Alors que j'étais encore au ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, j'ai été très frappée, pendant la période qui a suivi les attentats de janvier 2015, de constater à quel point de nombreuses études réalisées par des chercheurs avaient été négligées, qu'elles portent sur les techniques d'embrigadement, sur ce qui se passe dans les prisons, sur la manière de faire de certains imams ou sur le comportement des terroristes. Les auteurs de ces travaux m'ont dit leur sentiment que cette mine d'informations concrètes n'était aucunement utilisée par les services de renseignement ; ils déploraient qu'il ait fallu que des attentats soient commis pour que l'on s'attache à refaire le chemin à l'envers alors que les informations étaient disponibles. Un décloisonnement n'est-il pas nécessaire ? Ne faut-il pas resserrer les liens entre ces chercheurs et les services ?
De même, après les attentats de janvier dernier, le ministre de l'Intérieur soulignait qu'il fallait s'intéresser à la formation des imams ; mais c'est ce que font déjà, en liaison avec le Maroc, huit universités françaises depuis plusieurs années. Cela ne semble pas suffisamment su, et il ne me semble pas que les choses aient beaucoup évolué depuis janvier.
Le métier d'analyste de données – data scientist – est encore très peu répandu en France ; des mastères existent cependant. Les services de renseignement sont-ils en contact avec les nouvelles promotions ? Les laboratoires de cryptologie ne pourraient-ils être davantage sollicités ? Doit-on, en raison d'un jacobinisme persistant, perdre du temps à réinventer des compétences qui existent déjà et pour lesquelles nous disposons d'un vivier ?
Enfin, de jeunes Français dont les familles sont originaires du Maghreb et du Machrek, diplômés de l'enseignement supérieur, d'une loyauté absolue, dont la double culture et le fait qu'ils parlent l'arabe seraient source de compétences très précieuses, se heurtent à un plafond de verre quand ils postulent auprès des services de renseignement – leur nom les dessert. C'est contre-productif et cela traduit une étroitesse d'esprit dont le FBI est loin de faire preuve. Les services doivent absolument cesser de se priver de ces talents.