Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le tourisme est un secteur en plein essor à l’échelle mondiale qui représente une chance que la France ne doit pas laisser passer. Notre territoire bénéficie en effet d’atouts géographiques, historiques et culturels considérables, qui sont autant de moteurs dans le choix de la destination des visiteurs étrangers. Ils constituent un levier économique et une source de devises dont notre pays ne saurait se priver.
C’est la raison pour laquelle le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a décidé de lancer un travail d’évaluation des forces et des faiblesses de la politique d’accueil touristique. Notre collègue Philippe Le Ray et moi-même avons conduit ce rapport, que nous avons rendu en juillet 2015 et dans lequel nous avons formulé des propositions visant à améliorer notre politique d’accueil afin qu’elle soit à la hauteur de notre statut de première destination touristique mondiale.
Je veux faire part ici de ma satisfaction que le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ait choisi ce thème pour débattre ce soir. Il nous donne ainsi l’occasion de valoriser et de soutenir un secteur qui, tout primordial qu’il soit pour notre économie, rencontre actuellement d’importantes difficultés. Outre les effets de la baisse de la fréquentation touristique liée aux attentats de Paris, les professionnels du tourisme doivent faire face à la concurrence internationale, aux bouleversements climatiques ou encore à la multiplication des normes qui freinent leurs investissements. Dans un tel contexte, il est urgent de réfléchir à notre politique d’accueil touristique, devenue cruciale lorsqu’il s’agit d’attirer les visiteurs étrangers, de les inciter à prolonger leur séjour et de les inviter à consommer sur place.
Si le tourisme international est, en effet, en plein essor avec un nombre de visiteurs internationaux en augmentation de 27,7 % depuis 2008 et des recettes au niveau mondial qui atteignent 1 500 milliards de dollars en 2014, force est de constater que notre pays ne profite pas suffisamment du dynamisme de cette demande. Si la France reste la première destination touristique avec 83,8 millions de visiteurs étrangers en 2014, notre pays perd régulièrement des parts de marché. En matière de recettes, tirées du tourisme international notamment, nous occupons désormais la quatrième position, derrière les États-Unis et l’Espagne et, maintenant, la Chine.
Ces pertes de terrain sont inquiétantes lorsque l’on connaît le poids du secteur touristique dans notre économie. Rappelons que le tourisme, qui dégage 157 milliards d’euros de recettes, dont un tiers provient des touristes étrangers, représente 7,3 % de notre PIB, 1 million d’emplois directs et 2 millions d’emplois indirects non délocalisables, 4 milliards d’euros de recettes de TVA ou encore 11 milliards de devises. Mes chers collègues, ne perdons pas de vue que l’industrie touristique pèse lourd dans notre économie, davantage que l’agroalimentaire ou l’aéronautique. Or ce poids économique reste encore trop méconnu. Il est donc primordial que nous en prenions conscience collectivement afin de considérer l’activité touristique comme une activité économique à part entière et non plus comme une économie de cueillette.
Conscient de l’enjeu, le Gouvernement a fait du tourisme une priorité et s’est fixé le cap de 100 millions de visiteurs étrangers à l’horizon 2020. Je veux à ce sujet saluer les efforts et le positionnement du ministère des affaires étrangères, ainsi que sa volonté de promouvoir le tourisme français au sein de nos ambassades. Nous pensons en effet que le tourisme français a besoin d’une mobilisation de l’ensemble des acteurs pour améliorer son image, sa qualité et son poids économique.
Nous savons pouvoir compter sur votre action, monsieur le secrétaire d’État, pour continuer à fédérer autour de vos initiatives les différents acteurs de la filière. Je pense notamment aux efforts en matière de promotion à l’étranger, qui seront concentrés autour d’une vingtaine de destinations inspirées des contrats de destination, qui ont vocation à rendre plus lisible notre offre touristique. Vous le savez, notre pays présente mille facettes différentes : si cela fait son charme aux yeux des touristes du monde entier, nous devons renforcer le ciblage de cette promotion et capitaliser sur la notoriété de marques qui sont déjà bien établies. Cette stratégie marketing pourra bien entendu être révisée périodiquement et affinée pour adapter les messages selon les cibles de clientèle.
Dans cette perspective, l’agence Atout France dispose d’un budget de 70 millions d’euros pour renforcer la place de la France au sein du tourisme mondial. Mais Atout France, confrontée aux contraintes budgétaires, nous impose de réfléchir à une consolidation de son modèle économique. Cela nous a amenés à proposer de sécuriser les ressources d’Atout France en lui affectant le produit des droits sur les visas de tourisme. Nous accueillons à ce titre avec satisfaction l’annonce de l’affectation de 5 millions d’euros de recettes des visas au budget d’Atout France en 2016.
Après avoir attiré les visiteurs internationaux, nous devons également travailler à ce qu’ils prolongent leur séjour sur notre territoire en concentrant nos efforts sur la qualité de l’accueil touristique, notamment du premier accueil. La qualité de l’accueil est souvent évaluée de manière subjective par les visiteurs : c’est pourquoi nous devons faciliter leurs premières démarches sur le territoire français, dans les aéroports ou les gares notamment. C’est la raison pour laquelle nous avons formulé des propositions pour fluidifier les arrivées des vols internationaux. À Roissy, ce sont 30 avions de 500 passagers, soit 15 000 personnes, qui débarquent en même temps entre six heures et neuf heures du matin. Il convient donc d’adapter les effectifs de la police aux frontières en fonction des besoins, notamment aux heures de pointe, et de mobiliser du personnel formé pour accueillir ces visiteurs étrangers.
