dernier taux à 1,8 %, mais nous considérons que les taux pourraient remonter à la suite d'un mouvement amorcé aux États-Unis à la suite du changement de cap annoncé par la présidente de la FED. Les dernières dégradations des perspectives de la note de la France n'ont eu aucun effet sur le niveau des taux d'intérêt – ou alors inverse à celui attendu –, et ces notations n'entrent pas dans notre scénario de taux.

La LFI pour 2014 a créé un fonds de soutien des organismes publics locaux ayant souscrit des emprunts structurés et des instruments financiers les plus sensibles. Le versement des aides attribuées par le fonds d'ici à l'été 2015 s'effectuera sur quinze ans, à raison de 100 millions d'euros par an. Une petite partie – de l'ordre de 50 à 60 millions d'euros au maximum – pourra être donnée en une fois. Le Gouvernement a pris du retard dans la mise en oeuvre de ce fonds, même si une accélération s'est produite ces derniers mois. On a installé le service de pilotage du fonds et on l'a présenté au comité national d'orientation et de suivi ; ce service doit se prononcer sur la doctrine d'emploi du fonds. Le comité, présenté par le sénateur Jean Germain, accueille toutes les strates de collectivités locales ; celles-ci peuvent dorénavant déposer leur dossier et demander une aide au fonds de soutien.

La modernisation de l'action publique a marqué une nouvelle étape en 2014 avec la publication d'une doctrine et l'adoption de l'ordonnance du 20 août relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Les lignes directrices de l'État actionnaire, adoptées par le Gouvernement le 15 janvier, ont permis de préciser et de clarifier les interventions en fonds propres. L'État peut piloter une gestion plus active en vendant certaines participations pour se désendetter et pour réinvestir dans des champs plus utiles – comme l'efficacité énergétique, pour laquelle nous mettrons en place en 2015 des dispositifs d'appui – et dans le secteur industriel en fonction des dossiers et des nécessités.

Nous avons simplifié et renforcé le cadre juridique de la gouvernance des entreprises à participation publique dans l'ordonnance du 20 août 2014 ; il s'agissait de prendre en compte l'évolution des bonnes pratiques de gouvernance qui s'est déployée depuis trente ans, afin de rapprocher le public du privé et de donner à l'État une capacité d'influence, au moins égale, voire supérieure, à celle des actionnaires privés. Nous avons bien entendu préservé certaines spécificités des entreprises à participation publique, notamment dans la plus grande représentation des salariés ou la protection d'intérêts stratégiques de l'État dans la défense nationale ou l'énergie.

Cette politique de gestion plus dynamique s'est déployée dans des opérations de cession – titres d'Airbus, de GDF Suez et de l'aéroport de Toulouse –, qui ont permis à l'État de prendre une participation de 15 % dans PSA en avril et de se désendetter à hauteur de 1,5 milliard d'euros en octobre – opération qui ne s'était plus produite depuis 2007.

Nous poursuivrons cette stratégie en 2015 en mettant l'accent sur la limitation de l'endettement de l'État – 4 milliards d'euros de produits et de cessions seront affectés à cet emploi. Compte tenu du portefeuille de l'État actionnaire – constitué en grande partie de sociétés cotées –, vous comprendrez que je ne vous donne pas davantage de détails sur les opérations offensives que nous souhaitons mener dans les domaines que j'ai cités.

Monsieur Lurel, la baisse prévisible des investissements des collectivités locales s'explique principalement par le cycle électoral ; en 2012 et 2013, les investissements étaient dynamiques, cette tendance s'étant, comme il était attendu, renversée cette année. Cette situation accentue les difficultés rencontrées par les entreprises de travaux publics qui peuvent déjà souffrir d'un manque de commandes. Le Gouvernement a pris des mesures pour amortir le repli de l'investissement local : dotation de soutien à l'investissement, levée des contraintes pesant sur le fonctionnement du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) et majoration du taux forfaitaire du FCTVA comme l'année dernière.

Les conditions de financement des collectivités locales s'avèrent aujourd'hui favorables ; le financement est abondant – ce qui n'était pas le cas il y a deux ans –, le secteur bancaire a assoupli ses conditions de crédit – il sollicite les collectivités bien plus qu'il ne rejette ses projets –, l'offre de la société de financement local (SFIL) via le réseau de la Banque postale s'est développée et les plus grandes collectivités disposent d'un accès direct au marché obligataire.

La CSPE est assimilée à un prélèvement obligatoire depuis un arrêt du Conseil d'État de mars 2006 ; les dépenses qu'elle finance se trouvent comptabilisées au sein des dépenses publiques maastrichtiennes et entrent donc dans le calcul du déficit public. Depuis mars 2014, la dette de la contribution est intégrée dans la dette publique. Sur le plan de la comptabilité générale, la CSPE constitue donc un engagement hors bilan de l'État.

Madame Sas, la divergence entre les Gouvernements successifs et la Cour des comptes sur le traitement des impôts locaux dans l'article d'équilibre des lois de finances est maintenant ancienne. Ces dépenses sont traitées en moindres recettes en comptabilité nationale et on doit donc les appréhender de la même manière dans le budget de l'État.

À notre arrivée au pouvoir en 2012, nous avons trouvé en héritage trois contentieux communautaires de masse : celui sur les OPCVM – représentant 5 milliards d'euros –, celui sur les précomptes mobiliers pour lequel le Conseil d'État a rendu une décision plutôt favorable à l'État, ce qui a fait diminuer son coût de 2 milliards à 1,3 milliard d'euros, et celui sur la taxe sur les communications électroniques pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) nous a donné raison. La suppression du bénéfice mondial consolidé de Vivendi en 2011 a conduit à la condamnation de l'État ; s'il ne fait pas appel, le déficit public sera alourdi de 400 millions d'euros y compris les intérêts moratoires.

Le versement de la TICPE aux régions pour le financement des infrastructures a donné lieu à une contestation européenne du dispositif de modulation générale de la TICPE, mais la TICPE liée au Grenelle n'est pas concernée et l'investissement qui y est attaché sera préservé.

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