Si de nombreux efforts ont été faits pour prendre en compte les besoins de ces visiteurs étrangers, c’est aussi à la sortie de l’aéroport que nous devons porter nos efforts. Dans cette perspective, des progrès restent à faire pour améliorer la liaison entre Paris et ses aéroports. À ce titre, nous soutenons le Gouvernement dans sa volonté de mettre en service la liaison Charles-de-Gaulle Express en 2023, tout en regrettant que ce projet ne puisse être réalisé plus tôt. Par ailleurs, monsieur le ministre, où en est la voie de circulation réservée aux taxis après la décision du tribunal administratif de Montreuil et dans quelle mesure ce dispositif pourrait-il être effectif ?
Je tiens aussi à insister sur la nécessité de favoriser l’intermodalité, afin d’assurer une meilleure répartition du tourisme sur l’ensemble du territoire. Pour cela, nous avons proposé que les aéroports régionaux puissent accueillir plus de lignes internationales afin de faciliter la découverte des richesses de nos régions.
La sécurité est également essentielle dans l’attractivité des territoires. Si d’importants efforts en la matière semblent commencer à porter leurs fruits, il s’agit de lutter avec vigueur contre les vols à la tire, notamment dans les lieux très fréquentés comme les gares, les transports et les sites touristiques prisés. Il faut également communiquer régulièrement sur les résultats des plans de sécurisation des touristes en France.
Un autre sujet a beaucoup appelé notre attention : la qualité de l’offre d’hébergement. Élue dans la circonscription des Hautes-Pyrénées qui comprend Lourdes, deuxième ville hôtelière de France, je veux profiter de cette occasion pour souligner les difficultés grandissantes rencontrées par les professionnels de l’hébergement touristique. Ces derniers sont confrontés à un effritement des nuitées touristiques, pour la plus grande part lié à la désaffection de la clientèle européenne traditionnelle, dont les attentes ont évolué tant en termes de qualité que de diversification dans la demande d’hébergement.
L’apparition d’offres locatives proposées par des particuliers notamment via la plate-forme Airbnb séduit de plus en plus et pèse sur l’activité hôtelière classique. Au-delà des mesures nécessaires à prendre pour lutter contre une concurrence déloyale, l’hôtellerie classique doit s’adapter et prendre de plus en plus en considération les aspirations de la clientèle. Il faut ainsi répondre au souhait de montée en gamme afin de s’adapter aux standards internationaux. Nous devons donc aider ces entreprises à investir dans une offre de qualité qui nous permettra d’attirer la clientèle des pays émergents tels que les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Il serait également opportun d’alléger les sujétions administratives auxquelles ces entreprises doivent faire face et qui freinent leur capacité de modernisation.
Au-delà des prestations de base que les touristes sont en droit d’attendre, notre pays doit se mobiliser pour améliorer les conditions d’accueil proprement dites. Si cette mobilisation concerne d’abord les professionnels du tourisme, elle doit également impliquer l’ensemble de la population, qui doit modifier son regard sur l’esprit de service et retrouver les bons réflexes de l’hospitalité. Je tiens d’ailleurs à saluer l’initiative de CCI France qui lancé le programme High Hospitality Academy visant à améliorer la qualité de l’accueil touristique, avec le soutien de l’État.
Modifier notre regard sur le tourisme passe tout d’abord par une meilleure valorisation des métiers de l’hôtellerie et du tourisme. Trop souvent ces emplois sont perçus comme des sous-emplois, mal considérés et pouvant être exercés sans qualification. C’est une erreur grossière. Il nous faut donc mettre l’accent sur la formation initiale et continue pour valoriser la notion de service, mieux connaître les différentes clientèles et s’adapter à leurs attentes. Un effort tout particulier doit être porté sur l’apprentissage des langues étrangères, en lien avec l’éducation nationale, afin d’améliorer la maîtrise de ces langues par les professionnels du tourisme et de l’accueil.
L’accueil par la population française est souvent un point faible des enquêtes internationales. Dans le rapport, nous avons souhaité encourager le développement d’associations de bénévoles, qu’on appelle les greeters et qui accueillent les touristes. Il serait aussi intéressant que les pouvoirs publics puissent valoriser leurs actions sur les sites Internet des offices du tourisme par exemple.
Il nous faut également prévenir les phénomènes de saturation qui peuvent toucher certains sites touristiques, comme la tour Eiffel ou le Louvre. Dans cette perspective, il est indispensable de détendre les contraintes qui encadrent ces monuments et sites touristiques et de donner la possibilité d’étendre les horaires d’ouverture, de supprimer le jour hebdomadaire de fermeture ou de mettre en place des billetteries automatiques.
Enfin, la France, qui a inventé la Fête de la musique, la Nuit des musées ou encore la Fête des lumières doit continuer à innover dans l’événementiel. À ce titre, nous saluons la volonté du Gouvernement d’organiser des manifestations sportives de haut niveau et de grandes expositions qui font et continueront de faire la réputation de la France.
Pour terminer, j’aimerais rappeler que la situation de notre économie touristique est actuellement délicate. Vous le savez, après une bonne saison d’été, l’année 2015 s’est achevée dans un climat plus que morose en raison tant des attentats du 13 novembre que de l’absence de neige dans les stations durant les vacances de Noël. Je tiens donc à profiter de ce débat pour relayer les paroles de notre ministre des affaires étrangères et rappeler que le tourisme n’est pas seulement une question de clientèle internationale. Notre secteur touristique repose également sur la clientèle française, qui a encore de nombreux sites et lieux de tourisme à découvrir en France. Après le succès du « Fabriqué en France », nous ne pouvons qu’inviter l’ensemble de nos concitoyens à « Voyager en France » !